Hong Kong a importé, de janvier à septembre 2010, pour 599 M$ de vin, soit une hausse de 72,3 % par rapport à la même période de l’an passé. La progression est régulière depuis 2008, quand l’ex-colonie a aboli les 80 % de droits qui grevaient les importations de vin sur son territoire, dans le cadre d’une stratégie que Boris de Vroomen, patron de Moët-Hennessy Diageo Hong Kong, et coprésident de la Hong Kong Wine and Spirits Coalition, décrit comme « délibérée et globale, mise en musique tant par les autorités que les opérateurs: Hong Kong veut devenir le grand hub pour le commerce du vin en Asie ».
Ainsi, outre la dimension fiscale, cette politique s’attache aussi à la formation de professionnels compétents en matière de vin et à la promotion du produit, avec deux grands salons professionnels, la Hong Kong Wine Fair et Vinexpo Asie-Pacifique, et une manifestation grand public, le Hong Kong Wine and Dine Festival, organisé en partenariat avec le Conseil interprofessionnel des vins de bordeaux.
En volume, les flux générés par ce nouveau business deviennent substantiels: de septembre 2009 à septembre 2010, plus de 3,7 millions de caisses de 12 bouteilles sont entrées à Hong Kong, essentiellement par voie maritime, et 725 000 en sont ressorties, à destination de la Chine. L’excellence des infrastructures logistiques de Hong Kong est célèbre. Mais transporter, stocker et distribuer du vin exige des investissements ad hoc, surtout en zone tropicale.
Une grosse partie du marché étant composée de vins fins, ces exigences sont renforcées: Crown Wine Cellars propose des services de transport et de stockage, essentiellement destinés aux collectionneurs hongkongais, dont les vins représenteraient 35 % des stocks d’Octavian, la plus grande cave de Londres: profitant de l’exonération fiscale, ils les rapatrient chez eux. « Nous affrétons un reefer de 20 ou 40 pieds par mois, dont nous confions le transport à Seabrooks Fine Wine Exports, qui nous le livre à domicile », explique Gregory De’eb, le patron de Crown Wine Cellars, qui dispose d’une capacité de stockage, notamment dans d’anciennes fortifications de la Seconde Guerre mondiale réhabilitées et aménagées pour stocker le vin dans des conditions optimales (température, hygrométrie, lumière, sécurité) de 1 million de bouteilles. Même chose chez Kerry Logistics: « Nous avons ouvert depuis 2008 une cave de 150 000 sq-ft, équipée du dernier cri, explique Samuel Lau, le directeur hongkongais, et proposons un service vin clés en main à nos clients: importation, fret, stockage, gestion des inventaires, distribution locale et réexportation. » De quoi acheminer et conserver les grands crus vendus dans les ventes aux enchères locales: inexistantes avant l’abolition des taxes, elles se sont élevées à près de 140 M$ cette année, faisant de Hong Kong la première place mondiale devant New York et Londres. Là encore, les conditions pour faire venir le vin sur place doivent être optimales: « En plus de n’utiliser que des reefers, nous inspectons les vins avant et après leur transport, et utilisons un packaging gonflable et réutilisable, qui réduit au maximum le risque de casse », indique Charles Curtis, directeur Asie du département vin de Christie’s.
Les vins d’entrée et de milieu de gamme importés à Hong Kong ne bénéficient certes pas de ces conditions exceptionnelles. Il n’empêche, « l’important est d’être crédible et transparent, estime-t-on au Hong Kong Trade Development Centre (HKTDC). Ainsi l’activité de stockage a-t-elle été régulée, avec la mise en place, en 2009, d’un système, unique au monde, confiant à la Hong Kong Quality Assurance Association l’accréditation et le classement des installations de stockage de vin du territoire ». Dans un autre registre, un accord a été conclu en février 2010 entre les douanes chinoise et hongkongaise, visant à simplifier et à accélérer le dédouanement des vins, reposant notamment sur la valeur déclarée à l’entrée à Hong Kong pour calculer les taxes chinoises. L’expérience, limitée pour le moment à Shenzhen, la ville frontière avec Hong Kong, devrait être progressivement étendue. Une bonne chose: moins longtemps le vin traîne en zone douanière, mieux il se porte. En outre, la stratégie de l’ex-colonie ayant aussi encouragé la contrebande, la simplification des procédures devrait contribuer à la faire diminuer.