En présentant Plug, Power Generation during Loading and UnloadiG, son dispositif de connection électrique navire-quai, Damien Feger, vice-président de NG2, propose une réponse à deux des questions « existentielles » posées par le branchement à quai. En juin 2009, AJI-Europe/EFEC ont expliqué dans leur étude sur les avantages et inconvénients du cold ironing que rien n’est simple: quelle tension? Quelle fréquence? Quelle forme de prise électrique? Le câble d’alimentation doit-il monter du quai ou descendre du navire? Quel intérêt réel? Etc. (lire JMM du 2/10/2009; p. 14).
Première question évacuée: les plus gros consommateurs d’électricité que sont les paquebots ayant besoin de 11 kV, les connecteurs de marque Proconect que Plug utilise, ont été calibrés pour faire passer cette tension sous 700 A. Seconde question: installé sur le navire, le dispositif descend chercher la prise électrique de quai, la monte jusqu’au navire et la branche directement sur celle du navire après un court séchage à l’air sec comprimé, le tout en moins de 10 mn. Simple à décrire, plus complexe à réaliser.
Dans le détail, un navigant déclenche l’ouverture d’un sabord qui libère un petit pont roulant. Un autre bouton déclenche la descente électrique d’une chaîne assez lourde (afin que le vent ait peu d’influence) au bout de laquelle se trouve une clavette de section triangulaire. À quelques centimètres du sol, cette clavette est centrée par deux pièces semi-circulaires solidaires d’un bâti, mobile ou non, qui abrite la prise de quai. La clavette se verrouille dans celle-ci puis la monte vers le pont roulant. Stockés dans l’eau, les câbles électriques fournis par Nexans suivent le mouvement. Un petit coup de séchage et les deux prises sont connectées sans intervention humaine directe.
Sauf que les autres questions posées en juin 2009 n’ont pas encore trouvé de solutions en France comme ailleurs. Il n’existe aucune norme internationale relative aux caractéristiques techniques et géométriques des prises; les tensions et les fréquences sont variées; tous les ports sont loin d’être capables de fournir de l’électricité « verte », c’est-à-dire émettant moins d’émissions et de particules que les alternateurs des navires, sauf en France (grâce à l’électricité nucléaire), au Canada et en Norvège grâce à l’hydroélectricité. Mais en France, comme ailleurs, se pose également le problème de l’acheminement d’une éventuelle électricité verte.
L’absence de normes n’est pas un problème, répond Didier Feger, au contraire. Il y a bien un projet de norme internationale mais il serait loin de faire l’unanimité des professionnels. Plug aurait donc toutes ses chances. Les autres questions échappent totalement au concepteur de Plug.
Des marques d’intérêt
Ce dispositif a un coût certain de l’ordre de 100 000 € HT pour le navire et autant pour le quai. Mais il est presque secondaire par rapport aux autres investissements qui devront être faits sur le navire (si ce dernier n’est pas équipé) et à quai: pour le premier, il est question de 500 000 € à 1 M€; et de 300 000 € à 1 M€ pour équiper totalement le quai. À cela s’ajoute le prix de l’électricité qui doit être compétitif par rapport à celui du diesel oil. En effet, dans l’état actuel des législations, l’exploitant du navire est obligé soit de le brancher à quai – faute de quoi, il n’y aura pas d’escale en Californie, par exemple –, soit décide, pour des raisons économiques ou d’image de marque, de le brancher. L’influence des facteurs économiques est sensiblement différente, selon les cas.
Après plusieurs contacts poussés mais qui n’ont pas abouti à ce jour, avec Hanjin puis avec la SNCM et la CMN (raison économique, apprend-on par ailleurs), Damien Feger travaille sur le ferry que Louis Dreyfus Armateur mettra en ligne entre Le Havre et la Grande-Bretagne. Du fait de l’importance du marnage, la prise de « terre » devrait être flottante et non plus installée le long du quai. Une caractéristique qui intéresserait Total pour ses futurs méthaniers. En effet, en cas de black out total et durable, il est impossible de faire tourner les pompes de cargaison et donc de procéder à un transbordement de GNL. D’où l’idée d’équiper les méthaniers de deux dispositifs: le premier descend chercher une prise flottante et motorisée mise à l’eau par le second.
Dans l’état actuel de la demande à court terme, les possibles premiers clients sont les ferries qui tournent entre deux ports enclavés dans les villes dont les habitants ont le souci de la qualité de l’air qu’ils respirent. Entre Kiel et Oslo, par exemple. La deuxième catégorie de clients est formée par les navires « captifs »: ceux qui reviennent tous les soirs ou presque à quai après leur sortie en mer.
La première commande est attendue pour 2012 en provenance de Californie.
Centralier et titulaire d’un Master of Sciences in Marine and Offshore Engineering de Berkeley, Damien Feger a également travaillé à renforcer l’isolation thermique des méthaniers à membranes en injectant de l’argon en lieu et place de l’azote.