Sur le port de Marseille, c’est le micmac, le méli-mélo. La contestation s’élargit au fil des jours, rendant la situation inextricable. La retraite et les conditions de pénibilité sont au cœur d’un mouvement qui n’exclut pas le refus sous condition de la réforme portuaire, mais aussi la demande d’intégration au sein du GPMM. C’est la dernière revendication des salariés de la société de gardiennage AMO qui, après avoir bloqué les portes des bassins marseillais, se refusent désormais à exercer leur fonction, ajoutant un peu plus de pagaille sur les terminaux marchandises.
Au lendemain de la journée nationale du 19 octobre qui a enregistré une grève totale, les 220 salariés des terminaux pétrole de Fos et Lavera observaient leur 24e jour consécutif de grève. Un record! Épaulés par les salariés des quatre raffineries, ils exercent un blocus (65 pétroliers en rade) que la libération par les CRS d’un dépôt pétrolier (DPF) le 15 octobre n’a pas desserré. Parmi les garanties exigées pour basculer dans la future filiale Fluxel (60 % GPMM), ils demandent la présence exclusive dans le capital de partenaires industriels, la sauvegarde de la masse salariale même en cas du scénario « catastrophe » de fermeture de trois raffineries, une garantie de retour au GPMM en cas de défaillance de la filiale, et enfin que leurs bulletins de salaire continuent d’être à l’en-tête du GPMM. Alors que dockers et grutiers observent les modalités nationales de la FNDP contre la réforme des retraites, les agents GPMM du terminal de Mourepiane en rajoutent une couche avec la remise en cause du futur exploitant du terminal, Intramar, une société « structurellement déficitaire » (dixit la CGT), dans laquelle ils doivent être versés. Côté mer, partis en grève le 13 octobre, les marins de la SNCM et de la CMN ainsi que ceux du remorquage Boluda ont repris le travail au bout de cinq jours avec l’assurance donnée à Paris que la réforme des retraites ne remettra pas en cause leur régime particulier.
Les marins conservent leur régime
Le port vit en fait au rythme d’une ville en éruption où les poubelles débordent, où les cantines scolaires et les crèches ne sont plus assurées, et où les transports en commun menacent d’entrer dans la danse. Une ville dont les rouages se grippent progressivement. Devant cette convergence et cet enchevêtrement de colère, la ligne du patronal local reste claire. L’UP13 enfonce inlassablement le clou sur le thème « la CGT, casseur du port de Marseille, syndicat de tous les archaïsmes ». Son président, Jean-Luc Chauvin, résume: « Il n’y a pas de malédiction sur le port de Marseille, à part peut-être le fait que la CGT s’en est emparée. » La partie de colin-maillard se poursuit. En réponse à la campagne d’affiche sur « le meilleur métier du monde », les grutiers CGT placardent leurs feuilles de paie sur les murs du siège de l’Union patronale. L’UMF chiffre les dégâts causés par les différents mouvements de grève. Sur le terminal conteneurs de Mourepiane, les pertes quotidiennes s’élèveraient à 350 000 € de chiffre d’affaires, 450 EVP et 3 escales. Sur les terminaux pétroliers de Fos-Lavera: des dizaines de pétroliers en rade de Marseille, 1,5 M€ (30 M€ sur 20 jours) et une paralysie quasi totale des services attachés aux navires.
L’Union maritime fluviale a été plutôt discrète jusqu’ici. « Le port est une chose trop sérieuse pour être confié aux portuaires », a estimé en substance Jean Chauvin, président de l’Union patronale lors d’un débat télévisé face à Pascale Galéoté, le leader CGT des bassins Est. Tout en demandant au préfet la tenue d’États généraux du port, ce dernier a établi une première facture. Les mouvements affectant le port de Marseille auraient coûté plus de 650 M€ de manque à gagner, dont 590 pour l’industrie pétrochimique. Un sacré coup de pompe!