Le 8 octobre, vers 5 h du matin, deux navires faisant route vers les Pays-Bas abordent l’entrée sud du DST, à 50 milles à l’ouest d’Ouessant, pour emprunter le rail montant. Les conditions de mer sont loin d’être mauvaises (20 nœuds de vent et mer 3) et la visibilité est bonne. À 5 h 30, l’YM-Uranus, un chimiquier de 120 m de long sous pavillon maltais construit en 2008, signale au Cross Corsen être victime d’une importante voie d’eau qui le met en grande difficulté. Dans la foulée, les 13 hommes d’équipage prennent d’ailleurs place dans le canot de sauvetage « free fall » et abandonnent le navire. Située à 33 milles du chimiquier, la frégate Primauguet est déroutée et, dans le même temps, le remorqueur Abeille-Bourbon reçoit l’ordre d’appareiller. De plus, les hélicoptères Caracal et Dauphin décollent de la base de Lanvéoc-Poulmic.
Le mot chimiquier inquiète immédiatement les autorités du Centre opérationnel de la Marine (COM) de Brest qui apprend que la voie d’eau est consécutive à une collision entre le chimiquier et le Hanjin-Rizhao, un vraquier de 286 m. Construit en 2010 et battant pavillon panaméen, ce vraquier de près de 200 000 t a percuté l’YM-Uranus par son arrière bâbord. Le choc a été si violent que le chimiquier s’est d’abord complètement couché sur tribord, explosant du même coup les sabords de passerelle de ce côté. Puis, par un mouvement de toupie, il a fait un demi-tour complet, ricochant sur la coque tribord du Hanjin-Rizhao. Restant sur zone pour une éventuelle intervention auprès des naufragés, le vraquier a repris sa route vers Rotterdam après l’hélitreuillage de l’équipage du chimiquier par le Caracal.
Dans les eaux internationales
Déposés à Lanvéoc-Poulmic et un peu remis de leurs émotions, des officiers de l’YM-Uranus se joignent à l’équipe d’évaluation et d’investigation (EEI) de la préfecture maritime et apportent leur aide au centre opérationnel. Car, si tout le monde est sain est sauf, il faut bien solutionner la problématique d’un chimiquier chargé de 6 000 t de Pygas (essence de pyrolyse) qui, victime d’une brèche dans sa muraille et d’une passerelle démantelée, accuse une gîte de 15o.
L’absence de fuite, l’intégrité préservée des douze cuves en inox et la flottabilité assurée par la double coque poussent finalement le préfet maritime à prendre la décision d’un remorquage sur Brest. « J’aurais préféré amener le chimiquier sur Donges qui, à l’inverse de Brest, offrait les moyens d’assurer le transbordement et le stockage d’une telle cargaison », a-t-il confié par la suite. Mais un avis de 45 nœuds de vents de SSE pour la nuit à suivre a fait pencher la balance.
Après un remorquage d’une douzaine d’heures, à petite vitesse, le chimiquier est amarré à l’épi porte-avions, dans la base navale. Une des trois options brestoises retenues avec celle d’un mouillage en grande rade ou d’une rentrée en forme 3. Sécurisé par un périmètre de 500 m et un barrage antipollution flottant, le navire est inspecté le lendemain par des plongeurs et, toute la nuit, les équipes techniques des Abeilles ont travaillé pour permettre au navire de retrouver son assiette. Opération réussie le 10 au matin.
Parti d’Anvers le 9 au soir, le chimiquier Stolt Teal est arrivé à Brest dès 7 h du matin, le 11, et s’est mis à couple de l’YM-Uranus pour entamer les opérations de transbordement de la cargaison. Une manœuvre achevée le 12, à 9 h 30. Toute l’opération aura été prestement et efficacement menée par l’Action de l’État en mer.
Lors d’une conférence de presse, Anne-François de Saint-Salvy, préfet maritime de l’Atlantique, a tenu à souligner que, dans cet événement, la responsabilité de la France n’était pas engagée. « La collision est intervenue en dehors du DST, en eaux internationales, hors réception radar et avec une bien trop faible discrimination du signal AIS pour que le Cross Corsen puisse intervenir préventivement. Le chimiquier va porter plainte, mais la France ne sera pas dans la boucle de l’enquête qui va se dérouler. »