Le 12, vers 7 h du matin, le transporteur de raffinés grec Mindoro, chargé de kérosène, et le porte-conteneurs chypriote Jork-Ranger sont entrés en collision, à 20 nautiques à large de la ville néerlandaise de Scheveningen. Ce qui a provoqué une brèche de 5 m de diamètre au niveau de la flottaison du chimiquier. En pompant le kérosène, hautement inflammable, de la cuve endommagée vers une capacité vide, l’équipage a fortement réduit le faible risque de pollution d’un produit par nature très volatil. Transportant beaucoup de boîtes vides, le porte-conteneurs a subi des dommages mineurs. Il a fait route vers Rotterdam. Pas de blessé. Et comme l’a écrit le BEAmer au sujet de l’échouement du Sichem-Osprey (p. 12), « cet événement de mer n’est donc pas un accident très grave, au sens des définitions du code de l’OMI. Pour cette raison, le BEAmer n’a pas entrepris un déplacement sur zone nécessitant une logistique lourde ». Il faut souhaiter que le BEAmer néerlandais ne fera pas sien le principe du « pas grave, pas d’enquête » (principe fermement rejeté par l’aviation civile), même si la collision s’est produite dans les eaux internationales. Et ce pour plusieurs raisons. Dans le cas présent, recueillir les témoignages des équipages (25 personnes sur le Mindoro et 12 sur le Jork-Ranger) ne devrait pas coûter très cher et serait hautement instructif. En effet, grâce à la « magie » d’internet et à celle de l’AIS, il est possible de voir les trajectoires suivies par les deux navires: le porte-conteneurs faisait route grosso modo au 190o; et le transporteur de raffinés, au 110o. Ce dernier semble avoir conservé une route constante. Au dernier moment, le porte-conteneurs a modifié sa route pour venir plus à droite et être ainsi « sûr » de toucher. A priori, ils étaient « seuls » sur l’eau. La direction chypriote de la marine marchande a précisé que le porte-conteneurs récent (2005; de propriété allemande) est armé par des Russes, des Ukrainiens et des Philippins. Les officiers de pont du très récent Sichem-Osprey sont également russes et ukrainiens. Leur savoir-faire n’a pas convaincu le BEAmer français.
Autre raison de ne pas laisser seuls les États d’immatriculation mener l’enquête: aujourd’hui, l’écoulement accidentel de kérosène s’est bien terminé. Il serait très audacieux de parier qu’il en sera toujours ainsi. Faudra-t-il donc attendre un accident très grave pour émouvoir certains BEAmer nationaux? Rotterdam étant l’un des principaux centres pétrochimiques européens, cela ne serait qu’une question de temps.
La Commission européenne souhaite mettre en place un espace maritime communautaire qui serait, dans un premier temps, plutôt un espace administratif commun. Si certains BEAmer nationaux regardent trop souvent ailleurs, à l’image de certains Port State Controls, l’Agence européenne de la sécurité maritime pourrait facilement être tentée de prendre la main.