Pour un peu, on aurait pu croire les antifoulings classiques en voie d’extinction. Discrets et un peu cachés par le gros battage dû à la montée en puissance des FRC à base de silicones, ils ont également été vilipendés après l’interdiction des trybutylétain ou TBT dans leur formulation (lire encadré). Les qualités de protection antisalissure offertes par cette première nouvelle génération d’antifoulings sans adjonction de métaux lourds ont en effet déçu les armateurs qui, constatant les moindres performances, ne s’y retrouvaient plus. Sans oser encore passer au FRC, ils ont fait remonter leurs commentaires assez acides…
Ces antifoulings classiques occupent pourtant plus de 95 % du marché et les fabricants de peintures marines sont loin de les avoir délaissés. « Nous avons mis du temps à trouver le bon produit et plusieurs se sont succédés, admet Jean-François Férer, directeur de Jotun France. Mais nous avons de plus en plus de recul face à notre gamme de sans étain hydratant et, globalement, nous optimisons nos spécifications. » Suite au succès remporté par l’antifouling sans TBT SeaQuantum, Jotun a lancé la gamme SeaForce composée de trois nouveaux antifoulings (SeaForce 30, SeaForce 60 et SeaForce 90). Aux dires du fabricant, les hautes performances du SeaForce 90 seraient même supérieures à celles de ce que l’on appelle les antifoulings hybrides. Même son de cloche chez International, qui met par exemple en avant son Intersmooth 7460HS SPC, un antifouling copolymère autopolissant sans étain, particulièrement adapté dans le cadre d’une réduction des émissions de solvants. « Nous avons retrouvé les performances identiques à celles offertes par les anciens SPC aux TBT et pouvons atteindre sans problème des intercarénages de 60 mois », explique Jean-Paul Poret, directeur marine d’International France. Une performance atteinte en dépit d’un indéniable réchauffement de la mer, évidemment plus propice au développement des salissures.
« Nous n’avons jamais cessé nos travaux de recherche sur les antifoulings classiques », commente Cédric Fiorentino, directeur marine d’Hempel France en mettant en avant la gamme des antifoulings Globic. Ces peintures de haute technologie sont basées sur des liants hydrolysables formulés dans une structure brevetée en fibres composites. « Il en résulte d’excellentes propriétés d’autolissage qui se combinent à de hautes résistances mécaniques et la gamme peut être spécifiée de façon à convenir à plus de 90 % de toutes les combinaisons des paramètres du shipping. » Chez Hempel, on indique même que, sous certaines conditions d’utilisation des navires, le Globic SAP peut aller jusqu’à 90 mois d’intercarénage. Mieux que les anciens antifoulings aux TBT…
Les TBT interdits dans les eaux européennes
C’est le 1er janvier 2008 que l’Europe a définitivement banni de ses eaux les antifoulings contenant des biocides à base de trybutylétain, plus connu sous le sigle TBT. En octobre 2001, l’OMI a approuvé la convention sur les systèmes antisalissure (AFS ou Antifouling System Convention). Évaluant la sécurité des systèmes antifoulings pour l’homme et l’environnement, elle a basé sa réflexion sur quatre points clés: les effets sur les organismes non ciblés, le temps d’élimination des biocides par l’environnement, le passage des biocides dans la chaîne alimentaire marine et la sécurité lors de l’application de ces produits. L’OMI se garde encore la possibilité d’étendre cette interdiction à toute autre antifouling qui ne correspondrait pas à ces quatre points clés de sécurité.
Ayant démarré avec l’interdiction d’application des antifoulings aux TBT dès le 1er janvier 2003, ce parcours s’est poursuivi jusqu’au 1er janvier 2008, date à laquelle la présence de ce type d’antifouling n’est plus tolérée sur les coques des navires. « Un écart de cinq années dû à la capacité de protection maximale de 60 mois que peuvent offrir aux armateurs ces antifoulings », commente un fabricant de peintures marines.
Une fois entrée en vigueur, la Convention AFS permet aux pays signataires d’intenter des actions contre les navires battant un autre pavillon et qui utiliseraient des antifoulings à base de TBT. Ces actions peuvent aller jusqu’au refus de laisser un navire rentrer dans un port. Depuis le 1er janvier 2008, tous les navires portant des antifoulings à base de TBT sont ainsi interdits dans les ports de l’Union européenne et dans ceux fonctionnant sous les lois européennes.
Simple sur le papier, cette interdiction est peut-être plus complexe à réaliser concrètement. Comment vont en effet se passer les contrôles? Qui va les réaliser? Avec quels moyens? Les Affaires maritimes se défaussent sur les sociétés de classification. « Par délégation, ce sont elles qui sont chargées de vérifier et d’attester que le navire est conforme aux dispositions réglementaires et légales. Au vu des certificats fournis concernant la qualité des revêtements antifoulings, nous délivrons alors la fiche AFS qui est systématiquement demandée dans le cadre du Mémorandum de Paris. » Ce qui, dans le cadre d’un contrôle inopiné, n’empêche pas les centres de sécurité de faire des analyses plus poussées si les inspecteurs le désirent. Toute infraction est alors sujette à l’interdiction d’accostage ou à une forte amende.