L’émergence des antifoulings aux silicones

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De tout temps, les marins ont eu le souci d’assurer au mieux la propreté des carènes des navires. Aux plaques de cuivre rivetées sur les coques de bateaux en bois ont succédé les peintures antisalissure composées de produits chimiques dont le seul objectif est d’éviter la fixation d’un voile biologique sur les coques. Si ces antifoulings ont remarquablement bien fonctionné, les méfaits de ce type de produits sur l’environnement marin ont finalement été largement démontrés. Du coup, soucieux d’échapper à une noria de restrictions qui allaient leur tomber dessus, les fabricants de peintures ont réagi en proposant des alternatives.

Du principe chimique d’empoisonnement des salissures se fixant sur la carène des navires, ils sont passés à celui, mécanique celui-là, de la non-adhérence de ce fouling. Chimiquement inertes, exempts de tout biocides et physiquement très lisses, les silicones remplissent cette fonction. Lancé par International Marine Coatings en 1996, la famille des successifs Intersleek (Intersleek 425, Intersleek 700 et Intersleek 900) s’est d’abord adressée aux navires rapides dont la vitesse était utilisée pour nettoyer la carène des salissures s’y étant collées lors des escales ou des arrêts prolongés. Aujourd’hui, les caractéristiques de l’Intersleek 900 le font descendre dans les échelles de taille et de vitesse des navires.

Pionnier en matière de revêtements aux silicones, International a bien essuyé quelques plâtres au début. Mais le fabricant a fait des émules et, aujourd’hui, les grands fabricants mondiaux de peintures marines ont tous dans leur gamme un système FRC à base de silicones: le SeaLion chez Jotun, le SigmaGlide chez Sigma Kalon, l’Hempasil (lire encadré) chez Hempel, etc. Quoique relativement récents, ces revêtements ont même fait d’énormes progrès en quelques années. Réservés au début à des bateaux dont la vitesse dépasse les 20 nœuds, les FRC sont aujourd’hui appliqués avec succès sur de petits crew-boats, sur des supplies-vessels lents, lourds et souvent en stand-by ou encore sur des bateaux de servitude de faible longueur. « Ils fonctionnent maintenant à une vitesse inférieure à 10 nœuds » souligne un fabricant. Fragiles aux ragages et aux chocs, ils se sont également renforcés pour allier une bien meilleure résistance à leur souplesse intrinsèque.

Des enjeux économiques et écologiques

Choisir d’appliquer des Foul Release Coatings sur sa carène plutôt que des antifoulings classiques répond en fait à deux soucis de la part des armateurs. Se donner d’abord bonne conscience en privilégiant un système antisalissure qui ne va pas relâcher en permanence des biocides dans la mer. Et réaliser ensuite des économies de consommation de carburant.

Plus globalement, on estime que la flotte mondiale de commerce consomme annuellement 350 Mt de fuel. À ce niveau de consommation, les navires larguent ainsi dans l’atmosphère plus d’un milliard de tonnes de CO2 et plus de 10 millions de tonnes de SO2 chaque année. Pour les fabricants de peinture, toute initiative allant dans le sens d’une diminution de cette consommation de carburant est donc plus que bienvenue. Et les FRC font évidemment partie des moyens susceptibles de réduire cette consommation puisque, selon les chiffres avancés, les systèmes aux silicones permettent des réductions de consommation de l’ordre de 6 % à 9 %. « Sur un ULCC ou porte-conteneurs de 13 000 boîtes, au bout d’une année d’exploitation, ça commence à chiffrer… », commente un fabricant.

Derrière le premier critère – en apparence purement écologique – se cache ainsi un second qui, économique et bien plus terre à terre, sait parler aux portefeuilles des armateurs. « Nous sommes dans un contexte où le premier poste de dépense sur un navire n’est plus l’équipage mais la consommation de carburant, explique un fabricant. Il est donc primordial que les armateurs puissent se voir proposer des technologies leur permettant de réduire ce poste de dépense. » Et ce d’autant que les FRC contribuent à améliorer l’empreinte environnementale d’un navire. Une « footprint » que l’OMI va encore demander aux armateurs de diminuer dans les années qui viennent.

Même pas 5 % de la flotte mondiale

Il reste cependant de vastes progrès à faire avant que l’utilisation des FRC ne soit généralisée. En effet, aujourd’hui, même pas 5 % de la flotte mondiale a opté pour ces systèmes. « Nous avons devant nous un très fort potentiel », commente un fabricant de peinture.

En fait, plusieurs freins semblent agir pour ralentir la généralisation que certains souhaiteraient. D’abord, aux dires même de certains fabricants, ces FRC coûtent très cher. « Il faut compter entre 30 et 45 €/m2 pour un FRC, précise un fabricant. Soit 20 % à 30 % plus cher que l’application d’un antifouling classique. Mais il s’agit d’un investissement qui sera vite récupéré par la réduction de consommation de carburant et le moindre coût des arrêts techniques ultérieurs. »

Ensuite, lors de leur application, ces revêtements demandent de grosses précautions techniques et des conditions météorologiques en adéquation avec le produit. Ce type de revêtement reste également plus fragile aux ragages, frottements, chocs ou abrasion. Enfin, si sur un navire qui fait route les salissures ne s’accrochent pas, ça n’est pas le cas dès que le navire s’arrête. La coque sera donc plus ou moins sale selon le temps et le lieu d’immobilisation.

Des inconvénients qui font dire à un fabricant un peu réservé que les FRC « sont un phénomène de mode sur lequel tout le monde s’excite. J’ai l’impression qu’en ce domaine, un certain nombre de confrères font tout et n’importe quoi. Même pour des bateaux statiques, ils font des propositions de FRC! » Dans le même ordre d’idées, un de ses concurrents avoue simplement « se mettre à la remorque du marché » en proposant ces systèmes. Mais ceci prouve quand même que la demande semble être bel et bien réelle. Aux fabricants alors d’être très judicieux dans leurs conseils et aux armateurs de savoir les écouter avec attention.

Les avancées techniques de l’Intersleek 900

Après les Intersleek 425 et 700, International a lancé son Intersleek 900, un fluoropolymère non adhérent qui étend son spectre d’application. « Il s’adresse à tout type de navires dont la vitesse est supérieure à 10 nœuds seulement », indique Jean-Paul Poret, directeur marine France. Ce qui inclut les feeders, les cargos ou les petits porte-conteneurs et tankers qui ne pouvaient jusque-là bénéficier des bienfaits de la technologie des FRC.

Sept ans d’études et de recherches ont été nécessaires à la mise au point de ce nouveau pas technologique dans la protection antisalissure des carènes. Mais les résultats sont là puisque les responsables d’International annoncent des caractéristiques surpassant très largement celles de l’Intersleek 700. « Comparée à l’Intersleek 700, l’Intersleek 900 donne un film 25 % plus tendu et plus lisse et 38 % de mieux en coefficient de résistance. Ses performances sont également améliorées de 80 % quand le navire est statique et le revêtement fait 40 % de mieux en propriétés antiadhérentes. Il diminue de 50 % l’apparition du slime (ou voile biologique) et offre une résistance à l’abrasion supérieure de 60 %. » De plus, sa résistance à la coulure est améliorée de 100 % lors de son application, l’overspray est diminué de 60 % et la brillance du film augmentée de 35 %.

Ces caractéristiques sont également synonymes de réduction de consommation de combustible et de réduction des émissions nocives. « Nous tablons sur 2 % de mieux par rapport à l’Intersleek 700 et sur 6 % si on compare à la technologie antérieure des antifoulings SPC », estime Jean-Paul Poret en illustrant son propos par quelques chiffres appliqués à un gros tanker de type VLCC: 4 500 t de fioul en moins, une diminution de 14 000 t d’émission de dioxyde de carbone et une économie de 1,2 M$ sur une période de 5 ans.

De plus, l’absence de biocides amène un allégement de la facture lors d’une mise à sec du navire pour son carénage (frais de lavage et d’abrasifs considérablement réduits, par exemple).

L’Hempasil X3 saute une génération

Baptisée à dessein Hempasil X3, la nouvelle mouture de l’Hempasil fait carrément un saut dans le temps. « Nous sommes directement passés de la première à la troisième génération », fait-on valoir chez le fabricant danois. Ce résultat est notamment dû à l’ajout d’un polymère hydrophile qui apporte une protection prolongée par rapport à des silicones classiques. Formant une très fine couche de quelques microns, cet hydrogel ultra-absorbant crée un effet leurre face aux organismes marins qui, ne trouvant pas grand-chose de solide à quoi s’accrocher, ne vont pas tenter de coloniser la coque. Un concept un peu étrange a priori, mais qui a pourtant séduit un armement comme Holland American Line qui a choisi ce Foul Release Coating pour protéger deux de ses paquebots (les Zaandam et Prinsendam). Il est vrai que ce revêtement a reçu le Seatrade Award, véritable « Oscar » du transport maritime, et l’Ingeniorens Product Award 2009.

Persuadé des capacités de leur système, Hempel accorde ainsi une garantie de cinq ans et, dans certains cas spécifiques, la fait même monter jusqu’à 90 mois.

Aux dires du fabricant, l’Hempasil X3 est actif à partir de 8 nœuds et conserve son efficacité à des activités réduites de moitié. Et toujours selon les responsables danois, les économies de consommation de carburant à en attendre iraient de 2 % minimum à plus de 8 % selon les types de navires et leurs modes de conduites. Propos commerciaux en l’air? Pas du tout, puisque l’offre complète inclut le système Sea Trend de Force Technology qui, grâce à un logiciel de monitoring et des tables d’enregistrement, mesure en permanence les économies réalisées. Lors d’essais en mer, Hempel a ainsi évalué l’économie de carburant à 1,5 M$ sur un an sur un grand pétrolier affichant un taux d’activité de 80 %. Sans parler de la réduction de CO2, de SO2 et de NOx

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