Et l’Europe?

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Par suite de la reconstitution des flottes marchandes à partir de 1950, les chantiers engrangent commandes sur commandes et ne connaissent qu’un seul problème: les délais de livraisons! Le Japon parvient à s’adjuger plus de 50 % de la production mondiale.

Le premier choc pétrolier

En 1987, le Journal de la Marine Marchande a publié une « réflexion » sur la crise et les perspectives d’avenir de la construction navale, dont voici les principaux éléments.

1973 marque un tournant. Cette année-là, la quatrième guerre israélo-arabe, à la surprise générale, dure plus longtemps que les précédentes de 1948, 1956 et 1967. En outre et pour la première fois, elle provoque une réaction inattendue des pays arabes producteurs de pétrole qui en quadruplent les prix en plusieurs phases rapprochées, avec de sérieuses conséquences sur les économies des pays européens et du Japon. Le déséquilibre entre l’offre et la demande de transport perturbe les marchés maritimes et, par voie de conséquence, celui des navires. Entre 1976 et 1984, sans concertation préalable et presqu’au coup par coup, les chantiers japonais et de la Communauté économique européenne tentent de réduire leurs capacités, dont l’excédent global atteint 30 %. La réduction de leurs activités entraîne des réductions d’effectifs, des crises financières et des interventions des pouvoirs publics. Le Japon et la Corée du Sud investissent massivement dans la conception de navires sophistiqués, car la demande de vraquiers et de pétroliers se raréfie. Ces deux pays contrôlent plus de 70 % du marché en 1986. L’Europe de l’Ouest tire son épingle du jeu grâce à ses capacités de réalisation de navires de haute technologie. Mais ses concurrents profitent de normes de travail de leurs personnels plus avantageuses. Ainsi, par rapport aux prix français, ceux du Japon sont de 36 % inférieurs et ceux de la Corée du Sud de… 60 %! Les conséquences se font sentir en Europe.

L’Allemagne de l’Ouest, mieux organisée, s’en sort mieux que ses concurrents européens. Quelques chantiers disparaissent. Les plus grands conservent leur potentiel grâce aux aides de l’État fédéral et aussi à la discipline nationale, qui conduit l’armateur allemand à commander en priorité chez lui. L’Allemagne de l’Ouest est redevenue le troisième constructeur mondial en 1984.

La Finlande a bénéficié, pendant la crise, de ses relations privilégiées avec l’Union soviétique. En outre, elle peut construire n’importe quel type de navire, au point de concurrencer la France pour les paquebots.

La Grande-Bretagne, principale puissance maritime du monde jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, perd plus de la moitié de ses chantiers en quelques années. La plupart de ceux qui restent sont regroupés dans British Shipbuilders.

L’Espagne n’a plus ses capacités d’antan. En 1986, ses chantiers n’emploient plus que 40 000 personnes. Le plan du gouvernement de restructuration de la marine marchande et de la construction navale prévoit une réduction de moitié des effectifs.

Les Pays-Bas et la Belgique connaissent aussi des difficultés, mais sur un nombre moindre de sites. Les chantiers néerlandais, bien placés sur le marché des dragues, sont dans une situation moins précaire que leurs voisins belges, qui ne survivent qu’avec des aides de l’État.

L’Italie parvient toujours à sortir à son avantage des crises successives… depuis 25 ans! Sa construction navale, en perte de vitesse, repart périodiquement en fonction des besoins de la compagnie maritime nationale. Quelques chantiers restent très compétitifs. Le groupe Fincantieri, connu notamment pour ses navires de croisières, a transféré son siège à Trieste. La réorganisation des chantiers publics a assigné la construction militaire et la réparation navale à Gênes.

La France a procédé à une modernisation de grande ampleur de son industrie navale civile de 1970 à 1984, qui débouche sur la constitution des groupes Alsthom et Normed, lequel apparaît bientôt condamné par la crise et l’insuffisance des mesures des pouvoirs publics. En revanche, Alsthom dispose d’une compétence et d’une avance techno- logique reconnues dans le domaine des grands navires de croisières. Mais ses concurrents japonais commencent à se placer sur ce créneau.

La Norvège et le Danemark ont procédé à de sévères restructurations, afin de préserver une industrie très spécialisée dans les plates-formes pétrolières offshore, les unités de servitude et les navires de tailles moyennes.

La Suède a fermé Kockums, son dernier grand chantier, en 1988. Sa construction navale aura donc été délibérément sabordée, alors qu’elle était la deuxième du monde derrière celle du Japon une dizaine d’années auparavant. La Suède a été longtemps pionnière en matière d’ingénierie navale, de rationalisation des chaînes de production et d’informatisation de tous les systèmes de construction.

La Grèce dispose d’une des plus grandes flottes marchandes du monde… qu’elle fait surtout construire à l’étranger. La concurrence asiatique l’a obligée à démanteler plusieurs chantiers. Mais elle reste compétitive pour les petites unités et la réparation navale.

Avenir sombre, mais espoir

Aujourd’hui après la crise économique de 2009, l’OCDE estime préoccupante la surcapacité de construction navale dans le monde. Peu d’États ont prévu de soutiens à cette industrie. Les mesures d’aide se limitent à des prêts et des garanties pour faciliter le financement de commandes pour les armements et de fournitures pour les chantiers.

En mars 2010, Kommer Damen, président du chantier néerlandais Damen Gorinchem, prévoit même la disparition de 50 % de la capacité de la construction navale en Europe dans les trois ans à venir. Il ajoute que la Corée du Sud devrait se mettre à construire aussi des navires de croisières et que les commandes militaires permettront de soutenir l’activité des grands chantiers d’Europe.

Par ailleurs, le classement des pays constructeurs européens s’est modifié en un quart de siècle.

Les Pays-Bas détiennent la plus grande part de marché de l’Union européenne. En 2008, leur carnet de commandes se monte à 800 000 tjbc. L’année suivante, la construction navale emploie encore 34 500 personnes, dont 20 000 chez les équipementiers.

L’Allemagne, réunifiée depuis le 3 octobre 1990, a obtenu des commandes de 540 000 tjbc en 2008. Dès mars 2009, l’Association des constructeurs de navires VNSI s’attend à une guerre des prix avec les chantiers chinois, sud-coréens et japonais. Elle compte sur les niches où les grands chantiers de Corée du Sud sont absents, dont les rouliers, dragues et transporteurs de colis lourds.

L’Espagne a privatisé ses chantiers, sauf Navantia réservé au secteur militaire. La construction navale emploie 8 000 personnes (26 000 avec les équipementiers et fournisseurs).

Le Danemark dispose encore du chantier Odense Steel Shipyard, créé en 1917 par l’armement A.P. Møller et qui va le fermer en 2012. Odense Steel Shipyard a construit son premier pétrolier à double coque de 300 000 tpl en 1992. Entre 1996 et 2006, la taille des porte-conteneurs qu’il livre passe de 6 000 EVP à 11 000 EVP.

La France a vu sa construction navale civile passer en 2008 aux mains… de la Corée du Sud! Le chantier Alsthom a en effet fini par devenir une filiale, dans laquelle l’État français reste actionnaire à 33,34 %, de STX Europe qui appartient au groupe sud-coréen STX Shipbuilding. STX Europe est aussi présent au Brésil, au Vietnam, en Ukraine, en Roumanie, en Allemagne, en Norvège et en Finlande. Ainsi entré dans le secteur des navires à passagers, spécialité des chantiers finlandais et français, il met un pied dans la construction militaire avec les commandes de coques de grands bâtiments pour la Marine nationale.

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