Diffusé fin juin, ce rapport porte sur les différentes composantes du risque maritime, explique RSA, qui se présente comme le « leader mondial de l’assurance maritime, englobant les secteurs du transport maritime, du fret, de l’aquaculture et de la pêche ». RSA s’est donc associé au WWF pour émettre des « recommandations pratiques » sur les problèmes posés par les risques émergents.
Trois recommandations et demie sur vingt portent sur le transport maritime et comportent quelques surprises selon la version. En français comme en anglais, il est écrit « qu’une reprise solide est prévue en 2010 mais l’industrie du transport maritime va être confrontée à de nouvelles difficultés », « la demande commençant à supplanter l’offre actuelle de navires en bon état de navigabilité », ajoute seule la version française.
Toujours est-il que le rapport insiste sur l’importance du transport conteneurisé et sur celle de la déclaration exacte de la nature de la marchandise chargée dans le conteneur et de son poids. RSA a enregistré un « certain nombre de sinistres impliquant des conteneurs mal déclarés ou mal fixés ». « Si des marchandises sont mal déclarées, le conteneur peut être gerbé dans un endroit incorrect du navire et risque de mettre le navire, l’équipage et l’environnement en danger. Des problèmes peuvent également être amplifiés lorsque la mesure corrective est basée sur des informations erronées. (…) » C’est ce qui s’est produit en 2007, lors de l’échouement du MSC-Napoli où il s’est avéré que « bon nombre de conteneurs avaient été mal déclarés ».
« En tant qu’assureurs, nous attendons de nos clients qu’ils mettent en place un certain nombre de mesures basiques de gestion du risque lorsqu’ils transportent une cargaison: primo, nous attendons de nos clients qu’ils comprennent les conditions de transport difficiles que le conteneur et les marchandises qu’il contient auront à supporter. Ainsi, ils sauront mieux comment charger, arrimer et fixer correctement les marchandises dans le conteneur; secundo, ils doivent s’assurer que tous les documents accompagnant le conteneur sont corrects et que les poids et les cargaisons sont correctement déclarés, y compris les propriétés dangereuses. Cela permettra au planificateur responsable de la préparation du chargement du navire de s’assurer que le conteneur est correctement arrimé afin de réduire les risques de perte et de dommages potentiels pour l’environnement. »
La formulation employée en français comme en anglais ne permet pas d’identifier clairement la nature exacte des clients dont RSA attend un niveau de professionnalisme basique: s’agit-il des chargeurs, voire des commissionnaires de transport qui font du groupage? S’agit-il plutôt des compagnies qui n’ont développé aucun moyen de contrôler le poids des conteneurs qui leur sont confiés? Les uns n’excluant pas les autres.
RSA ajoute qu’il est membre d’un consortium européen associant les Douanes, les commissionnaires de transport, les chargeurs, etc., dont l’objectif est de développer un « moyen sûr de transporter des conteneurs ». Financé par l’Union européenne, ce projet doit créer une « chaîne d’approvisionnement de porte-à-porte plus transparente et plus sûre ».
Moins de SOx mais plus d’entretien: quel bilan exact?
L’étude porte également sur les émissions de SOx des navires. Elle souligne que si de nouvelles réglementations européennes exigent l’utilisation de combustible à faible teneur en soufre, elles ne s’appliquent que lorsque le navire est dans un port et non pas au large. De plus, « le changement de carburant peut également avoir de graves conséquences sur le fonctionnement et la sécurité des moteurs ». Pour ceux à deux temps, « une corrosion se produit lorsque les cendres de calcium s’accumulent sur les pistons ». Pour les moteurs à quatre temps, la cendre peut s’accumuler sur les soupapes d’échappement, dans le turbocompresseur et dans la chambre de combustion. Si le carburant est utilisé sans l’équipement correct ou sans que les procédures d’entretien appropriées soient mises en place, il se produit des dommages qui peuvent, au final, « détruire » les navires et mettre en danger la vie de l’équipage.
De plus en plus « sophistiqués », les navires doivent être correctement entretenus et disposer des équipements appropriés pour garantir une utilisation sans danger de ces carburants.
L’étude souligne que le gain résultant d’une moindre production de SOx peut être annulé par l’impact environnemental de l’entretien supplémentaire rendu nécessaire par l’installation de nouveaux équipements indispensables à l’utilisation sans risque de fuel à faible teneur en soufre. Les compagnies devraient donc avoir une perception complète des avantages et inconvénients de l’utilisation d’un tel combustible; RSA s’inquiétant des risques sur les moteurs.
Des équipages moins nombreux?
Selon Nick Andrews, gestionnaire du risque maritime chez RSA, le transport maritime a réagi à la crise économique en réduisant ses coûts: baisse de la vitesse pour économiser sur les soutes, diminution de la « taille des équipages » et mise à la chaîne de navires.
« Alors que la réduction des vitesses et du trafic est positive pour l’environnement, la réduction des équipages implique bien souvent une réduction de la maintenance. C’est un souci pour les assureurs et cela pourrait avoir des implications sur les normes de sécurité. »
Favoriser la baisse continue du CO2 émis par les navires
Il est rappelé que l’OMI a adopté en 2009 un « train de mesures visant à améliorer le rendement énergétique de la flotte marchande mondiale ». Devant être totalement effectives en 2011, elles devraient apporter des améliorations de « grande ampleur » sur les normes de construction et d’exploitation des navires. Ces mesures incluent notamment un indice d’évaluation du rendement énergétique spécifique aux navires, similaire à ceux utilisés pour évaluer les automobiles ou les appareils électriques; et un système de gestion applicable à tous les navires permettant de surveiller et de réduire les émissions de CO2 en choisissant la meilleure route en fonction des conditions météos, la vitesse la plus adaptée et en assurant le bon entretien de la carène et des diverses installations.
Le WWF espère que ces indices deviendront obligatoires pour l’ensemble de la flotte afin d’obtenir un réel effet sur l’environnement. De plus, le maintien d’un équilibre entre les sanctions et les incitations financières sera nécessaire pour garantir la conformité. Le WWF estime qu’un mécanisme financier tel qu’un programme de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre pourrait « peut-être » fournir le « stimulus approprié ». Pour ce faire, il faudrait limiter la quantité des droits d’émission de carbone disponible afin de créer une demande entre les participants. Chaque année, cette quantité de droits d’émission serait réduite pour inciter les navires à continuer de réduire leurs émissions.
Il faudra bien cinq ans pour que toutes les mesures soient mises en application, estime le WWF.
« Il est probable que les valeurs de revente des navires pourraient être moins élevées à cause de leur empreinte carbone », souligne Simon Walmsley, responsable du WWF-UK Marine Programm.
Cabotage: trop d’écologie tue l’écologie
« L’une des principales préoccupations concernant les accords sur les émissions de carbone est que nous devons veiller à ne pas diriger les navires à passagers et les navires de transport courte distance vers des formes de transport plus dommageables pour l’environnement. Ces activités commerciales utilisent une forme de transport durable, mais sont sensibles aux coûts, et des pénalités supplémentaires sur les émissions de carbone pourraient les rendre trop coûteuses. » Ce même paragraphe en anglais n’étant pas plus explicite, on devrait pouvoir le résumer ainsi: trop de surcoût écologique pour le navire faisant du cabotage tue son exploitation commerciale et favorise un transfert modal vers la route.
Il n’est pas inutile d’en prendre conscience.
10 000 conteneurs à l’eau par an: intox ou info?
Le rapport RSA-WWF rappelle que « l’on estime à environ 10 000 le nombre de conteneur perdus en mer chaque année ». L’origine de cette estimation est précisée: il s’agit d’une page du site internet du National Geographic remontant à 2001. En fait, ce site a tout simplement repris un article du HeraldNet datant de juin 2001 qui explique, entre autres choses, que « chaque année, plus de 10 000 conteneurs tombent à l’eau et leurs contenus souillent les mers ». Ce chiffre est le « plus couramment repris mais rien ne permet de le confirmer réellement », soulignait, en septembre 2008, Xavier Kremer, membre du service intervention du Cedre, lors de la présentation du projet européen Lost Cont.