En septembre, en pleine réforme portuaire, Hervé Cornède a rejoint les rangs de la direction commerciale du grand port maritime du Havre. Le défi semble lourd à relever mais cet ancien délégué général de l’AUTF et de TLF connaît bien le monde portuaire et maritime. Les changements de gouvernance du port, avec la réforme, l’amènent à changer un peu la stratégie commerciale du port. « Nous sommes un intégrateur, un facilitateur de services pour les clients. L’objectif est de nous différencier par rapport à nos concurrents pour inciter les opérateurs, les commissionnaires de transport, les chargeurs et les logisticiens, à emprunter les services du Havre. Pour cela, nous menons un travail collectif avec l’ensemble des entreprises de la place portuaire. » Son rôle est de permettre aux clients de trouver, avec les entreprises locales, des solutions à leurs questions logistiques. Sans rejeter aucun produit, Hervé Cornède a toujours à l’esprit le plan stratégique du port et ses principaux axes de développement: le conteneur, le roulier, la chimie et la logistique. Ce plan, présenté au Conseil de Surveillance du 9 avril 2009, ainsi qu’au Conseil de Développement, est la colonne vertébrale de sa stratégie. Sur le conteneur, il visite régulièrement les principaux armateurs du monde en Europe et en Asie. Le port en récolte déjà les premiers fruits avec le retour d’APL et son service Atlantic Pacific Express depuis le 15 décembre, le développement de nouveaux services par MSC et CMA CGM – qui lance son service FAL 5 avec des porte-conteneurs de plus de 13 000 EVP – et l’augmentation de capacité de plusieurs armements asiatiques. Les résultats en termes de trafic sont présents. Le Havre enregistre une hausse de 4 % sur les six premiers mois. Un chiffre certes moins élevé que ses concurrents d’Europe du Nord, mais qui prend également en compte les mouvements sociaux locaux liés à la mise en place de la réforme portuaire. « L’Asie reste notre principal marché. 59 % des trafics conteneurisés du Havre se réalisent avec ce continent dont 34 % avec la Chine et 25 % avec les autres pays d’Asie. » Développer la conteneurisation est un élément essentiel, pour lequel le port doit également proposer des services logistiques à forte valeur ajoutée. « Nous avons des opérateurs de renom sur le territoire. D’autres augmentent leurs capacités, à l’image de SDV qui vient de renforcer son implantation sur 15 hectares. » Le développement de cette filière logistique peut s’appuyer sur les atouts de la place portuaire: une main-d’œuvre logistique qualifiée, un savoir-faire, un système informatique performant avec AP+ et une administration des douanes innovante. À quand les « European distribution center » au Havre? La réponse d’Hervé Cornède est empreinte de bon sens: « Ces EDC sont gérés par des entreprises logistiques. D’un point de vue économique, c’est intéressant, mais cela ne nous empêche pas d’avoir des relations étroites avec la grande distribution et les chargeurs directs. » Hervé Cornède joue une nouvelle carte sur les rives séquaniennes, la complémentarité entre les ports. Finies les rivalités entre les ports normands, l’époque est à la complémentarité. « L’axe Seine regroupant les ports de Paris, Rouen et du Havre est un véritable booster pour développer notre logistique, ainsi que celle des ports de Paris et de Rouen. Nous devons travailler sur notre complémentarité », explique le directeur commercial du GPMH qui cite l’exemple de grands noms de cette filière comme SDV et Schenker, mais aussi les armateurs implantés sur les trois sites. « Avec une solution complète de nos trois ports, nous pouvons apporter des réponses aux industriels. Depuis 2010, toutes nos opérations commerciales et marketing se font conjointement. »
Le Havre a su profiter de sa position pour attirer de nombreux trafics asiatiques. Un premier essai marqué par la direction commerciale du port mais qui devra se transformer tous les mois. Le port s’ouvre sur d’autres horizons. Récemment, une délégation d’entreprises de la place s’est rendue en Inde. « Nous enregistrons en 2009 une croissance de 50 % des volumes sur ce pays. Nous avons une carte à jouer », assure Hervé Cornède. Idem sur le Brésil. Il espère capter une partie des trafics des conteneurs sous température contrôlée qui entrent en Europe.
Le roulier, nouvel axe de développement
Un autre volet de ce plan stratégique vise au développement du trafic roulier. L’équipe commerciale y a décelé un potentiel de croissance. L’arrivée du constructeur coréen Kia ouvre des perspectives. L’entrée du Coréen sur le port a été un véritable défi mais c’est la preuve de la réussite de la place portuaire. « Le succès en revient à tout le monde, la CAT (le commissionnaire), la SHGT (le manutentionnaire), Eukor (l’armateur) et le port. » Les chiffres sont au rendez-vous avec une progression de 30 % en 2010. Une « success story » que le port attribue aussi à la main-d’œuvre. « Sur le terminal, l’ensemble des parties s’est entendu pour mettre sur pied une nouvelle organisation pour une plus grande performance. Une réussite qui tient aussi aux ouvriers dockers. Ils ont su s’adapter aux conditions. » Et pour l’avenir, Hervé Cornède imagine sur ce terminal la capacité à faire des opérations logistiques dans des centres de PDI (Pre Delivery Inspection) et de stockage. Face à Zeebrugge et Bremerhaven, champions du trafic automobile en Europe du Nord, Le Havre veut prendre une part du gâteau en offrant des services différents. « Notre marché est principalement constitué d’exportations d’automobiles. Nous voulons rééquilibrer les flux en attirant des importations. »
Troisième volet majeur du plan stratégique, la chimie qui, avec l’implantation de nombreuses sociétés dans le port, constitue un complexe de premier ordre. Certes Rotterdam demeure le grand centre de cette filière en Europe mais Le Havre dispose d’atouts pour développer cette activité.
Enfin, ce plan stratégique ne laisse pas de côté d’autres trafics en pleine croissance comme les colis lourds dont une grande partie arrive du port fluvial de Gron/Sens directement par barges. D’autres sujets sont abordés à l’image de la sécurité et de la sûreté portuaire. « Le GPMH a été la première autorité portuaire en Europe a être certifiée sûreté ISO 28 000. Tous nos terminaux sont agréés ISPS et nous disposons de 130 agents de sûreté dans le port. » Avec le Cargo Community System AP+ agréé par les douanes des États-Unis, le port se projette déjà dans le marché du futur en matière de sûreté et de sécurité.
Parallèlement au développement de la logistique et des services maritimes, la direction commerciale du GPMH mise aussi sur ses atouts en matière de desserte terrestre. Représentant un investissement total de 140 M€, le projet de terminal multimodal – installé à l’est de la circonscription portuaire – devrait être opérationnel en 2013. « Au cours des derniers mois, le port enregistre une croissance de la part de marché du transport fluvial et du ferroviaire. Un terminal de massification nous fait défaut. Nous allons y remédier avec cet outil », explique Hervé Cornède. Ce terminal sera exploité par une société composée de la SNCF à hauteur de 38 %, via ses filiales Naviland Cargo et Novatrans, de CMA CGM pour 31 %, via ses filiales River Shuttle Containers et RailLink, et de Logiseine qui entre à 31 %. Il sera directement relié au réseau national de RFF et évitera le passage par la gare de triage de Soquence. Il sera une autre solution aux trafics ferroviaires et fluviaux de Port 2000.
Arrivé au mois de septembre, le directeur commercial est confronté quotidiennement à la réalité de la réforme portuaire. « Elle avance dans notre port », assure-t-il. « Les équipements sont cédés, les conventions de terminaux sont signées depuis la mi juin 2010. Il reste l’aspect social à régler. Nous avons proposé un accord local bien au-delà de celui signé au niveau national. » Pourtant les conflits demeurent. « Notre ambition est d’assurer à nos clients fiabilité et performance. Nous nous sommes adaptés avec les manutentionnaires pour que nos clients ne soient pas trop perturbés. » Globalement, cette réforme s’avère vitale pour rester parmi les meilleurs ports européens. Il se projette sur le long terme et constate les changements intervenus. « Des entreprises investissent sur le port: elles font des efforts majeurs pour permettre à la place d’être compétitive et de conserver sa position dans le top 5. Nous le constatons, par exemple, avec les derniers portiques livrés au terminal de France de la GMP à Port 2000. Des paris que les sociétés ont fait sur Le Havre dans une période de crise. Ils ont confiance en nous et nous devons leur rendre. »