Le grand projet portuaire

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D’ici à quelques mois, le terminal conteneur de Jarry avec ses 12 ha de terre-plein et ses 12 m de profondeur d’eau à quai, disposera d’une capacité de 250 000 à 300 000 EVP par an. Compte tenu du volume actuel (moins de 171 000 EVP dont 40 000 de transbordement en 2008, année historique) cela laisse une certaine marge de progression. Mais pour diverses raisons techniques, il est exclu de pouvoir augmenter cette profondeur d’eau.

« Le maintien du tirant d’eau actuel se traduirait par une feederisation inéluctable de l’archipel (la hausse de la taille moyenne des navires se poursuit rapidement et l’élargissement du canal de Panama accentue ce phénomène dans la zone Caraïbe) », lit-on dans la contribution du PAG aux états généraux de l’Outre-mer. Cette feederisation « entraînerait une augmentation des délais de livraison, des coûts d’acheminement et des capacités de stockage, soit une baisse importante de la qualité de la desserte maritime » affirme la plaquette du port présentant le « grand projet du port ». Le coût de la feederisation est estimé à au moins 50 M€ par an, sans prise en compte du surcoût de stockage.

Le transbordement se développe

Par ailleurs, les trafics de transbordement se sont fortement développés dans la Caraïbe, passant de moins d’un million d’EVP en 1997 à 3,86 MEVP dix ans plus tard, grâce notamment aux ports de Kingston (Jamaïque), Freeport (Bahamas, utilisé notamment par MSC) et Punto Caucedo (république Dominicaine). Ces terminaux seraient déjà proches de la saturation avec un taux d’utilisation moyen de 96 %. Et la tendance devrait se poursuivre, en particulier avec l’élargissement du canal de Panama qui permettra le passage de bien plus grands porte-conteneurs venant d’Extrême-Orient. Ces derniers seraient à la recherche de nouvelles capacités de transbordement pour irriguer la zone. Dès lors, le PAG a une carte à jouer d’autant plus rapidement que le projet peut bénéficier d’une opportunité économique et politique. Après des années d’immobilisme, la ville de Pointe-à-Pitre a entamé sa rénovation urbaine. Des milliers de tonnes de déchets du BTP vont donc être disponibles à bon compte pour servir de remblai et construire ainsi le nouveau site à moindre coût. D’ailleurs, dès septembre prochain, une installation de stockage des déchets inertes sera opérationnelle sur le domaine portuaire.

Une première phase d’une capacité de 5 400 000 EVP

L’idée est de construire un nouveau terminal en vis-à-vis de l’existant afin de disposer d’un site unique et homogène, d’une capacité annuelle d’un million d’EVP soit 700 000 à 800 000 EVP de plus qu’actuellement. La première phase consiste à construire un quai supplémentaire de 350 m à − 15 m disposant des accès nautiques adaptés (chenal et cercle d’évitage) et 30 ha de terre-plein pour un coût estimé à 160 M€. En 2015/2016, cet équipement pourrait recevoir des navires de 6 500 EVP, ce qui représente environ trois fois la capacité des unités CMA CGM

Selon la réaction du marché, 350 m linéaires de quai et 15 ha de terre-plein pourraient compléter le dispositif vers 2020.

La mode étant au partenariat public privé, l’aménagement des terre-pleins et l’achat des cinq portiques overpanamax ainsi que des engins de quais seront de la responsabilité d’un opérateur privé. Ce dernier sera désigné lors d’un appel à candidature international, explique Olivier Carmes directeur de l’Aménagement. À la mi-juin cette information a occupé les esprits car, pour beaucoup, ce nouveau terminal risquait de s’appeler terminal CMA CGM, mettant ainsi un point final au contrôle de l’activité conteneurs du port. Certes CMA CGM pourra concourir mais une procédure de gré à gré est exclue. On pourrait même imaginer compte tenu du fait que le PAG constitue l’unique accès maritime de l’île, que l’autorité portuaire prenne une participation dans l’opérateur de terminal afin d’avoir un droit de regard. Cela dit, seule CMA CGM transborde des conteneurs de bananes venant du Surinam et de Guyane en Guadeloupe. Certes, mais 30 % du volume conteneurisé arrivent actuellement d’Extrême-Orient via l’Europe, répond Olivier Carmes. On peut donc raisonnablement penser qu’un transporteur maritime puisse trouver un intérêt commercial à capter ces 30 % en direct et à transborder ses autres flux.

Si tout se passe comme prévu, l’appel à projet devrait être rédigé pour la fin de l’année. La commission du débat public pourrait commencer son enquête d’ici à douze mois. Et les travaux en 2013, espère Olivier Carmes, pour que la première phase soit terminée en 2016.

La grande majorité des professionnels rencontrés est favorable à ce projet et affirme que les politiques locaux le souhaitent également.

Quoi qu’il en soit, l’utilisation de fonds propres et une subvention de 30 % sont des éléments nécessaires à une rentabilité satisfaisante à 25 ans. Après les ronds-points routiers, le Feder devrait donc « donner » aussi pour le port, ici comme ailleurs (50 % du coût des infrastructures de la Pointe des Grives en Martinique par exemple).

Le PAG note également qu’il existe une « marge de progression importante » en ce qui concerne, notamment, l’hinterland et le coût de passage portuaire, « très nettement supérieur à la moyenne des ports caribéens ». De grands espoirs en ce domaine sont fondés sur la réforme des ports d’outre-mer.

Les vracs attendront

La priorité donnée aux conteneurs retarde d’autant la construction d’un terminal multivracs secs mais « nous ne pouvons pas tout faire en même temps », explique Laurent Martens, directeur général du PAG depuis deux ans. La capacité actuelle est d’un million de tonnes. Il était question de la doubler afin de répondre aux besoins croissants d’importation de charbon, et de transfert modal de pouzzolane. Pour faire écho à la décision de la région de miser une partie du développement de l’île sur le nautisme sous toutes ses formes, le PAG vient de confier à International Marine Management, le soin d’organiser la réception et la réparation à flot des grands yachts. Le PAG loue donc un bout de quai à l’IMM, ce qui devrait représenter « à terme » une recette de 200 000 € par an sans investissement.

La gestion de la marina du Bas du Fort a été concédée. Gros travail en perspective.

Domaine incontournable, le port œuvre également dans le développement durable en finançant des thèses universitaires sur les sédiments portuaires, par exemple. Par ailleurs, le PAG loue les toitures de ses installations de Jarry à un opérateur produisant de l’électricité photovoltaïque. 44 000 m2 de toiture louées durant vingt ans représentent un revenu annuel de 400 000 €.

Un petit port aux activités multiples

Arrivé il y a deux ans, Laurent Martens se dit ravi d’être à la direction du port autonome de Pointe-à-Pitre, un « petit port aux activités multiples »: conteneurs, vracs, croisière et la marina. Accessoirement, le transport de passagers interîles. En effet, outre le « continent » guadeloupéen, il y a également les petites îles alentour que sont les Saintes, Marie-Galante et la Désirade, voire Saint-Barthelémy et une moitié de Saint-Martin (l’autre étant néerlandaise1). Cela se retrouve en partie dans le domaine portuaire du PAG qui outre le port de Pointe-à-Pitre et la zone de Jarry Baie-Mahaut, comprend le quai de Basse Terre, le port de Folle Anse à Marie-Galante et le port de plaisance de Bas du Fort.

Deux éléments ont amené Laurent Martens à quitter La Rochelle: le « challenge » que représentait la réorganisation du PAG et le contexte économique lié à l’arrivée dans la zone Caraïbe de très grands porte-conteneurs venant du Pacifique grâce à l’élargissement du canal de Panama.

Les 150 salariés du PAG sont motivés et dynamiques, il ne leur manquait qu’un projet fédérateur et un « leader », estime Laurent Martens. Le projet « fédérateur » appelé grand projet maritime est en bonne voie et son directeur se donne quatre ans pour le rendre irréversible.

Depuis février 2007, ces deux îles sont devenues des collectivités territoriales qui fixent les règles applicables, entre autres, à l’immatriculation des navires et à la création, l’aménagement et l’exploitation des ports maritimes, à l’exception du régime du travail. Avec un peu d’imagination, la France pourrait ainsi enrichir sa palette de registres d’immatriculation sous pavillon national.

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