Employeur unique de main-d’œuvre dockers: un BCMO privé optimisé?

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L’histoire de la manutention martiniquaise est, comme en métropole, longue et souvent douloureuse. En l’automne 1997, lors du tout premier dossier consacré aux Antilles, les manutentionnaires en étaient à leur 3e tentative de mensualisation d’une centaine de dockers sur un effectif total de 167 personnes(1).

Le 4 juillet 2003, le syndicat des manutentionnaires représenté par la GMM (filiale de CMA CGM) et Manumar (alors filiale de Plissonneau, Transcaraïbes, SNM, Chautram et Somaport) et le syndicat des ouvriers dockers signaient la fameuse convention collective de 2003 à mettre en œuvre à partir du 1er août. Elle garantissait notamment un effectif de 132 dockers professionnels et 67 membres d’un « vivier » formé d’un noyau dur de vingt, se souvient Jean-Charles Cren, directeur région Martinique de CMA CGM et premier président du tout nouveau Groupement des employeurs de main-d’œuvre (Gemo). Elle offrait également aux ex-professionnels une garantie de revenu calculée sur la base de leur rémunérations de 2002, ajoute Bernard Elie, vice-président des manutentionnaires et vice-président du Gemo, et par ailleurs directeur général de Transcaraïbes.

En mars 2004, c’est par les médias radio et presse que l’opinion publique martiniquaise apprenait les détails de la convention collective et ses surcoûts.

Ces derniers ont augmenté au fil du temps pour au moins deux raisons. Structurellement, le passage au 40’ a mécaniquement réduit le nombre de mouvements. Il était de l’ordre de 110 000 en 2003 contre 92 000 à 93 000 en 2009, malgré 8 000 mouvements de transbordement, note Jean-Charles Cren. La crise du début 2009 n’a pas amélioré la situation. En effet, la médiatisation du conflit démarré en Guadeloupe en février 2009 a masqué l’arrêt total des activités en Martinique. Entre le 5 février et le 14 mars, très peu d’entreprises ont ouvert leurs portes, rappelle Bernard Elie. Et le nombre des dépôts de bilan a pris son envol depuis.

En d’autres termes, en 2003 les 132 dockers ont travaillé 205 000 h par an contre 165 000 h en 2009; le temps d’inemploi flirtant avec les 35 %. Pour 2010, 130 000 h sont prévues. Sans surprise, l’année 2009 s’est donc soldée par une perte de l’ordre de 2,5 M€ pour tous les manutentionnaires, GMM comprise. Les pertes s’ajoutant aux pertes, les manutentionnaires reprenaient leurs réflexions pour tenter de sortir de l’impasse, d’autant que ceux de Manumar avait déposé le bilan en juin 2009.

La conclusion à laquelle ils sont arrivés est celle d’un employeur unique des dockers.

Les bananiers mobilisés et un tribunal de commerce agacé

Instruits par l’expérience, les manutentionnaires savaient bien qu’ils risquaient de se retrouver seuls en cas de conflit un tant soit peu long avec les organisations syndicales dockers, le soutien des importateurs et surtout des exportateurs de bananes restant traditionnellement très mesuré. D’où l’idée de mettre dans la boucle l’ensemble des professionnels concernés par le passage portuaire, bananiers compris, afin qu’ils servent d’intermédiaires entre salariés et employeurs.

D’autres éléments d’ordre politique ont également modifié le rapport de force avec un changement de majorité politique au conseil régional. Enfin, depuis la crise économique, les licenciements massifs (à l’échelle du département) se succèdent. L’environnement était donc peu favorable à la défense d’intérêts catégoriels particulièrement marqués, d’autant que le tribunal de commerce commençait à être sensiblement agacé par la lenteur des progrès réalisés pour trouver une solution acceptable après la mise en redressement judiciaire de Manumar.

Il restait cependant à aplanir quelques difficultés internes: les dockers de la GMMSP(2) n’étaient pas particulièrement enthousiasmés à l’idée de joindre leur sort à celui de leurs camarades de Manumar dont le rémunération était en moyenne supérieure de 1 000 € à celle des premiers. Au terme d’environ 140 heures de négociations réparties sur 41 réunions, les partenaires sociaux sont donc parvenus à un accord.

Réduction des équipes, polyvalence obligatoire et départs volontaires

Immédiatement, le nouvel article 2 de la convention précise que « les parties […] conviennent que le recrutement de personnel docker ne pourra être envisagé que si le nombre moyen d’heures d’affectation par docker est au moins égal à 1 360 h par an ». Compte tenu de l’inemploi actuel, cela laisse une marge certaine pour envisager la question.

Les compositions des équipes ont été réduites de 20 % à 25 % selon le type de navires. Ainsi par exemple, pour les chauffeurs d’engins de manutention, le nombre de « relèves » (conducteur de remplacement) a été sensiblement réduit, passant de un pour un à un pour un ou deux chauffeurs en titre ou deux pour trois ou quatre chauffeurs en titre, etc.

Très important aux yeux des manutentionnaires, la polyvalence est devenue obligatoire dans la limite des 35 heures hebdomadaires que cela soit au sein d’une même catégorie de personnel ou entre les catégories. Au-delà des 35 heures la polyvalence est volontaire.

Compte tenu des perspectives d’emploi et du changement économico-politique, les dockers salariés de Manumar ont accepté une baisse de leurs primes afin de revenir à parité avec leurs homologues de la GMMSP. Et tous, ou presque, se sont retrouvés salariés du Groupement des employeurs de main-d’œuvre, association de type loi 1901 dont les adhérents sont les manutentionnaires martiniquais. Pas tous. En effet, les départs volontaires doivent être gérés par les employeurs précédents, à savoir la GMMSP et Manumar. À la mi-juin, 20 dockers mensualisés souhaitaient partir: 12 de la GMMSP et 8 de Manumar. Le Gemo devrait donc se retrouver avec 110 dockers en CDI à temps complet et 20 autres CDI à temps partiel. La mixité des équipes et la création d’un esprit d’entreprise sont sans doute les prochains paris que devra gagner la direction opérationnelle bicéphale du Gemo: outre le président Jean-Charles Cren et le vice-président Bernard Elie, l’association dispose d’un vice-président délégué, Robert Joseph-Alexandre (ex-GMMSP) et d’une directrice générale Patricia Boissard (ex-directeur général de Manumar). À la mi-juin, la pression était encore forte chez les manutentionnaires martiniquais car Manumar avait été placée en liquidation avec maintien de l’activité jusqu’au 22 juin. L’offre de prise officielle de ses salariés devant être finalisée le même jour. Restaient encore quelques détails à régler. Commencer une nouvelle organisation du travail en juillet est plutôt une bonne chose, estime Bernard Elie, car l’été est une période assez creuse pour les activités portuaires.

Si tout se passe comme prévu, les manutentionnaires de conteneurs devraient, en toute logique, commencer à réfléchir aux voies et moyens de mettre en place un opérateur unique de terminal, à l’image de ce qui existe en Guadeloupe. Ils ont déjà une certaine habitude de travailler en commun et disposent tous de cavaliers: huit pour GMM, quatre pour Transcaraïbes et deux pour Somartrans, filiale du groupe Marfret, qui racheta Plissonneau manutention.

128 professionnels âgés en moyenne de 53 ans; 39 occasionnels et une centaine de « sans carte » autrement appelés « jetons », qui effectuaient chaque mois quelques vacations, directement ou indirectement.

Pour des raisons complexes, liées notamment à des conventions collectives différentes, les dockers de la GMM sont en fait des salariés d’une filiale appelée GMMSP. Le personnel administratif est salarié d’une autre structure.

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