La liaison maritime Europe- Antilles (françaises) est celle « qui présente les plus grandes difficultés du point de vue de la concurrence puisqu’il s’agit d’un service structurellement bénéficiaire compte tenu d’un taux de remplissage des navires, très bon à l’aller et non négligeable au retour » lit-on dans l’avis 09-A-45 du 8 septembre 2009 de l’Autorité de la concurrence (AdC) relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’outre-mer. « Il devrait donc attirer les grands opérateurs, au moins autant que la liaison vers la Réunion, qui offre des volumes inférieurs de 20 % à l’aller et des flux retour trois fois plus faibles, inférieurs à 10 000 EVP », poursuit l’avis. Or MSC, « leader sur la Réunion » n’est pas présent et Mærsk a renoncé, en 2001, à exploiter ses propres navires. Mærsk « se contente même qu’une part de marché aussi limitée que celle de Marfret », qui est d’une taille bien inférieure. « Cette inertie du marché s’explique avant tout par la rigidité des capacités. » Sur un marché aussi mature, stable et prévisible que celui des Antilles, la seule façon de gagner des parts de marché est de prendre des clients à ses concurrents, « principalement en baissant ses prix », estime l’Autorité de la concurrence. Or le principe même du Slot Chartering Agreement (SCA) rend cette « stratégie très difficile » à mettre en œuvre puisque les capacités de chacun sont prédéfinies et que le taux de remplissage global des navires est supérieur à 85 % à l’aller. « Un assouplissement des règles du SCA pourrait être de nature à réanimer une concurrence qui avait été éteinte par la conférence maritime, notamment en permettant que des options de réservation puissent être prises par les armateurs membres du SCA pour des volumes complémentaires beaucoup plus significatifs qu’actuellement, de manière à surmonter la contrainte de capacité liée à la rigidité des quotas de base. »
Des salaires exceptionnelset des tarifs fixés en commun
Le coût de la manutention n’échappe pas à l’attention de l’AdC qui souligne que le débarquement d’un EVP est deux fois plus cher dans les DOM que dans les ports voisins, et une fois et demie plus chère qu’au Havre. L’origine de ces surcoûts est « bien connue: elle résulte du niveau exceptionnellement élevé des salaires des personnels de manutention et d’une organisation du travail souvent inadaptée et rigide, qui entraîne le maintien de sureffectifs ». Ces surcoûts sont « intégralement répercutés » sur les consommateurs finaux.
L’AdC fait état de salaires annuels moyens de 66 000 € bruts en 2008. En 2004, la moyenne annuelle était de 64 000 € avec des pointes à 100 000 € pour des contremaîtres ou des chefs pointeurs « mais aussi de 90 000 € pour certains manutentionnaires de base ou des chauffeurs». Elle souligne « qu’il est enfin de notoriété publique que, dans certains ports, les tarifs de manutention sont fixés en commun par les opérateurs ».
Risque accru de cartellisation sur les petits marchés
Certains comportements d’entreprises basées dans les DOM ont également attiré l’attention de l’AdC qui demande que l’efficacité réelle des aides d’État destinées au développement de l’économie locale, soit analysée avec soin. Ainsi l’AdC s’étonne de constater que certaines entreprises, notamment du secteur agroalimentaire, pratiquent des prix très élevés par rapport à ceux importés qui ne bénéficient pourtant d’aucune aide financière spécifique et sont handicapées par différents frais d’approche. « Certaines de ces entreprises locales dégageant, en outre, d’importantes marges d’exploitation, l’impression donnée par l’analyse de la tarification de certaines productions locales (café, eau, yaourts) est que le niveau des prix des produits locaux dans les DOM est déterminé en grande partie par les prix des produits importés plus que par les niveaux des coûts de production locaux. »
L’inutile et coûteuse multiplicité des intermédiaires est également soulignée ainsi que le risque de cartellisation des économies locales: « Ainsi que le remarque l’OCDE, le nombre limité d’acteurs sur la plupart de ces marchés étroits peut également faciliter le maintien de cartels et d’arrangements collusifs: les interactions répétées entre ce petit nombre d’acteurs réduit en effet la nécessité d’arrangements contractuels détaillés nécessaires pour soutenir la mise en œuvre d’une entente. » Un constat quelque peu préoccupant.