À toute règle une exception vient s’y adjoindre. En 2009, avec la crise économique, les principales routes maritimes Est-Ouest et Nord-Sud ont enregistré des baisses de volumes. Les relations conteneurisées entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe semblent avoir échappé à cette tendance. Dans son rapport annuel sur les routes maritimes, le consultant néerlandais Dynamar affiche une croissance de 3,3 % en 2009 à 1,3 MEVP. Sur les trois dernières années, de 2007 à 2009, cette croissance s’élève à 5,1 %. L’analyse des flux montre une différence notable selon la route. Dans le sens southbound, d’Europe vers l’Afrique de l’Ouest, les volumes ont augmenté pendant ces trois dernières années passant ainsi de 698 000 EVP à 817 000 EVP, soit une augmentation de 17 %. Et parce qu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, cette hausse du trafic a été plus forte en 2009 qu’en 2008. Elle est de 6,8 % en 2008 à 9,5 % en 2009, en pleine période de crise.
En sens inverse, d’Afrique de l’Ouest vers l’Europe, la situation est tout autre. Sur les trois dernières années, le trafic a perdu 8,9 %. Il est passé de 594 000 EVP en 2007 à 541 000 EVP en 2009. En moyenne, sur ces trois dernières années, les trafics en remontée d’Afrique de l’Ouest vers l’Europe perdent plus de 4,5 %. Une réponse vient directement à l’esprit: les Asiatiques prennent le pas sur les Européens comme acheteurs. Les chiffres ne démontrent pas cette tendance. Les trafics conteneurisés entre l’Afrique de l’Ouest et l’Extrême-Orient se sont stabilisés l’an passé. Après avoir enregistré une croissance sur les dernières années, ils se maintiennent à 1,03 MEVP. D’Extrême-Orient vers l’Afrique de l’Ouest, sur les trois dernières années, les trafics ont progressé de 34 % à 673 000 EVP. Dans le sens inverse, d’Afrique de l’Ouest vers l’Asie, ils diminuent de 15,4 % à 357 000 EVP. De ces deux données générales, il apparaît que l’Afrique de l’Ouest importe de plus en plus de biens par voie conteneurisée mais elle en exporte moins.
Le commerce ouest-africain est aujourd’hui dominé en large partie par les ressources naturelles. Quelque sept pays de la région, dont le Nigeria et l’Angola, sont devenus des exportateurs de pétrole brut. Une manne financière pour ces gouvernements. Dans l’agriculture, le cacao demeure le principal produit d’exportation. Expédié vers les centres de consommations et de transformations par conteneurs, il joue un rôle économique non négligeable. La Côte d’Ivoire et le Ghana produisent 60 % des récoltes mondiales. Avec le Nigeria et le Cameroun, l’Afrique de l’Ouest prend une place de choix dans le quinté de tête des producteurs de cacao. Le « cinquième élément » de ce quinté de tête est en Amérique latine, l’Équateur.
Avec la croissance des trafics conteneurisés, les grands noms du transport maritime conteneurisé bataillent pour s’imposer localement. Les trois principaux opérateurs mondiaux, Mærsk Line et Safmarine, CMA CGM et Delmas, et enfin MSC sont présents. Si les deux premiers armements ont réussi à s’imposer définitivement en reprenant des armements présents localement depuis de nombreuses années, à l’image de Safmarine pour Mærsk Line et de Delmas pour CMA CGM, MSC a, pour sa part, réussi à imposer son nom à force de développement commercial. Longtemps resté à l’écart des liaisons en transbordement, l’Afrique de l’Ouest est entrée dans cette ère depuis peu. Après Mærsk Line avec son hub d’Algésiras, ce fut au tour de CMA CGM et Delmas qui ont fait de Tanger les ports de transbordement vers l’Afrique de l’Ouest. Le port marocain est devenu un point de connexion entre l’Amérique, l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Quant à MSC, l’armement utilise en grande partie ses connexions aux Canaries pour relier l’Afrique de l’Ouest avec les principaux centres européens et américains. Cette tendance se développe. L’armement japonais Mitsui OSK Lines s’est lancé dans l’aventure. Après avoir affrété des espaces sur les services de Delmas, MOL opère désormais directement avec ses propres services. Il a choisi de transférer ses cargaisons à Zeebrugge, dans le nord de l’Europe, et à Tanger pour la Méditerranée. Cette tendance au transbordement dans les relations entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest n’empêche pas des opérateurs à continuer à offrir des services directs depuis l’Europe et la Méditerranée vers l’Afrique. Delmas, armement membre du groupe CMA CGM, Safmarine ou encore Conti Lines Messina et d’autres assurent toujours des liaisons directes avec le continent africain.
À côté des opérateurs qui entrent dans ce trafic apparaissent ceux qui le quittent. L’exemple le plus récent revient à China Shipping qui a affrété des espaces sur un service avec Zim. Au début de 2009, l’armement de Shanghai a décidé de se retirer de cette route. Hapag Lloyd a pris sa place.
Avec le développement des relations économiques entre l’Afrique de l’Ouest et l’Extrême-Orient, les services maritimes directs ont connu un essor. En 2009, une dizaine d’opérateurs assuraient les liaisons. Le dernier entrant a été NYK Line en formant une joint-venture avec Nile Dutch en juin 2009. Avec la crise, Maruba a jeté l’éponge sur les relations Asie/Afrique de l’Ouest, laissant China Shipping et Hapag Lloyd seuls. Ainsi, sur la route Asie/Afrique de l’Ouest, il reste aujourd’hui NYK Line, Nile Dutch, China Shipping, Hapag Lloyd, CMA CGM, Delmas (appartenant au groupe CMA CGM), Gold Star Line (filiale de Zim), Mærsk Line, MOL et PIL. Et seuls deux opérateurs assurent une liaison directe entre les deux continents sans assurer de haltes dans les ports sud-africains: CMA CGM et Mærsk. Après avoir été un intérêt pour l’Asie, l’Afrique de l’Ouest devient un objectif pour le Moyen-Orient et l’Inde. Aujourd’hui, seul Delmas offre un service direct entre les deux régions du monde au travers de Midas. Mærsk Line a annoncé en février vouloir ouvrir dans les prochaines semaines une liaison identique.
Enfin, les armements desservant la région ouest-africaine ont toujours mis en ligne des navires rouliers et conventionnels pour des trafics particuliers. Actuellement Delmas conserve une partie de sa flotte de conro sur ces services, tout comme Nile Dutch et Grimaldi. L’armement néerlandais Nile Dutch semble vouloir se démarquer de cette tradition. Un grand nombre de ses navires opérant sur cette route sont des porte-conteneurs. Le système du conro est-il arrivé en bout de course? Il est certes en diminution mais devrait toujours être viable dans les prochaines années pour exporter bon nombre de matériels roulants et notamment pour l’exploitation de mines, ou pour les engins agricoles. Le développement de l’industrie minière et pétrolière oblige les armements à s’assurer une flotte en adéquation avec les besoins. Safmarine et son principal concurrent UAL (United Africa Lines) alignent des navires conventionnels pour toute la logistique pétrolière locale.