Créer un port de taille européenne à plus de 100 Mt de trafic, sans contestation possible le premier port maritime transmanche grâce à sa situation géographique sur le détroit, le second port de vrac européen et de surcroît un leader de la logistique et du traitement des produits de la mer, c'était et c'est encore le rêve de plusieurs élus du Nord-Pas-de-Calais, et notamment du président du Conseil régional, Daniel Percheron, tout comme celui du président de la Communauté urbaine et député maire de Dunkerque, Michel Delebarre. « C'est une fausse bonne idée », a répondu Jean-Luc Vialla, président du Conseil de surveillance du Grand Port maritime (GPM) Dunkerque-Port le 28 janvier, en réponse aux questions de la presse nationale. D'abord parce que le statut de GPM exclut Dunkerque d'un quelconque rapprochement institutionnel, même sous forme de prise de participation dans une société d'exploitation Boulogne-Calais. Ensuite parce qu'au moins encore aujourd'hui, les logiques de territoire et de concurrence, notamment sur le marché transmanche, restent les plus fortes. Enfin, parce que les trois établissements sont trop différents, l'un au Nord étant un établissement de grands espaces et grandes ambitions – mêmes si elles sont aujourd'hui contrariées –, l'autre, Boulogne, au Sud, restant très axé sur la logistique des produits de la mer tout en briguant une place sur le transmanche, et Calais, au centre, ne tolérant pas que quiconque vienne lui contester son leadership sur la traversée du détroit, hormis Eurotunnel, de gré ou de force.
Oui mais le mariage, forcé par l'État, des trois établissements consulaires, les CCI de Boulogne, Calais et Dunkerque, en une CCI Côte d'Opale au 1er janvier prochain ne va-t-il pas balayer cette rivalité? Les choses n'en prennent guère le chemin. Les élections constitutives du nouvel établissement sont programmées à l'automne prochain. Achevant son message de vœux en janvier dernier, le président de la CCI de Calais, Jean-Marc Puissesseau, a repoussé aux calendes, en tout cas après la fin de l'année 2010, la constitution d'une société d'exploitation titulaire d'une concession unique auprès de la Région, autorité concédante des deux ports. Motif: Calais et sa capacité financière issue du transmanche ne peut prendre en charge le déficit de Boulogne plombé par la pêche. Par la pêche, mais aussi par des investissements dans un nouveau terminal roulier qui portent le fer de la concurrence sur le flanc sud calaisien. Le président du Conseil régional a pourtant fait sienne cette solution.
Le président de la CCI de Dunkerque, Dominique Naëls, se présente aux élections consulaires Côte d'Opale, pour la présidence. Jean-Marc Puissesseau pourrait arguer de son chiffre d'affaires largement prépondérant pour demander le même fauteuil. Les élus boulonnais, les plus nombreux, arbitreront, d'autant que leur président, Francis Leroy, n'a peut-être pas dit son dernier mot. En attendant, les concessions portuaires demeurent telles qu'elles sont.
Trois activités radicalement différentes
L'activité du port de Calais en 2009 (évolution sur 2008)
• Trafic total en tonnes: 40 784 704 t (+ 0,99 %)
• Port de commerce hors transmanche: 530 964 t (− 22 %)
• Trafic poids-lourds transmanche: 1,767 328 million d'unités (− 0,32 %)
• Trafic passagers transmanche: 10,2 millions d'unités (− 7,25 %)
• Trafic véhicules de tourisme: 1 896 645 unités (− 4 %)
L'activité du port de Boulogne-sur-Mer en 2009 (évol. sur 2008)
• Port de pêche: 36 313 t débarquées (− 3 %)
• Congélation en mer: 8 946 t
• Total flottille: 45 259 t
• Transit de produits de la mer sur la place boulonnaise: environ 380 000 t
• Port de commerce: 775 184 t (+ 48 %)
dont 85 % pour le roulier transmanche
• LD Lines 2009: 138 000 véhicules de tourisme, 16 000 pièces de fret, 357 000 passagers
• 15 % pour le port de commerce hors roulier, soit 116 000 t
Tendances 2010
Le marché reste faible en volume, et la guerre des prix sévit. Les routes Calais-Douvres et Dunkerque-Douvres marquent le pas après avoir été protégées pendant un an et demi par l'incendie qui a frappé Eurotunnel en septembre 2008. Eurotunnel, navettes et Eurostar consolident leur leadership sur les passagers. Eurotunnel augmente ses volumes en fret de 35 %, mais reste encore loin de ses scores de début 2008. Les négociations sur le marché fret sont annuelles, et le lien fixe peine à récupérer sa place. Pour LD Lines, après divers essais en 2009, 2010 est une année quasi zéro, avec le fréteur semi-mixte Norman-Bridge aligné sur Boulogne-Douvres, capable d'embarquer une centaine de véhicules de tourisme et plus de 100 poids-lourds, et le car ferry de grande capacité Ostend-Spirit aligné avec la flotte de TransEuropa Ferries sur Ostende-Ramsgate.