Vers une nouvelle hiérarchie portuaire est-africaine?

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Le contexte géopolitique est sans conteste le facteur majeur de cette hiérarchisation et est avant tout appréhendable à travers l'analyse des situations des États d'Afrique de l'Est. La côte très rectiligne et peu découpée, bordée d'États à longs littoraux, à l'exception de Djibouti, prive l'arrière-pays de débouchés directs et impose les dépendances et les servitudes dans le commerce extérieur de la frange d'États enclavés allant du Zimbabwe à l'Éthiopie. Cela confère aux États littoraux un avantage réel ainsi qu'une pression constante dans la gestion des relations bilatérales. Les organisations supra-étatiques régionales ont un rôle particulièrement intéressant, et qui pourrait s'amplifier, dans la gestion de ces espaces afin de limiter les tensions et d'aider à l'intégration régionale. Il s'agit principalement de l'East African Community (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda, Burundi), du Common Market For Eastern and Southern Africa (COMESA, qui regroupe la totalité des États d'Afrique de l'Est, de la Libye et de l'Égypte au Zimbabwe en incluant les îles océaniques; seule la Somalie est exclue) et de l'Inter Governemental Authority for Developpement (IGAD, qui regroupe les États de la Corne plus le Kenya, le Soudan et l'Ouganda). Encore récentes et souvent limitées dans leur action, ces organisations visent une intégration progressive à un marché commun et à un désenclavement particulièrement basés sur le développement d'infrastructures de transport, d'accords douaniers et de captations d'investissements extérieurs.

Une autre dimension géopolitique est celle des conflits civils et interétatiques récurrents qui modifient considérablement les dynamiques de transport. Les conflits au Mozambique (1975-1992), entre Éthiopie et Erythrée (1974-1991 puis 1998-2000), en Somalie (depuis 1989), les tensions au Kenya (2007-2008) et au Zimbabwe (2008) montrent que la façade est-africaine a été et reste un espace instable et à la reconstruction précaire.

Le phénomène de la piraterie qui sévit maintenant depuis quatre années, sans montrer de signes d'accalmie malgré la présence navale internationale devenue intense, pose un problème majeur pour les ports est-africains. Cette piraterie a d'abord menacé les approches portuaires et le cabotage régional, relais majeur aux grandes lignes et seul trafic pour les ports secondaires. Actuellement, les grandes lignes à destination de Mombasa et Dar-es-Salaam sont identifiées comme pouvant être des cibles privilégiées. Si le phénomène s'amplifie encore, nul doute que l'impact sur le développement portuaire de l'Afrique de l'Est sera notable. Récemment, la CMA CGM a demandé l'établissement d'une protection analogue à celle effectuée dans le golfe d'Aden par la coalition pour la desserte de Mombasa, preuve partielle de la pression qui peut s'exercer sur ces ports.

La chute des ports éthiopiens

Assab et Massaoua illustrent parfaitement le rôle de la géopolitique régionale dans la réussite ou l'échec des ports. Bénéficiant d'un équipement considéré comme performant à l'échelle régionale, suite à la période italienne et aux soutiens américains puis soviétique, les ports érythréens sont devenus des ports nationaux suite à la fermeture de la frontière avec l'Éthiopie créée à l'indépendance (1991 puis 1998). Si Massaoua survit en conservant le statut de port d'Asmara (tonnage annuel proche de 900 000 t), Assab, pourtant longtemps considéré comme la rivale de Djibouti, ne peut plus guère prétendre la concurrencer. En 1998, lors de la fermeture de la frontière, 98 % du trafic se destinaient à l'Éthiopie, soit une perte quotidienne de 300 000 $. Si les développements du port et sa remise en état complète sont réels, notamment avec l'ajout d'un terminal conteneur – en fait un terre-plein de stockage –, Assab peine à se passer de son arrière-pays éthiopien, notamment Addis-Abeba, et doit se contenter d'être la porte d'entrée en hydrocarbures du nord de l'Éthiopie, grâce à la raffinerie Simple Oil encore très active. Ce trafic représenterait la moitié des 2,5 Mt officiellement traitées annuellement par le port d'Assab. Privés pour raisons géopolitiques de leur hinterland historique, Assab et Massaoua doivent se contenter de rester des portes d'entrées secondaires voire locales pour la Corne, pendant que Djibouti et Berbera captent l'essentiel du trafic éthiopien et qu'un accord théorique existe entre l'Éthiopie et le Soudan pour faciliter l'utilisation de Port Soudan comme complément.

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