Cette étude a été remise par Roland Blum au secrétaire d'État aux transports, Dominique Bussereau. Élaborée pendant cinq mois, elle a porté uniquement sur les ports de Marseille, du Havre et de Dunkerque. La lettre de mission du premier ministre, François Fillon, a rappelé les objectifs de la mission du député des Bouches du Rhône. Face aux ports d'Europe du Nord, les parts modales des ports français en faveur des modes massifiés sont faibles. Il a demandé à Roland Blum de faire un état des lieux sur les trois ports de Marseille, Le Havre et Dunkerque et de dresser une liste de propositions. Le choix de ces trois ports a été entrepris pour « sérier les problèmes », a indiqué Roland Blum lors de la présentation de son rapport. « Il est difficile de s'étendre à tous les ports dans un délai si court. » Une position qui ne semble pas ravir certaines organisations portuaires (voir notre encadré).
Le document du député des Bouches du Rhône revient sur le diagnostic des pré et post-acheminements de ces trois ports. Les propositions sont réparties en deux catégories: la première liste dix propositions d'ordre général qui visent à favoriser la desserte massifiée des ports maritimes. La seconde est plus ciblée, port par port. Les dix propositions générales sont:
1) L'intégration du Havre et de Dunkerque dans le réseau des corridors de fret européens ainsi que dans l'ERTMS. Une proposition qui a déjà reçu un accord pour Le Havre, lors d'un vote par le Parlement européen le 19 mai.
2) Engager les ports à inciter les opérateurs de terminaux, notamment dans le cadre de la mise en place des conventions de terminaux, à fixer des objectifs encourageant le report modal. Pour le député, ces incitations peuvent être faites, par exemple, par l'intégration du fluvial dans les THC.
3) Autoriser les bateaux à naviguer en zone fluvio-maritime sans distinguer le caractère exclusif, habituel ou accessoire de leur navigation dans cette zone. Une proposition qui vise surtout les ports du Havre et de Marseille pour la desserte par barges des terminaux à conteneurs.
4) Inciter les places portuaires à ouvrir leur système informatique et l'étendre au service ferroviaire de trains complets.
5) Améliorer le niveau de service offert sur le réseau magistral en étendant, notamment, les plages d'ouverture quotidiennes.
6) Inciter les ports de Dunkerque, du Havre et de Rouen à se positionner pour investir dans les plates-formes multimodales le long du canal Seine-Escaut. Dans le cadre de la réforme de leur organisation, les ports fluviaux doivent s'engager dans une stratégie avec les ports maritimes.
7) Soutenir l'émergence des OFP (opérateurs ferroviaires de proximité). Selon le député, des syndicats freinent leur mise en place. Roland Blum a pris l'exemple de La Rochelle. « Sur le port charentais, l'opérateur ferroviaire de proximité est le plus avancé. Il s'appuie sur un partenariat avec la SNCF. Les soucis, ces derniers temps, de cet opérateur pourraient désormais se tourner vers d'autres opérateurs comme ECF, filiale de la Deutsche Bahn. »
8) Permettre la desserte de l'ensemble des ports maritimes par trains longs. Le député des Bouches du Rhône cite en exemple le cas des trains entre Paris et Marseille qui vont pouvoir circuler à 120 km/h avec 800 m de longueur sur tout le trajet.
9) Améliorer la qualité des sillons ferroviaires. L'État doit s'assurer que RFF atteint ses objectifs prévus au contrat de performance.
10) L'autorité de régulation du transport ferroviaire doit garantir une concurrence saine et équitable dans le secteur.
Un terminal pour le transport combiné à Mourepiane
Parallèlement à ces propositions générales, le député des Bouches du Rhône a détaillé les différents points à mettre en œuvre port par port. À Marseille, et notamment sur Fos, il propose d'augmenter la capacité de la ligne Vigueirat-Graveleau par la modernisation de la signalisation et le doublement de la ligne. Il propose aussi la création d'un terminal de transport combiné. Une première enveloppe de 161 M€, dont seuls les 16 M€ de la modernisation de la ligne sont financés. Les autres attendent. Sur les bassins Est, à Mourepiane, la création d'un terminal de transport combiné, dont le coût est estimé à 100 M€, et le raccordement du terminal au réseau ferroviaire pour un montant de 15,7€M€, sont envisagés. Si la seconde proposition est financée par le CPER (Contrat de plan État Région), la première ne l'est pas encore. Toujours pour le ferroviaire, le député local propose la création d'un terminal pour autoroute ferroviaire, dont le coût de 10 M€ est partiellement financé par le Plan de relance des ports, le solde reste à trouver, et la mise au gabarit de la voie jusqu'à Avignon. Un des points importants de la desserte ferroviaire pour Marseille se retrouve dans le contournement de l'agglomération lyonnaise. Ce projet, estimé à 4 Md€, est intégré dans l'engagement national en faveur du fret ferroviaire. Pour le fluvial, le canal au fond de la darse 2 pour relier le Rhône et les terminaux de Fos 2XL est financé entièrement, à hauteur de 42 M€. Les postes d'attente pour les barges sont prévus dans le cadre du CPER plan Rhône. Enfin, il propose de remettre sur l'ouvrage la liaison Moselle-Saône, dont le coût est estimé pour l'instant à 10 Md€.
Électrifier le barreau Saint-Georges
Au Havre, les propositions réclament une enveloppe d'environ 1,7 Md€. Sur le ferroviaire, le rapport propose de moderniser les voies ferrées du port (20 M€ financées dans le cadre du CPER), le chantier multimodale (projet estimé à 160 M€ dont 75 M€ sont financés à ce jour), la liaison Serqueux-Gisors (dont le coût est évalué à environ 260 M€ mais sans financement pour le moment), l'amélioration des accès ferroviaires de la région parisienne (400 M€ non financés), un sujet qui date de plusieurs années voire décennies, et enfin, l'électrification de 300 km de lignes entre Amiens, Chalons et Chaumont (450 M€ non financés). Le fluvial demande moins d'investissements mais est rangé dans des priorités plus lointaine. Le Grand canal du Havre doit être amélioré, pour un montant de 200 M€ (dont 150 M€ sont déjà prévus au CPER). L'écluse de Port 2 000 est reportée à plus long terme et coûtera 200 M€, dont le financement se fait encore attendre.
Enfin, sur Dunkerque, l'enveloppe des suggestions de Roland Blum s'évalue aux alentours de 400 M€. Les principaux postes à prévoir sont le contournement ferroviaire de Lille pour aller sur la Lorraine, dont le coût est d'environ 112 M€, l'ouverture de l'hinterland vers Calais avec la modernisation de la voie unique et l'électrification du barreau Saint-Georges (un projet qui nécessite 150 M€ non financés). Le développement du ferroviaire sur la Belgique avec deux alternatives (soit la réouverture de la ligne Dunkerque-Adinkerque, soit une voie nouvelle) dont les coûts sont de 30 M€ pour la première et de 70 M€ pour la seconde. Pour le fluvial, il est proposé la création de postes fluviaux pour les trafics de vracs (une enveloppe de 12,7 M€, dont seuls 6,35 M€ sont prévus dans le cadre du Plan de relance du port) et l'appontement au terminal à Pondéreux Ouest, dont le montant de 14 M€ est financé par le port.
Au final, ces différentes mesures constituent, selon les mots du secrétaire d'État aux transports, « une liste de courses. Nous achetons tout et nous allons le réaliser avec le budget de l'État ». Un brin d'air optimiste à souffler sur l'Hôtel de Rauquelaure quand, du côté de Matignon, le locataire annonce des restrictions budgétaires.
Ce rapport prend surtout en considération les différents plans stratégiques de ces ports et les contrats entre l'État et les régions. « Des projets vont plus loin », indique le député des Bouches du Rhône. Et il cite l'exemple de la plate-forme de Mourepiane, « nécessaire si nous ne voulons pas condamner définitivement Mourepiane ». Un projet qui se chiffre à 100 M€ et dont le financement doit encore être trouvé. Il donne aussi l'exemple du terminal multimodale du Havre dont la nécessité ne fait pas de doutes. L'écluse de Port 2 000 « doit être faite », assure Roland Blum. Il reconnaît malgré tout une certaine opposition localement.
Nantes-Saint-Nazaire oublié dans le Rapport Blum, selon la CGT
Après avoir lu le rapport de Roland Blum relatif à la desserte ferroviaire et fluviale des grands ports français, le secrétaire général de la CGT du Grand port maritime de Nantes-Saint-Nazaire, Yves Tual, se demande, dans un courrier adressé à Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux Transports, « si tous les grands ports maritimes, et notamment celui de Nantes-Saint-Nazaire, sont concernés par la loi de réforme des ports du 4 juillet 2008 ». Il rappelle que « cette loi prévoyait une amélioration des dessertes fluviales, routières et ferroviaires de toutes les places portuaires, et non simplement de trois ports ». À savoir Le Havre, Marseille et Dunkerque. Yves Tual s'étonne « de l'étude partiale faîtes par M. Blum. Le rapport Dupuy-Dauby est-il toujours d'actualité? D'autant que dans le cadre du Grenelle de la mer, la mission confiée à M. Blum par le gouvernement concernait bien tous les ports ».
Aussi, la CGT du port de Nantes-Saint-Nazaire transmet à Dominique Bussereau des propositions « concernant les dessertes nécessaires à notre port, tels que nous les avions déjà détaillées lors de l'établissement de nos contributions au projet stratégique de notre port ». Yves Tual insiste en soulignant qu'à « l'image des ports du Nord, souvent cités en exemple dans le cadre de cette réforme, le développement d'un port commence avec ses dessertes routières, fluviales et ferroviaires ».
Michel Faucompré