Après un survol de l'évolution des prix des matières premières, Philippe Chalmin, professeur à Paris-Dauphine, a conclu son intervention sur deux nouvelles. La bonne: sur le court terme, la Chine continuera à être le moteur de la croissance mondiale avec un taux de développement de 10 % à 12 %; suivie par l'Inde, 7 % à 8 %; le reste de l'Extrême-Orient, 6 à 8 % et le Brésil, de l'ordre de 5 %. La mauvaise nouvelle concerne le monde dit développé: les États-Unis, 2,5 % à 3 %; le Japon, 1,5 % et l'Europe entre 1 % et 1,5 %. Le directeur du master Affaires internationales de Paris-Dauphine a cependant quelques doutes sur le taux de développement de la Chine à long terme.
Pas une seule fois le continent africain n'a été évoqué dans la présentation de Philippe Chalmin.
Les rançons payées comme une avarie commune
Incontournable depuis que sont également visés les navires alimentant l'Europe, la piraterie a occupé les esprits mais de façon plus « constructive », pourrait-on dire. Jean-Paul Lasserre, DG du Groupement d'assurance de risque exceptionnel (Garex), a fait une introduction inhabituelle de la piraterie, façon B2B: les pirates sont de « véritables entrepreneurs » qui se développent grâce à des paradis fiscaux. Ils bénéficient d'un environnement favorable du fait du faible coût pour entrer sur le marché et de la quasi-inexistence de barrière non tarifaire. Cette activité dégage une forte rentabilité.
Plus sérieusement, il fut rappelé que l'inexistence d'un État de droit en Somalie est le facteur déterminant de la piraterie locale, et qu'il n'y aura pas de solution durable sans l'établissement d'un État de droit. Lueur d'espoir, la piraterie somalienne n'a pas (encore?) de lien avec le terrorisme. En clair, on se sert des navires et de leurs équipages pour obtenir de l'argent, et non pas pour faire de l'image à l'ouverture des journaux télévisés.
Le commandant Rune Braltand, de la Marine royale norvégienne, a rappelé que 20 % à 25 % des navires qui passent par le golfe d'Aden ne suivent pas les recommandations en matière d'autoprotection. La moitié des navires en transit ont réussi à repousser une attaque par leurs propres moyens grâce à leurs canons anti-incendie, en augmentant leur vitesse ou en zigzagant.
Un représentant du Cameroun a pris la parole pour expliquer que si l'on fournissait du travail (légal) aux pirates de Somalie, ces derniers seraient moins tentés d'aller en mer chercher de quoi survivre. Un intervenant répondit qu'un P & I Club norvégien finance une ONG qui justement travaille dans un « village de pirates ». L'idée que la piraterie ne sera éradiquée que par une action pacifique sur le territoire de la Somalie, mettant à contribution les pirates eux-mêmes, avait déjà été exprimée en décembre 2008 par le chef d'état-major de la Marine, l'amiral Pierre-François Forissier, lors des 4es assises de l'Économie maritime. Sans grand succès…
Si, officiellement, les P & I Clubs ne remboursent pas les rançons versées, la réalité s'examine au cas par cas dans la confidentialité d'un bureau. Des juristes britanniques se posent d'étranges questions: est-il légal de verser une rançon? À quoi sert-elle exactement? À libérer un équipage ou à éviter un accident coûteux? Dans ce dernier cas, le versement pourrait se justifier, surtout si on le « passe » en avarie commune. Le principe de droit est sauf et l'équipage est libre.
Les montants des rançons versées et les coûts des mesures de protection mises en œuvre semblent relever du plus haut secret militaire.
Interrogé publiquement sur l'éventualité d'une participation financière du Panama – premier registre, et de très loin, de libre immatriculation au monde – aux coûts de protection, son ambassadeur en France n'a pas hésité à répondre que son pays n'était pas propriétaire des navires immatriculés. Selon le rapport de la Cnuced portant sur la flotte mondiale au 1er janvier 2009, le Japon détient plus de 53 % du port en lourd immatriculé au Panama, soit plus de 128,4 Mtpl. Dans ces conditions, toute protection d'un navire panaméen (ou libérien) transitant par le golfe d'Aden ou au large de la Somalie ne devrait-il pas donner au versement d'une juste indemnisation aux États dont les contribuables financent les bâtiments de guerre présents sur zone, s'interrogeait Francis Vallat, président de l'IFM, lors d'une conversation privée.
De quoi alimenter les débats durant plusieurs années.
Les résultats 2009
Profitant de l'occasion, les assureurs transport installés en France ont présenté un rapide bilan de leur activité en 2009. En termes d'évolution des cotisations, l'année n'est pas si mauvaise que cela pour l'assurance corps (542,9 M€ de cotisation, soit une très légère hausse de 0,8 %). Pour l'assurance marchandises transportées, les cotisations ont baissé de 3,1 % atteignant les 846 M€, soit 44 % du total de la branche Transports qui comprend également l'aviation et le spatial. Par contre, dans l'assurance corps où les assureurs français occupent une place significative dans le monde avec environ 30 % du port en lourd assuré, le rapport sinistre/prime (brut des coûts d'acquisition) n'est pas satisfaisant depuis trois ans: à fin 2007, il était de 74 %; descendant à 69 % un an plus tard pour remonter à 71 % (estimation) à fin 2009. Il faut savoir que les primes sont encaissées en octobre. À cela il convient d'ajouter, pour avoir la totalité des coûts, 30 % à 35 % de plus, expliquait Patrick de La Morinerie, président de la branche transport de la Fédération française des sociétés d'assurances (par ailleurs, D.G. adjoint d'Axa Corporate Solutions). Pas de quoi se réjouir, donc.
M.N.