Ports de trans bordement: un concept décliné sur le roulier

Article réservé aux abonnés

Le port de transbordement, appelé hub en anglais, est dérivé d'un concept appliqué d'abord dans l'aérien. Avec le développement des relations conteneurisées, les armements l'ont appliqué dans le maritime pour ce type de trafic. Les ports de transbordements ont proliféré dans toutes les régions du monde pour attirer les services intercontinentaux et redistribuer les marchandises à une échelle plus locale.

Ce concept s'est décliné dans le transport roulier depuis quelques années mais dans une mesure moindre. Dans le monde du roulier, deux types de hubs se retrouvent. Le premier est gouverné selon les mêmes principes que dans le conteneur. Des services intercontinentaux acheminent des marchandises qui sont ensuite redéployées par des feeders au niveau continental. Le second type de hub vise à créer sur le port la connexion entre deux services mères. Au travers de ces ports, les armements utilisent les services intercontinentaux comme des points de relais. Ils réalisent alors l'économie de certaines relations. Le choix du type de hub dépend ensuite de la demande.

Les hubs, au sens premier du terme, se sont développés de par le monde. Ainsi, Hoegh Autoliner joue cette carte dans les Caraïbes. L'armement a choisi le port de Kingston (Jamaïque) pour réaliser ses opérations dans la région. « Avant de nous installer sur Kingston, nous avions deux terminaux dans la région caribéenne, explique Luc Massaux, directeur Hoegh Autoliners France. Nous sommes désormais présents sur le seul site jamaïquain. » Les deux terminaux de transbordement dans la région étaient Puerto Rico et la Guadeloupe. Trois raisons ont poussé l'armement à opérer ce changement. D'une part, la demande croissante pour délivrer des marchandises à Cuba empêchait de le faire depuis Porto Rico, en raison des contraintes réglementaires imposées par les États-Unis. Ensuite, le coût des opérations de manutention à Puerto Rico a augmenté ces dernières années. Enfin, le service en provenance d'Asie pour se rendre au Moyen-Orient escale dans le port de la Jamaïque. Faire de Kingston un hub permet ainsi de moins dévier les navires. Alors, sur le port de La Jamaïque, deux services depuis l'Europe du Nord et un depuis l'Asie se croisent. « Nous avons fait construire un nouveau navire, le Hoegh-Caribia, qui réalise les rotations depuis Kingston vers les ports de la région », continue Luc Massaux. Ce navire plus rapide et plus gros est adapté aux conditions nautiques des ports de la région. Il permet, en outre, de prendre des remorques Mafi pour transporter du fret statique. Depuis Kingston, Hoegh offre un service de feeder sur des ports comme Degrad des Cannes en Guyane, Paramaribo (Surinam), Port of Spain (Trinidad et Tobago) et Georgetown (Guyane Néerlandaise).

L'armement napolitain Grimaldi Lines a développé la même stratégie mais en Europe. L'armement italien utilise le port d'Anvers pour relier les différents services de ses filiales. « Depuis 2001, nous avons développé ce concept à Anvers, explique Paul Kyprianou. Nous y transbordons des services intercontinentaux avec des services intra-européens pour la redistribution et la collecte des véhicules. » Un système qui s'est décliné, pour le groupe, au travers de plusieurs ports dans le monde. À Dakar, au Sénégal et à Salerne, en Italie, le groupe utilise ces ports comme des hubs; « Nous devons maîtriser au mieux la chaîne logistique, continue Paul Kyprianou. Nous avons donc décidé d'entrer dans les opérations de manutention de ces ports. » En effet, le groupe Grimaldi est opérateur de ces ports. Cette présence dans les opérations de manutention des ports de transbordement est aussi privilégiée dans le groupe suédo-norvégien, Wallenius Wilhelmsen Logistics. L'alliance entre les deux armateurs scandinaves ne se contente pas d'utiliser ses terminaux comme des points d'entrée de marché, mais aussi de proposer des points de relais et de transbordement. En effet, WWL investit au Mexique pour se doter d'un port de transbordement vers l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale et la Californie, tout en conservant un rôle de point d'entrée dans le pays. Hoegh Autoliner n'a pas misé sur la même stratégie. Certes, le groupe norvégien est présent dans des terminaux, comme par exemple au Havre. À la différence de ses concurrents, il n'est pas opérateur dans les hubs. Les opérations sur le terminal de Kingston sont effectuées par d'autres sociétés.

Le second type de ports de transbordement vise à connecter des services intercontinentaux entre eux. « Certains marchés ne peuvent pas être desservis directement avec nos navires mères en provenance d'un autre continent. Nous gérons donc une connexion avec des services pour combiner les flux », indique Luc Massaux. Un système déjà opérationnel dans de nombreux secteurs qui tend à se développer de plus en plus auprès des opérateurs de rouliers. Hoegh Autoliners a largement développé ce concept sur le port est-africain de Maputo. Une implantation qui s'est accompagnée d'un apport capitalistique dans l'opérateur du terminal aux côtés de Grindrod, une société locale. « En Afrique de l'Est, certains ports ne sont pas dimensionnés pour recevoir nos trafics en provenance d'Asie, par exemple. De plus, les temps de transports se rallongeraient. » Ainsi, l'armement propose deux services entre l'Asie, l'Afrique du Sud et les États-Unis. Le point central de ces deux services se situe à Maputo qui permet d'interconnecter les deux services mais aussi de le relier avec des navires qui remontent sur l'Afrique de l'Est jusqu'au Golfe. « Avec une bonne gestion de nos connexions et une fréquence adaptée à la demande, nous avons pu nous positionner sur certains trafics que nous n'aurions pu décrocher en réalisant des services directs. Nous aurions dû affecter des navires adaptés et nos tarifs auraient été trop élevés », indique le responsable de Hoegh Autoliners. En 2009, WWL a envisagé de s'implanter aussi en Afrique du Sud. « Nous observons l'évolution du marché localement avec la croissance de la demande », a expliqué un responsable de l'armement à l'époque.

Ce système de ports de connexion entre des services intercontinentaux existe aussi pour Grimaldi Lines. Anvers sert de point nodal comme Southampton en Grande-Bretagne ou Walham en Suède. « En combinant ces différents services, nous pouvons offrir aux clients une palette plus large de destinations avec nos navires », commente Paul Kyprianou. Et pour exemple, il donne celui du fret méditerranéen qui remonte vers Anvers pour y être transbordé et redescend ensuite sur la côte occidentale d'Afrique.

Ces perspectives de prises de participation dans les ports rouliers deviennent un véritable enjeu. Hoegh regarde l'activité au nord de l'Europe et plus particulièrement en Allemagne et en Belgique à Zeebrugge. Dans ces deux ports, les opérateurs proposent des services de PDI (Pre Delivery Inspection, inspection avant livraison), une source de développement pour les trafics. Pour Grimaldi, la prudence est de mise. « Nous avons une vingtaine de terminaux dans le monde. Il faut être prudent dans les prochains investissements. Nous regardons l'évolution du marché sur l'Afrique de l'Est et l'Asie, mais sans se précipiter », indique le directeur général de l'armement. L'armement suédo-norvégien pointe sa longue-vue sur les marchés émergents et notamment l'Inde. Tant à l'Est qu'à l'Ouest, des opportunités se dessinent. Sur la côte Ouest du pays, des ports comme Mundra apparaissent intéressants. Sur la côte orientale, celui de Chennai est bien placé.

Le concept du hub de transbordement et de connexion est devenu une réalité dans le monde du transport Ro-Ro. Si les armements regardent aujourd'hui de nouveaux débouchés sur d'autres marchés, la question demeure de savoir dans quelle mesure ils vont développer une activité de manutention, à l'image de ce qu'ont fait les armements conteneurisés. Enfin, il n'est pas exclu de voir des groupes de manutention spécialisés dans le roulier prendre une dimension internationale pour venir jouer dans la cour des grands groupes de manutention spécialisés.

Dossier

Archives

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15