Le marché du Ro-Ro a toujours été considéré comme une niche dans le transport maritime. Depuis de nombreuses années, il enregistre des variations légères. Le transport mondial de voitures a augmenté régulièrement depuis le début du siècle jusqu'en 2007 pour atteindre 14,87 millions de voitures. En 2008, le trafic s'est stabilisé, notamment avec le début de la crise économique mondiale dès l'été pour afficher une baisse de 14,5 % en 2009 à 12,68 millions de véhicules. Dans le même temps, la flotte de navires a progressé de 13 % à 589 navires et la capacité de transport a grimpé de 23,4 % à 3,1 millions de CEU (Car equivalent unit). « Cela s'est traduit par une surcapacité de tonnage pour toutes les tailles de navires, une demande très faible voire nulle dans certains cas et des taux d'affrètement régulièrement en baisse », note en introduction le rapport 2010 du courtier parisien Barry Rogliano et Salle. Pour le courtier britannique RS Platou, « 2009 a été une année que les opérateurs de PCTC (Pure Car and Truck Carrier) souhaiteraient plutôt oublier ». Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon le courtier parisien, les loyers de navires ont chuté de 20 % et le volume des transactions s'est effondré. Le courtier britannique a enregistré des diminutions de volume allant jusqu'à 60 % au plus fort de la crise. Si les États ont pris des mesures afin de dynamiser les ventes d'automobile, les concessionnaires ont surtout puisé dans leurs stocks et donc évité de nouvelles commandes.
589 navires au 1er janvier 2010
Dans ce contexte, voire « cette atmosphère délétère », comme l'indique le rapport du courtier parisien, les plus forts ont pu tirer leur épingle du jeu. « Mais à quel prix? », s'interroge BRS. Certains ont jeté l'éponge avant le 15e round. Parmi ceux-ci Sal, Vyborg Shipping, CS Partnere, Contenemar, Fastmed Line, Logitec Lines, Ave Line, Global Container Lines et Emroll. Le départ de ces opérateurs n'a pas bouleversé le classement de tête de ces opérateurs. Dans son recueil des données du marché publié par NYK Line, l'armement japonais place en pole position NYK Line avec 100 navires, soit une baisse de 10 unités. K Line vient en seconde position et gagne deux places malgré la diminution de sa flotte de 8 navires à 71 unités. Mitsui conserve sa troisième place et Eukor, filiale de Wallenius Wilhelmsen Logistics (WWL), rétrograde à la quatrième place en perdant 23 navires à 64 unités. Viennent ensuite WWL, Hoegh, Grimaldi, qui passe devant CCCS en 2010. Au total, la flotte au 1er janvier 2010 se compose de 589 navires, en baisse de 6,35 %. Deux éléments expliquent cette tendance. D'une part, les navires prévus d'être livrés dans le courant de l'année 2009 ne sont pas tous arrivés sur le marché. Sur la trentaine d'unités d'attendues, seules 10 ont rejoint leurs opérateurs. Les armateurs ont repoussé à 2010 la livraison de 9 navires, et 5 sont retardés à plus longue échéance. Enfin, 10 commandes ont été annulées. Second élément à avoir joué sur cette diminution, le rebond de la démolition. Les armements ont envoyé 33 navires à la ferraille, soit une progression de 106 %, note le rapport BRS. « Une fois les navires désarmés, les coûts liés à leur remise en service auraient bien souvent excédé le niveau des revenus que le marché pouvait offrir, rendant l'option de la démolition beaucoup plus cohérente », indique le courtier parisien dans son rapport. Deux armements ont disparu du paysage du marché du roulier l'an passé. Commercial Fleet Donbass et Latvian Shipping ont vendu leur flotte à la démolition.
La cohérence de la démolition
Les perspectives pour 2010 doivent être faites avec un grand nombre d'incertitudes. En premier lieu, la mise en place des nouvelles normes en matière d'environnement risque bien d'occasionner un nouvel effet de levier sur le marché de la démolition. « L'entrée en vigueur de l'annexe VI de la convention Marpol en juillet nous porte à croire que l'activité de la démolition restera élevée », note le rapport BRS. De plus, les nouvelles commandes ont littéralement dévissé, passant de 30 unités commandées en 2008 à cinq en 2009. Les difficultés du marché financier ont généré, sur le marché, une attitude de prudence de la part des armateurs. Les livraisons attendues en 2010 concernent principalement des unités de grande taille. Elles sont plus d'une trentaine à devoir arriver sur le marché cette année dont la capacité de transport se situe entre 3 600 et 3 800 mètres linéaires. Sans doute ces navires vont-ils avoir un effet sur les taux d'affrètement, mais bien plus sur la capacité du marché à absorber une nouvelle offre quand la demande décolle difficilement.
Le projet du ministère français de la Défense
De plus, le projet du ministère français de la Défense de se doter d'une capacité de projection et le projet des armées allemandes et danoises pourraient aussi inciter les gouvernements à commander des navires de grande taille. « Il est devenu évident qu'un rebond est nécessaire aujourd'hui, note le courtier britannique RS Platou. Une hausse dans la vente de voitures neuves, que nous sentons déjà, et plus particulièrement sur les marchés émergents, et le remplissage des stocks serait les bienvenus pour alimenter la demande. » Et le courtier britannique prévoit une demande en hausse, « cependant il est difficile de prévoir la part que prendront les usines aux États-Unis et en Europe de l'Ouest dans ce retour de la production automobile », note RS Platou. Pour le courtier parisien, une des solutions à cette surcapacité dans le monde roulier passe par l'adaptation d'une nouvelle demande pour des remorques non accompagnées, là où auparavant les armements transportaient des remorques accompagnées. Plus qu'une tendance lourde, il s'agit d'un frémissement. Si ces premiers indices devaient se confirmer, alors les routes utilisant aujourd'hui des Ro-Pax pourraient demain être alimentées par des navires de type PCTC et, alors, absorber une partie du surplus de la flotte. Enfin, un autre élément pourrait venir peser sur l'équilibre du marché cette année, la décision des États-Unis de retirer leur armée d'Irak à partir du mois d'août. La flotte sous pavillon américain trouverait de nouvelles occupations, et laisserait aux navires sous les autres pavillons la possibilité de se placer sur d'autres marchés. Dans ce marché en pleine convalescence, les Européens pourraient en profiter pour affréter des navires à des taux relativement intéressants pour développer des lignes intracontinentales.