Le 23 septembre 2009 marque l'ouverture à la signature de la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer, autrement appelée Règles de Rotterdam.
Cette nouvelle convention internationale vise à régir le transport maritime des marchandises sous une vision pragmatique et moderne tenant compte de l'évolution des techniques (documents électroniques) et du développement de la conteneurisation du commerce international impliquant pour le transporteur maritime d'étendre sa prestation « porte à porte ».
Les Règles de Rotterdam innovent donc principalement par leur champ d'application. Contrairement aux précédentes conventions internationales (convention de Bruxelles, protocoles de La Haye Visby et convention de Hambourg), elles ne se limitent pas à réglementer les contrats de transport maritime mais visent, sous une conception « maritime plus », la globalité du transport comprenant un pré ou post-acheminement terrestre, ferroviaire ou fluvial.
Cela va-t-il dans le sens d'une simplification des règles et de leur application au plan international? Pas si sûr si l'on en juge notamment par le nombre d'articles de cette convention (96) et une rédaction parfois sujette à interprétation. Il est encore trop tôt pour se faire une opinion définitive sur ce nouveau texte qui fera encore prochainement l'objet de débats entre les différents acteurs intéressés.
Du point de vue de l'assureur transport
Nous nous arrêterons ci-dessous, de manière non-exhaustive, sur certaines dispositions ayant un impact sur les actions de recours effectués contre les transporteurs en raison des dommages causés aux marchandises.
Comme dans les précédentes conventions, le système repose sur une présomption de responsabilité du transporteur en cas de perte, dommage ou retard de livraison, à condition que le dommage soit survenu alors que la marchandise était sous la garde du transporteur.
Le fait que la faute nautique ne puisse plus être invoquée par le transporteur comme cas exonératoire de sa responsabilité (art. 17-3) est une nouveauté qui va dans le sens d'une plus grande équité dans l'attribution des responsabilités. Par ailleurs, au-delà des cas exonératoires, le transporteur reste responsable si le réclamant parvient à prouver l'innavigabilité du navire (art. 17-5).
Le délai pour agir contre le transporteur est quant à lui porté à deux ans, ce qui ne peut qu'apporter davantage de sérénité dans la gestion des actions de recours quand le délai de prescription annal conduit trop souvent à des assignations à titre conservatoire.
Autre point a priori positif, les limites d'indemnité sont rehaussées par rapport aux dispositions de La Haye Visby pour passer de 666,66 DTS/colis et 2 DTS/kg à 875 DTS/colis et 3 DTS/kg. Mais cela n'est pas forcément une grande avancée pour les chargeurs dans tous les cas si l'on se réfère, par exemple, à la limitation de 8,33 DTS/kg prévue par la convention CMR régissant les transports internationaux de marchandises par route ou aux dispositions de la loi française et de ses contrats types applicables aux transports routiers de marchandises (expédition inférieure à 3 t: 23 €/kg et 750 €/colis; expédition supérieure 3 t: 14 €/kg avec un maximum de 2 300 €/t). Ces deux réglementations restent-elles applicables dans le cadre des Règles de Rotterdam?
Qui l'emporte sur qui?
Pour répondre à cette question, il convient de se référer à l'article 26 de la convention qui régit le « transport précédant ou suivant un transport par mer », et selon lequel les dispositions des Règles de Rotterdam ne l'emportent pas sur celles des autres conventions internationales existantes et applicables aux dommages constatés.
Il semble donc possible d'en conclure que les dispositions de la CMR relatives au fondement de responsabilité ou à la limitation d'indemnité l'emporteraient sur les mêmes dispositions des Règles de Rotterdam avec lesquelles elles sont en conflit. En revanche, les Règles de Rotterdam s'appliqueraient aux transports terrestres internes et l'emporteraient donc sur les dispositions de la loi française.
Autrement dit, les dommages occasionnés durant le transport routier international en Europe seraient, comme aujourd'hui, indemnisés en application de la CMR, alors que ceux survenus durant le transport routier national relèveraient des Règles de Rotterdam.
À ce propos, on peut s'interroger sur la façon dont les notions purement maritimes des Règles de Rotterdam (« navigabilité », « accidents de la mer »…), pourraient être par extension appliquées aux transports routiers.
En tout état de cause, il appartiendra probablement à la partie qui invoque les dispositions de cet article 26 de démontrer que les conditions de son application sont réunies. Or, la hiérarchie, voire le conflit, entre les conventions internationales applicables pourrait être source de discussions, d'interprétation et, malheureusement, de contentieux supplémentaires.