Procès Erika: plus sévère, la loi française est applicable

Article réservé aux abonnés

L’arrêt de la cour d’appel de Paris concernant le naufrage de l’Erika le 12 décembre 1999 confirme une partie du jugement du TGI de janvier 2008 (JMM du 25/1/2008; p. 8 et suivantes) et porte de 192,5 M€ à 200,6 M€ les indemnités à verser, y compris les 153,9 M€ dus à l’État. Malin, le président de la cour avait préparé, à destination des médias, quatre feuillets d’explications sur les motivations des décisions; l’arrêt faisant environ 500 pages.

La cour confirme que la convention Marpol prime sur la loi française, par principe. Si Marpol interdit toute forme de rejet d’hydrocarbures en mer, y compris par accident, « elle ne désigne pas pour autant ceux qui peuvent être mis en cause pour ces rejets ». Par contre, tout en étant conforme à la convention Marpol, la loi française 83-583 est plus sévère. Elle réprime la simple faute ayant eu pour conséquence un accident de mer. Toute personne physique exerçant un pouvoir de contrôle, de direction dans la gestion ou la marche du navire est susceptible d’être visée par cette loi qui réprime l’imprudence, la négligence ou l’inobservation des lois et règlements. La cour souligne que le groupe Total avait envisagé cette interprétation; et que le ship manager du pétrolier ne pouvait l’ignorer pour avoir été « inquiété » en 1988 en tant de managing director d’un pétrolier qui fut à l’origine d’une pollution des côtes françaises. La cour ajoute que la question d’un éventuel conflit entre la loi nationale et Marpol ne se pose même pas car la première condition d’application de la convention, à savoir la prise de précautions « raisonnables » pour éviter ou réduire le rejet, n’a pas été remplie en l’espèce.

La cour considère que la perte du navire a pour origine directe sa « grave corrosion, directement en relation avec l’insuffisance d’entretien ». Et à partir de là, tout s’enchaîne, pour la cour d’appel comme pour le TGI. Le représentant légal de l’armateur (M. Savarese) et celui du ship manager (M. Pollara) en ayant minimisé l’entretien courant du navire et ses travaux de réparation, sont directement responsables de sa perte.

Le Rina auquel avait succédé le Spa Rina, disposait d’un pouvoir de contrôle sur la gestion du pétrolier et que la confirmation du certificat de classe était « particulièrement fautive et en relation de causalité avec le naufrage », a estimé la cour.

Celle-ci a relevé que la mise en place d’un vetting était, pour la S.A. Total, « une précaution pour éviter d’être mis en cause pour son imprudence à affréter des navires sous-normes. Dès lors, en se dispensant d’appliquer ces règles de précaution, elle avait commis une faute d’imprudence en relation de causalité avec le naufrage. La S.A. Total qui disposait, de par les dispositions de la charte-partie au voyage, d’un pouvoir de contrôle sur la marche du navire, était le véritable affréteur de l’Erika ». Importance différence avec l’appréciation du TGI.

En conséquence, les peines prononcées par ce dernier à l’égard de MM. Savarese (75 000 €), Pollara (75 000 €) du Spa Rina (375 000 €) et de la SA Total (375 000 €) sont confirmées par cour.

Les avocats de M. Savarese et du Rina ont annoncé le 30 mars qu’ils iraient en cassation.

« Protégé » par la CLC, l’affréteur est irresponsable

La convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) interdit d’aller chercher la responsabilité de tout autre agent économique hormis l’armateur, sauf si le premier a commis des actes téméraires avec la conscience qu’il en résulterait un probable dommage important, rappelle la cour. M. Savarese dont le comportement a été téméraire, M. Pollara et le Spa Rina ne peuvent prétendre au bénéfice de la convention CLC. Seule la S.A Total peut en bénéficier car elle n’a pas commis de faute téméraire. En effet, « il n’est pas possible d’affirmer que celle-ci, en se dispensant de faire procéder à une visite de vetting en novembre 1999, faute retenue par la cour comme par le TGI, avait conscience que, probablement cela aurait pour conséquence un naufrage et une pollution ». Personne ne peut donc réclamer des dommages et intérêts à Total, y compris pour le préjudice écologique « pur ». La cour estime en effet que contrairement à ce que soutenaient des parties civiles, tous les préjudices échappent à la CLC. Cependant, le groupe Total souligne qu’à la suite du jugement du TGI du 16 janvier 2008, il a versé « définitivement aux parties civiles qui le souhaitaient les sommes fixées, soit 171,5 M€ ». Au final, Total a « consacré » plus de 370 M€ « à compenser et réparer les dommages causés ». Le groupe va « prendre le temps d’examiner au cours des prochains jours » les motivations de cet arrêt d’appel avant de décider s’il souhaite poursuivre de dossier par un pourvoi en cassation.

Le préjudice écologique largement accordé

Par contre, « il suffit qu’une pollution touche le “territoire” des collectivités territoriales pour que celles-ci puissent réclamer, à l’instar des associations de protection de l’environnement, le préjudice direct ou indirect de celle-ci leur a personnellement causé ». Le commandant Karun Mathur voit ses compensations financières sensiblement améliorées: outre les 16 666 € que doivent lui verser MM. Savarese et Pollara ainsi que le Rina, les deux premiers doivent ajouter 20 000 € chacun et le troisième, 60 000 €, sans oublier Total pour un montant identique.

7 jours en mer

Archives

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15