Depuis quelques jours, BP2S, le bureau français de promotion du transport maritime de courte distance, diffuse une étude sur l'intérêt économique des écobonus, ces aides directes versées aux transporteurs routiers, à chaque fois qu'ils abandonnent le « tout route » pour faire du « route-mer-route » (r-m-r). Inventé par l'Italie, le concept d'écobonus vise à inciter financièrement le transporteur routier à modifier ses habitudes pour le bien collectif. Il présente un avantage certain pour le contribuable : celui-ci ne paie qu'à l'unité de transport intermodale (UTI) réellement chargée sur un navire, que cela soit une semi-remorque ou son équivalent, le conteneur 45' pallet wide, ou bien encore une caisse mobile. Cela limite donc le risque financier pris par le contribuable de verser, sans aucune garantie réelle, des aides d'exploitation au transporteur maritime.
De plus, l'écobonus, ne concernant que la demande de transport, peut être applicable à des services existants.
Trois cas de figures sont ainsi présentés : le « r-m-r » entre ports français ; entre un port français et un port d'un État voisin ; entre ports de deux États voisins, ce qui évite ou limite le trafic de transit via la France.
Le groupe de travail constitué par le BP2S a estimé le différentiel de coûts externes (bruit, émissions de gaz polluants, accidents, congestion des infrastructures, etc.) entre la solution « tout route » et l'alternative « r-m-r » selon la méthode Marco Polo qui est validée en France et dans d'autres États membres de l'UE. Le coût externe est donc de 0,035 ¤/t.km en routier et de 0,009 ¤/t.km en maritime. Dans l'étude du BP2S, l'UTI est chargée à 25 t. Son coût externe est donc de 0,875 ¤/km en tout route et de 0,4167 ¤/mile nautique, en maritime.
L'écobonus doit donc être inférieur ou au pire égal à la différence entre le coût externe routier et le coût externe maritime. Par hypothèse, l'écobonus doit représenter 40 % du différentiel entre les coûts externes.
Applications pratiques : entre Le Havre et Bordeaux, il y a 692 km, ce qui représente un coût externe de 605,50 ¤; et 538 miles, soit un coût externe maritime de 224,18 ¤. La différence est donc de 381,32 ¤; et l'écobonus, de 152,53 ¤. Sur la base de 120 UTI chargées par navire et d'un aller-retour quotidien, le montant d'écobonus dépasse les 9,327 M¤ pour une économie totale de 23,318 M¤ de coûts sociaux et environnementaux à la charge du contribuable.
Sur le segment La Rochelle-Bayonne, avec les mêmes bases de calculs hormis les distances, le montant d'écobonus est de l'ordre de 6,250 M¤ pour une économie de 15,626 M¤.
Conclusion du BP2S : « La mise en place d'un système d'écomer franco-français, bien qu'efficace à l'échelle nationale, ne permettra sans doute pas de reporter de manière importante les poids lourds de la route ver la mer car les poids lourds en transit ne seront en fait que peu incités. »
Passons donc aux dessertes Nantes-Gijon ou Vigo, Sète-Gènes, Fos-Savone ou Toulon-Civitavecchia. Il y aurait alors un report modal « réellement significatif » (...). La création d'un tel système possède le « triple avantage d'être relativement simple à mettre en place (peu de pays impliqués), être rapidement bénéfique en termes d'économies de coûts environnementaux et, enfin de préparer de manière concrète une réponse aux demandes de l'Europe en vue d'un écobonus européen ».
Libérer les routes françaises sans bourse déliée
Passons donc à l'échelon européen. Il s'agit alors de contourner la France en Nord-Sud Atlantique et en Est-Ouest méditerranéen. Et là cela bloque : « il pourrait être ressenti comme politiquement et «psychologiquement» difficile pour les pouvoirs publics français (et les contribuables français) d'aider financièrement des transporteurs essentiellement non nationaux transitant par des ports non nationaux ». Le système devrait donc être financé par l'Union européenne, dans le cadre de Marco Polo III, par exemple. « Il semble évident à tous les membres du groupe de travail BP2S que c'est vers cette solution qu'il faut tendre dans les plus brefs délais ». Le contribuable français ne pourrait que se féliciter de cette évidence qui libère ses routes sans bourse déliée.