La croissance verte a dépassé le stade du virtuel pour entrer dans le concret. Une étape importante a été le Grenelle de l'environnement. Jean-Louis Borloo, ministre en charge du Développement durable, l'a rappelé lors du vote à l'Assem- blée nationale de la loi sur le Grenelle de l'environnement. « La croissance verte est le projet économique et industriel de notre pays », et le Grenelle, et « tout ce qui va autour » est « l'outil de conquête industrielle de notre pays », a précisé un Jean-Louis Borloo. Déjà en 2007, l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Élysée a marqué cette nouvelle tendance. Le traditionnel ministère de l'Équipement et des Transports est devenu celui de l'Énergie, de l'Écologie, du Développement durable et de la Mer. Le Grenelle de l'environnement a été la concrétisation de ce nouvel intitulé du ministère. Au travers de ce projet de croissance verte, le gouvernement espère surtout réduire les gaz à effets de serre et toutes les émissions qui peuvent nuire au maintien de la biodiversité.
Verdir la politique est une chose, la transcription de cette « vertitude » dans l'économie en est une autre. L'application de ce concept dans les différents secteurs d'activité économique se fait petit à petit. Et les ports maritimes ne sont pas les derniers à participer à ces évolutions. Après avoir enregistré une année 2009 difficile, les ports maritimes trouvent dans cette nouvelle politique économique des relais de croissance. Ils n'ont pas attendu les déclarations politiques ni l'adoption de textes législatifs pour entrer dans le cercle vertueux. Depuis de nombreuses années, les trafics issus du recyclage transitent régulièrement par les ports, qu'ils soient maritimes ou fluviaux. L'exemple le plus marquant se retrouve dans les ferrailles. Issues de la démolition ou de la mise au rebut de produits, les ferrailles sont acheminées parfois sur de longues distances pour alimenter des aciéries. Dans les ports fluviaux, la croissance verte est maintenant devenue une tradition. Depuis bientôt 20 ans, les déchets des grands chantiers sont expédiés par voie fluviale vers des carrières pour la réfection de zones vertes. Les autres déchets sont acheminés vers des centres de traitement. Les mâchefers des usines d'incinération des déchets ménagers partent par bateaux vers des centres de retraitement et servent ensuite en sous bassement de routes ou de lignes de tramway.
Les trafics d'éoliennes
Dans les ports maritimes le développement durable n'est pas un leurre. Chacun travaille sur le sujet à sa façon et en fait même une stratégie. Il s'agit en premier lieu de développer des trafics de produits issus du recyclage ou de marchandises participant au développement durable. Ainsi, sur la première catégorie se retrouvent les matériaux usagers comme les pneus, mais aussi des déchets, comme les vieux papiers. Dans la seconde catégorie, celle des produits participant au développement durable, vont se retrouver des trafics comme les éoliennes on shore ou off shore. Depuis les pales jusqu'au pilier central, de nombreux ports se placent en France sur ce secteur. L'avantage d'offrir des quais pour ces trafics est avant tout de participer à l'approvisionnement des matériaux pour la mise en place de ces éoliennes. Cela représente de nombreuses escales de navires et des colis souvent volumineux et lourds qui transitent par le port. Les manutentions et le stockage de ces produits demandent souvent du savoir-faire et des techniques particulières. Une fois le « champ d'éoliennes » installé, les exploitants ont besoin de maintenance. Dans ce cadre, le port est utilisé pour l'approvisionnement en pièces détachées de ces éoliennes, mais sert aussi comme base pour centraliser toute cette maintenance. L'opération d'éoliennes est donc une aventure à plusieurs ressorts pour le port.
Au-delà des trafics à proprement parler qui participent à la croissance verte, les ports ont engagé une véritable politique verte qui s'inscrit dans le Grenelle de l'environnement. De nombreux ports travaillent sur une offre globale de trafics terrestres en faveur des pré et post-acheminements alternatifs. À Rouen, la mise en place de nombreuses navettes fluviales avec la région francilienne d'une part, avec Le Havre d'autre part, démontre du poids essentiel du développement durable dans le port. La direction du port table « sur une croissance de 25 %, dans un premier temps, de la part modale des pré et post-acheminements par modes alternatifs ». Le même schéma se répète sur d'autres établissements dont les opportunités terrestres sont plus restreintes. Ainsi, à La Rochelle, la direction du port axe sa stratégie sur le développement du ferroviaire. L'intermodalité est devenue un enjeu de la croissance verte. Favoriser le fleuve et le fer est une composante du développement durable.
Favoriser les modes alternatifs
Ces engagements en faveur du développement des modes de transport alternatifs ont pris une telle importance que les choix remontent, en amont, jusque dans les bureaux des chargeurs. Des commissionnaires en transport répondent ainsi aux attentes de leurs clients. Récemment, le groupe DHL, fortement impliqué dans le transport routier, a pris des options sur le fluvial. « Cela répond à une stratégie de notre groupe au niveau mondial, mais aussi à des demandes de la part de nos clients », explique Simon Roy, directeur maritime France de DHL.
La croissance verte est aussi une composante des politiques portuaires. Il n'existe pas de projets qui n'intègrent pas la dimension environnementale. L'exemple récent du terminal charbonnier sur le port de Cherbourg en est un exemple. Lors de la commission d'enquête publique, les données environnementales tant à terre qu'en mer ont pesé. Les mêmes craintes ont été rapidement apaisées pour le projet de Calais 2015. La direction du port intègre cet élément dans son projet. À Dunkerque, le projet de terminal méthanier sur le port ouest étudie dans le détail toutes les conséquences environnementales pour les minimiser. L'élément environnemental est une composante essentielle de l'avenir de nos ports, répète à l'envi la direction de Dunkerque.
Au sein des directions portuaires, la dimension de croissance verte se décline aussi sous la forme d'investissements en faveur de l'environnement. À Lorient, le port s'est lancé dans une certification ISO 14 001. Un élément qui se répercute aussi sur les opérateurs. De nombreux manutentionnaires dans les ports français incluent cette dimension notamment pour les trafics de vracs secs en limitant les poussières lors du chargement ou du déchargement. La récupération des eaux et des boues de dragage posent aussi des problèmes.
Les nouvelles pistes de développement autour de ce thème de croissance verte sont innombrables. Il en existe une qui aurait dû naître depuis plusieurs mois, mais qui se trouve régulièrement repoussée pour des raisons administratives, c'est celle des autoroutes de la mer. Absorber la croissance du transport routier par le trafic maritime participe au développement durable. Le projet entre Nantes Saint-Nazaire et les ports de la côte nord de l'Espagne a reçu l'approbation des gouvernements. Les dossiers sont prêts chez les opérateurs. Il manque les Parlements et les subventions de démarrage. Et pourtant, une liaison existe déjà entre les deux régions des Pays de Loire et de la Gallice. Une solution alternative entre la France et l'Italie n'a pas su durer malgré ses avantages en termes d'émissions de CO2. En Manche, Brittany Ferries aligne chaque semaine un navire entre le sud de l'Angleterre et le nord de l'Espagne qui prend et du fret et des voyageurs. L'alternative maritime à la route a su faire preuve de son utilité. La seule anicroche à lever vise sa pérennité. La question demeure politique et dépasse la simple volonté des décideurs portuaires pour se retrouver à l'Hôtel de Roquelaure.