Journal de la Marine Marchande : L'année 2009 s'est achevée avec des résultats de trafics en baisse dans les principaux ports français. Le Port autonome de Paris a-t-il réussi à se démarquer avec des trafics en hausse ?
Hervé Martel : Les chiffres définitifs ne sont pas encore disponibles mais nous pensons finir sur une progression globale de 2,9 % à 20 Mt. L'analyse des marchés par filière montre des évolutions différentes. Ainsi, le BTP, qui représente près de 70 % de nos trafics, enregistre une stabilité alors qu'il affiche également une diminution de son activité. Cette filière est importante pour nous. Au cours des années nous avons su fidéliser les principaux groupes de ce secteur autour de la voie d'eau. GSM, Lafarge ou encore Cemex sont des convaincus. Nous avons créé des ports dans la capitale qui s'insèrent dans l'urbanisme. Un dilemme parfois difficile entre l'économique et le loisir. Notre objectif est de conserver ce trafic sur le fluvial.
Dans le BTP, nous souhaitons aussi conserver l'évacuation des déblais de chantier par voie fluviale. Dans les dernières années, la Grande Bibliothèque de France ou encore le Musée du Quai Branly ont su démontrer le savoir-faire. Aujourd'hui nous travaillons sur le chantier des Halles et sur Nanterre La Défense. Pour cela nous devons communiquer sur nos potentiels envers tous. Même des élus ignorent que le fluvial peut jouer un rôle.
JMM : Les trafics liés au BTP représentent près de 70% du total. Le Port autonome de Paris est aussi largement présent dans les trafics de céréales et de produits métallurgiques. De plus, au cours des années passées vous avez diversifié vos trafics vers les conteneurs et les déchets. En 2009, ces trafics ont -ils enregistré une progression ?
H.M : Les choses se sont passées différemment selon les filières. Les céréales se sont bien comportées. Nous avons profité d'une excellente campagne 2008/2009, notre progression s'élève à 22,5 %. Sur la première moitié de la campagne actuelle, démarrée en juillet, les chiffres sont toujours à la hausse. La bonne tenue de ces trafics est la preuve que nous avons su augmenter avec le volume de la campagne.
Avec le BTP et les céréales, nous englobons environ 80 % du trafic. Le solde est composé de flux de moindre volume comme le charbon, qui a perdu 7 % en raison d'une plus faible consommation des centrales thermiques, ou encore des produits métallurgiques. Ces derniers accusent un repli de 20 %. Une baisse liée principalement aux difficultés économiques.
Comme vous l'avez souligné, nous avons aussi diversifié nos trafics. Depuis plusieurs années, les mâchefers des centrales thermiques empruntent nos installations pour être acheminés vers des centres de traitement. Une activité qui continue sur sa lancée.
Enfin, les conteneurs continuent d'afficher des taux de croissance à deux chiffres. Sur les onze premiers mois de l'année, nous avons manutentionné 22% de boîtes en plus. En dix ans, nous avons multiplié par dix les trafics fluviaux de conteneurs. Nous disposons aujourd'hui de six opérateurs dont les plus grands armateurs maritimes, Mærsk Line, CMA CGM, MSC.
JMM : Pour revenir sur la filière « éco-activité », comment envisagez-vous l'avenir de ce secteur?
H.M : Nous avons su démontrer de la capacité du port et des acteurs du fluvial à apporter des réponses aux chargeurs. Après le transport de mâchefers, le transport de déchets industriels banals par conteneurs depuis un point vers le centre de tri. Le trafic de la REP (Routière de l'Est Parisien) a doublé ces derniers mois. De plus, Marfret a initié un trafic de déchets de papier depuis la région parisienne vers la Chapelle d'Arblay en conteneurs, pour le compte d'UPM Kymene. En retour, le papetier envoi des bobines. À Limay, des sociétés comme Suez se sont implantées pour traiter les bouteilles de plastique et le traitement des boues de dragage. Ces projets attestent de la dynamique de la filière. Le Syctom (Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères) dispose de nombreux projets et pousse à l'utilisation du transport fluvial. Sur la filière « éco-activité », nous sommes sur une tendance pérenne avec une volonté marquée des acteurs.
JMM : Vous avez souligné la progression des trafics conteneurisés sur les dix dernières années. Quels sont les résultats sur l'an passé ?
H.M : En 2009, le Port autonome de Paris a enregistré une hausse évaluée entre 10 % et 11 %. Un chiffre d'autant plus remarquable que les deux ports maritimes sur lesquels nous sommes connectés ont affiché une baisse. Au Havre, le trafic conteneurisé a perdu 8 % et sur Rouen, la baisse est de 15 %. Notre progression tient à la croissance des trafics conteneurs de la REP d'une part, mais aussi aux trafics intra régionaux entre nos différentes plates-formes. Nous avons su faire de Gennevilliers une plate-forme d'entrée sur la région parisienne. Mais nous avons aussi développé d'autres ports. Ainsi, le port de Bonneuil-sur-Marne décolle avec une progression de 112% à 5000 boîtes. Un trafic qui bénéficie de l'effet de transbordement. De plus, à Limay, l'installation du terminal, exploité par Terminaux de Seine (joint venture enter SHGT et Scat), a démontré de son utilité pour le marché. La progression de trafic s'élève à 167 % à 9 000 EVP environ.
D'autres terminaux doivent commencer leur exploitation dans les prochains mois. À Bruyères sur Oise, un nouveau terminal fera l'objet d'une attribution de concession à la suite d'un appel d'offres. Les opérations pourraient démarrer ensuite. À Evry, Terminaux de Seine doit commencer son exploitation dans les prochains mois. À Gron et à Nogent sur Seine, des communes limitrophes à notre circonscription, des terminaux s'ouvrent. En 2012, à Montereau Fault Yonne, proposera une capacité de 30 000 EVP. Au final, avec tous ces nouveaux terminaux nous disposerons d'une capacité de 340 000 EVP en 2012.
La mise en place de ce réseau de terminaux à conteneurs tend aussi à positionner les ports de Gennevilliers et de Limay comme des hubs. L'objectif est d'offrir aux deux ports normands du Havre et de Rouen des outils logistiques en conformité avec le Grenelle de l'environnement ; l'utilisation des transports massifiés comme le ferroviaire et le fluvial.
JMM : Vous disposez d'un projet sur le site d'Achères. Quels en sont les enjeux ?
H.M : Ce projet constitue le principal projet pour les quinze prochaines années du port. Les études opérationnelles sont lancées. Ce port représente une grande opportunité pour notre établissement. Nous souhaitons démarrer les travaux au plus vite pour que ce terminal devienne opérationnel à l'échéance de 2020.
JMM : Pensez-vous que votre rôle soit désormais plus tourné vers la location d'entrepôt que le développement du fluvial ?
H.M : Les deux ne sont pas incompatibles. Nous disposons d'une équipe pour le développement du trafic fluvial sur chacune des filières. Nous avons aussi des personnels dédiés à la location des entrepôts. Nous avons besoin d'entrepôts sur nos sites. Maintenant, à savoir qui doit construire ces bâtiments, la question n'est pas essentielle. Notre stratégie est avant tout de proposer des entrepôts dans l'hinterland du Havre et de Rouen. Prenons l'exemple d'Evry, qui réceptionne des boîtes destinées aux sociétés de logistique de la grande distribution située en Essonne. Il serait plus logique d'avoir des bâtiments directement sur ce terminal pour éviter des allers et retours de camions. Pour répondre à ce besoin de locaux, nous développons nos plates-formes. Nous créons de nouvelles capacités à Gennevilliers, sur le terrain de l'ancienne centrale d'EDF pour de nouveaux quais et des capacités d'entreposage.
JMM : Quand on parle de logistique, la desserte du dernier kilomètre est souvent évoquée comme la plus chère et la plus compliquée. Réfléchissez-vous à des axes de développement sur ce sujet ?
H.M : C'est un sujet qui s'intègre dans notre stratégie de développement de la conteneurisation. Nous réfléchissons à ce sujet sur des sites comme Austerlitz. Des idées identiques ont été imaginées dans le passé puis rangées au placard. Les exigences du Grenelle de l'environnement incitent les groupes de distribution à opter pour une logistique privilégiant le fluvial. Il y a quelques années, cette logistique de proximité relevait de la politique-fiction. Aujourd'hui Elle est devenue une étude et qui sait, sera peut-être une réalité prochainement.
JMM : En 2010, le port fête ses 40 ans. Le secrétaire d'État aux Transports, Dominique Bussereau, a annoncé une réforme de la gouvernance des ports fluviaux. Cet anniversaire n'est-il pas l'occasion de revoir les statuts du port ?
H.M : Nous avons entrepris une démarche pour changer notre nom qui sera dévoilée dans les premiers jours de février ainsi qu'un nouveau logo. La seule information que nous pouvons donner aujourd'hui c'est que le qualificatif d'autonome devrait disparaître.
Dans le même temps, nous procéderons à un toilettage des statuts. Il est prévu que cela soit inscrit dans le cadre de la loi sur le Grenelle 2 de l'environnement.
Nous avons aussi commencé à changer. Désormais, le directeur du Port de Paris n'est plus aussi directeur du service de la navigation. Les deux fonctions seront désormais assumées par deux personnes différentes. L'objectif est surtout de procéder à un meilleur partage du domanial pour une plus grande clarté pour les opérateurs.
JMM : 2010 est aussi le centenaire de la crue de 1910. Pensez-vous qu'une telle crue pourrait se reproduire ?
H.M : La crue de 1910 a été la suite d'une conjonction d'événements. En un siècle, nous avons entrepris des travaux sur les barrages et les réservoirs, qui s'inscrivent dans le cadre de la prévention. Un projet d'expansion des réservoirs est à l'étude sur la haute Seine et l'Yonne. Nous disposons de plus d'outils aujourd'hui pour anticiper. Nous ne pouvons pas non plus exclure une crue millénaire.