Cette stratégie, dénommée « championship », a été présentée par Patrick Boissier, p-dg de DCNS, lors d'une conférence de presse à Paris le 8 décembre (JMM 11-12-2009, p.7).
Le socle, constitué par les fournitures et prestations à la Marine nationale, représente 70 % du chiffre d'affaires. Il devrait rester stable pour les dix ans à venir : commandes de onze frégates européennes multimissions (FREMM), de six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) de type Barracuda, et le remplacement des patrouilleurs de haute mer (P 400 et avisos). La seule incertitude porte sur le deuxième porte-avions, dont la décision de construction ne sera prise qu'en 2011. Après 2018, ce marché « historique » devrait décliner, car le projet des futurs sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) se trouve à l'horizon 2025.Par ailleurs, l'entretien des flottes, désormais ouvert à la concurrence externe pour les navires simples, va connaître une décroissance forte pour trois raisons : le nombre de bâtiments diminue, les unités sont de plus en plus modernes et le budget de la Marine nationale se restreint.
S'affirmer à l'international
DCNS entend prendre la première place mondiale à l'exportation de grands bâtiments de surface et de sous-marins, marché estimé à 3 Md¤ sur dix ans. Certains marchés, comme ceux des États-Unis et de la Chine, sont en effet fermés. La Russie, qui n'est encore cliente de personne en Europe, pourrait acheter un bâtiment de projection et de soutien (BPC), mais cela soulève des questions politiques à régler, indique Patrick Boissier. Il reste donc l'Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient (Qatar, Koweït et Oman pour les petits bâtiments) et l'Amérique du Sud (Brésil et Chili pour les grands, Équateur et Venezuela pour les petits). Les quatre grands acteurs en lice, à savoir TKNS (Allemagne), Navantia (Espagne), la Russie et DCNS, vont devoir aussi affronter la concurrence des chantiers sud-coréens et chinois.
Pour la période 1998-2008, DCNS détient 17 % de parts de ce marché, hormis le Brésil qui n'a pas encore été pris en compte (septembre 2009). Il s'est fixé trois objectifs pour tenter de la doubler en dix ans. D'abord, il espère obtenir au moins les commandes d'un sous-marin côtier de type Andrasta (855 t de déplacement en surface), d'un BPC, d'une FREMM et d'une corvette de classe Gowind. Cette dernière n'a pu être vendue à la Bulgarie faute d'avoir été testée en mer.
Ensuite, DCNS vise deux contrats de sous-marins de type Scorpène (1 850 tdd), déjà vendus à l'Inde, à la Malaisie, au Chili. Si les Scorpènes et les FREMM sont définis, les bâtiments futurs devront être simples à réaliser, à opérer et à entretenir. Celui qui coûte 100 aujourd'hui, ne devra coûter que 80 ou 70. Pour cela, « DCNS devra améliorer sa compétitivité de 20 % à 30 % sur trois ans selon les secteurs », souligne Patrick Boissier.
Les programmes à l'exportation impliquent de créer des partenariats avec des entreprises locales pour effectuer l'entretien des bâtiments sur place. DCNS cherche à remporter des contrats d'entretien des Scorpènes et de frégates à l'export.
En outre, en juin 2009, DCNS a créé avec Veolia Environnement la coentreprise Défense Environment Services pour la construction de bassins et de stations de pompage dans des bases de défense en France et des bases navales à l'export.
S'implanter dans le civil
Pour DCNS, un potentiel de croissance existe dans le domaine civil : le nucléaire et les énergies renouvelables. Le groupe a acquis une connaissance du métier du nucléaire par la mise en oeuvre de 18 petites centrales à bord des SNLE, des SNA et du porte-avions à propulsion nucléaire Charles de Gaulle. « DCNS et Areva ont besoin de partenaires capables de prendre les responsabilités de lots d'une certaine taille », indique Patrick Boissier. Il s'agit de gagner des contrats d'équipements de lots complets et d'entretien sur les centrales nucléaires EPR. DCNS se donne deux à trois ans pour percer dans le nucléaire civil.
Le marché des énergies renouvelables représente plusieurs milliards d'euros par an à moyen terme. En vue d'en obtenir une part, DCNS va participer à la recherche et au développement dans l'énergie thermique de la mer, l'énergie des vagues, les hydroliennes et les éoliennes flottantes. Il va créer un incubateur et réaliser des démonstrateurs et des prototypes. « C'est un relais important de croissance », souligne Patrick Boissier.
L'incubateur de DCNS à Brest
« Du fait de son implantation géographique, des compétences qui y sont rassemblées et du support du Pôle de compétitivité dans lequel DCNS est impliqué, Brest est le lieu naturel pour installer notre incubateur », a déclaré Patrick Boissier le 9 décembre à Brest. La création de cet incubateur s'inscrit dans la continuité des initiatives prises par le gouvernement lors du Grenelle de la Mer. Les technologies et les savoir-faire de DCNS lui permettent de couvrir le cycle complet de ces nouveaux systèmes de production d'énergie : conception, construction et entretien. DCNS participe déjà aux deux projets suivants.
WINFLO (Wind turbine with INnovative design for Floating Lightweight Offshore), en partenariat avec Nass & Wind, SAIPEM, In Vivo, l'Ifremer et l'ENSIETA, vise à concevoir et développer une éolienne flottante. Il conduira à la fabrication d'un prototype en grandeur réelle, implanté au large de la Bretagne et raccordé au réseau électrique, en vue de l'approvisionnement énergétique de la Bretagne par la création de parcs éoliens offshore flottants et du développement en France d'une filière industrielle.
L'énergie thermique des mers utilise la différence de température entre l'eau de surface, chaude, et l'eau froide venant des profondeurs pour produire du courant électrique 24 heures sur 24, 365 jours par an. L'objectif de DCNS est de valider cette technologie pour les zones tropicales. A cet effet, DCNS et la Région Réunion ont déjà signé deux conventions. L'ure (avril 2009) porte sur l'étude de faisabilité d'une centrale d'énergie thermique des mers. L'autre (octobre 2009) concerne l'optimisation du système énergie qui sera intégré à la centrale.