La carrière des officiers de la marine marchande se joue de plus en plus à terre

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«Les métiers d'officier, les attentes des armateurs, l'apport de la simulation », tel était le thème sur lequel l'Institut méditerranéen des transports maritimes (IMTM) avait demandé de « plancher » à Olivier Varin, directeur général adjoint de la CMN et Frédéric Viet, directeur central adjoint armement flotte en propriété de la CMA CGM dans le cadre du dernier Info Navires. Régional ou mondial, le point de vue des armements est le même. Les officiers devront s'armer d'une nouvelle compétence, le management, et se tourner de plus en plus vers la terre.

Les flottes marchandes naviguent depuis une vingtaine d'années dans un état permanent de pénurie d'officiers qualifiés. Avant que la crise submerge le transport par mer, les spécialistes évaluaient ce déficit mondial à 84 000 officiers pour 2012. Même si, depuis, le chiffre a été ramené à 22 000, les armements vivent donc dans le manque.

est terminée...

La carence est d'autant plus aiguë qu'elle intervient alors que les flottes sont en pleine mutation : gigantisme en taille et en chargement, technologie chaque fois plus complexe, et, bien sûr, navires plus coûteux. Frédéric Viet, directeur des navigants à la CMA CGM, confirme l'évolution : « Pour les officiers, la dimension aventure est terminée. La mondialisation, l'évolution des technologies et des communications, la rapidité des escales, la dimension industrielle, la rentabilité ont pris aujourd'hui le pas. Certains le regretteront, d'autres préfèrent. » Les capitaines-courage doivent laisser la place au capitaine-manager. S'ils restent encore seuls maîtres à bord, c'est après le dieu... business. En attendant, le pacha va se muer en ingénieur puisque les pouvoirs publics travaillent à donner ce titre aux officiers qui sortiront des Ecoles de la marine marchande. C'est ce que confirme Daniel Louedec, directeur de l'ENM Marseille, tout en annonçant la mise en place du système LMD (Licence-Master-Doctorat).

management

La dimension management est particulièrement mise en avant par Olivier Varin. On ne la savait pas si importante dans la desserte de la Corse. Cet ancien navigant, diplômé de l'ENMM, insiste sur ce point à renforcer dans les formations officiers : « le management des hommes sur un mode plus participatif, la connaissance de la gestion des conflits, mais aussi la culture des résultats ». On comprend mieux. Avec son confrère de la CMA-CGM, ils s'entendent à souligner qu'il faut « effacer tout ce qui fait antagonisme entre la mer et la terre, la navigation et les affaires ». « La formation management est embryonnaire, nous avons des progrès à faire », reconnaît le directeur de l'ENMM tout en rappelant que l'instruction à l'école « ne peut être que théorique » même si « nous sommes à l'écoute des compagnies. »

Des relais dans l'entreprise

Si les responsables de la CMA-CGM et de la CMN louent volontiers « le socle de formation générale et scientifique, la polyvalence de la formation maritime, la double formation pont et machine » pratiquée par les écoles françaises, s'ils se félicitent de « la proximité culturelle et géographique pour un armateur français », ils en demandent aujourd'hui plus. Passons sur le maniement de l'anglais qui doit « encore faire des progrès ». « Les officiers doivent encadrer, former, coacher, évaluer les efforts à faire. Il faut qu'ils prennent en compte la dimension hiérarchique. Dans le temps embarqué, la notion d'entreprise est à sentir, connaître. Les officiers sont des relais. » C'est dans cette perspective que le master en management maritime international (ENMM-Euromed) initialement adressé aux cadres sédentaires pour élargir leur formation, a été « retravaillé pour le rendre compatible au rythme aux officiers navigants » de la CMA CGM. C'est dans leur temps à terre (donc en congé) qu'ils pourront intégrer les notions de finances, de gestion, de supply chain grâce notamment à l'e-learning networking. Le projet devrait démarrer en 2010 dans la compagnie de Jacques Saadé.

« Les exigences professionnelles qui pèsent sur les officiers sont croissantes : taille des navires, valeur de la cargaison, technologies nouvelles, réglementations changeantes, importance du juridique, de l'environnement », insiste Frédéric Viet. Ce polytechnicien de formation qui gère les 110 navires en propriété sur les 360 navires en flotte et quelque 4 000 marins avec 1 800 officiers dont 300 Français (l'essentiel provenant des écoles d'officiers de Croatie, de Roumanie et des Philippines), met également l'accent sur la formation continue. Un souci dans la carrière des officiers. Daniel Louedec chiffre entre 1 200 à 1 500, le nombre de stagiaires qui passent chaque année par son école et parle « d'un flux permanent d'officiers français et étrangers ».

de l'aérien

Frédéric Viet tire le constat. « Il faut 15 ans pour être nommé capitaine. 98 % de cette expérience s'acquiert à bord ». Aussi le 3ème armement mondial est allé chercher dans l'aérien le modèle de sa formation interne. Pas seulement avec les stages de simulation qui se multiplient avec les plates-formes informatiques : « Le shiphandling et les exercices de crise permettent de se préparer à un navire qui n'est pas encore en flotte ». « Il s'agit aussi de former par l'exemple, par la pratique. Des commandants réputés pour leur expérience vont servir de référent. En choisissant parmi les plus reconnus, la formation gagne en crédibilité. Ils continueront à être à bord et enseigneront. Ils sont à la fois les gardiens du standard et veillent à son application ». Pour le responsable de la flotte en propriété de la CMA CGM, l'important n'est pas tant de savoir si « les navires dispersés sur les océans du globe sont bien armés », mais « de garantir un standard, l'application de l'approche procédure ». Un peu auparavant, il avait évoqué la nécessité « d'une dimension presque militaire, hiérarchique à expliquer aux jeunes officiers ».

Le pragmatisme de la formation se double d'un autre « rôle clé » : « l'intégration bord-terre ». La notion est devenue centrale. Comme pour les ports, l'avenir des officiers se jouerait à terre. Pas seulement parce qu'un jour ou l'autre, ils sont appelés à quitter la navigation pour rejoindre la terre où ils occuperont des rôles de managers, de spécialistes ou d'experts. « Il ne peut pas y avoir de coupure entre le navire et la terre. Il faut lutter contre l'éloignement, apprendre à se connaître », insiste Frédéric Viet.

Quand les officiers mettent sac à terre

Les officiers français mettent-ils de plus en plus tôt sac à terre ? On ne dispose pas encore de statistiques fiables. Pour Olivier Varin, il y a toujours eu « des évaporations ». « Il existe trois catégories chez les officiers. Les purs navigants, ceux qui à 35 ans sont atteints par le syndrome du 2e enfant et enfin, ceux qui sont venus chercher une formation et qui effectueront toute leur carrière à terre ». Frédéric Viet assure à partir de son expérience que « la moitié d'une promotion à 30-35 ans souhaite se baser à terre ». « Je ne sais pas dire s'il y a une tendance qui s'accélère, mais de toute façon il y a des besoins en shiphandling, experts en sécurité, en juridique ». Quant à Daniel Louedec, le directeur de l'ENMM pense que « comme tout le monde, les officiers sont appelés à connaître plusieurs métiers ».

Quelles raisons conduisent aujourd'hui les officiers à quitter le bord ? Un ex-navigant de la CMA CGM évoque le changement dans les équipages qui font « qu'on se retrouve seul deux Français à bord, alors que ce n'était pas le cas il y a quelques années ». À la question de savoir si les nouvelles règles engendreraient une surcharge de travail et un effet de fatigue, Frédéric Viet parle « d'un vrai sujet auquel il faut porter attention ». « Le décalage horaire, une charge de travail mal réparti et même l'ennui » sont à prendre en compte. Olivier Varin évoque pour sa part, un système réglementaire qui impose beaucoup d'audits, « on passe des heures à s'autocontrôler et à être contrôlé ».

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