Après OOCL qui regrettait publiquement la course vaine à la part de marché à laquelle se sont livrés les transporteurs maritimes et surtout ses conséquences sur les taux de fret, c'est au tour de Claus-Peter Offen de tirer, la sonnette d'alarme lors du forum Hansa ship finance (LLoyd List du 16 novembre).
L'un des plus importants armateurs allemands non-exploitants de navires a vigoureusement pris la défense des KG, reprochant aux transporteurs conteneurisés, dont certains sont d'importants clients à l'image de CMA CGM ou MSC, de s'être trompés dans l'estimation des besoins en navires neufs. Il souligne que plus de 80 % des porte-conteneurs neufs de plus de 3 000 EVP ont été commandées par une seule compagnie maritime, sans préciser la période de référence, ni de nom. « Il y a une forte concurrence entre les transporteurs pour conserver leur part de marché. Ce ne sont pas les 20 % restant qui sont à l'origine des graves problèmes dans lesquels se trouvent les transporteurs maritimes », ajoute-t-il ; précisant que lui-même n'a plus commandé un seul porte-conteneurs depuis 2007.
Claus-Peter Offen reconnaît toutefois qu'il y a de fortes surcapacacités disponibles et que les armateurs ont commandé trop de nouveaux navires. Mais sans la crise économique et la chute de la demande de transport qui en résulte, il y aurait simplement un habituel retournement de cycle économique, souligne Claus-Peter Offen. « Nous ne sommes pas responsable des baisses de volumes ».
Comme son homologue Peter Döhle, Claus-Peter Offen a demandé le soutien du gouvernement allemand.
Malheureusement, les pouvoirs publics ont rejeté sa demande car l'argent aurait servi à financer des navires construits en Corée du Sud. Claus-Peter Offen précise qu'il avait demandé l'aide du gouvernement car les KG n'ont pas été en mesure de collecter suffisamment de fonds venant d'investisseurs privés (ces fameux dentistes allemands qui ont durant des années, fait rêver le village maritime français). L'effondrement de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers a donné le top d'arrêt dans l'investissement maritime en Allemagne. Les navires commandés se retrouvent dans les comptes de Claus-Peter Offen : « Nous sommes en train de résoudre les problèmes des autres », affirme le dirigeant de Hambourg.
Fin de la crise avant 2016 !
« La crise de la surcapacité sera moins longue que certains le craignent » estime pour sa part, Jochen Döhle, représentant de la maison d'émissions Peter Döhle. « Elle ne devrait pas dépasser 2016. J'espère voir de nouvelles commandes de porte-conteneurs l'année prochaine ». Cependant tous les segments de taille ne seront pas traités de la même façon. Les porte-conteneurs de taille moyenne souffriront le plus longtemps alors que les unités de 4 000 à 8 000 EVP connaîtront la plus forte décote (ce que confirme le graphe d'Alphaliner). Par contre les 1 100 EVP à 1 700 EVP vont probablement voir leur taux de charte-partie remonter le plus rapidement car les nouveaux venus sont moins nombreux que les navires qui sont envoyés à la casse.
Jochen Döhle demande la création d'une « mauvaise banque » qui, avec le soutien du gouvernement et des banques, récupérerait les navires non-financés le temps nécessaire à la remontée des marchés. Une sorte de structure de défaisance temporaire.
On gagne
Le monde maritime européen est diablement efficace : quand tout va bien, il parvient à persuader un gouvernement, les Pays-Bas, par exemple, de plafonner son imposition en instituant la taxe forfaitaire au tonnage. Une idée inspirée par les compagnies grecques, elles-mêmes, formées à l'école américaine des registres de libre immatriculation du type Liberia. Une idée qui se retrouve dans la Rome antique et dans la France de l'Ancien Régime avec l'impôt par capitation. Par effet de contagion, toute l'Europe y passe. Pour lutter à arme égale, avec la concurrence « internationale », l'investissement privé dans le navire arrive à être défiscalisé ; l'exemple historique et probablement le plus abouti étant les maisons d'émissions allemandes. Par effet domino, cette bonne pratique se répand en Europe. Arrive une forte tempête en partie provoquée par l'attitude habituelle et grégaire des compagnies . Et de nouveau, le contribuable est invité à intervenir. En d'autres termes, en période de croissance comme en période de récession, le contribuable doit investir dans le maritime. Quand on aime, on ne compte pas.
En quelques chiffres
Selon la lettre de novembre d'Alphaliner, Claus-Peter Offen dispose de 95 porte-conteneurs représentant une capacité totale de 372 542 EVP. Son carnet de commande s'élève à 31 unités pour un total de 312 204 EVP. En d'autres termes, son carnet de commande représente 84 % de la capacité existante. Il est de plus composé de très grands porte-conteneurs puisque la taille moyenne des navires en commande est de 10 071 EVP. Il est le deuxième armateur non-exploitant dans le monde, en terme de capacité disponible .Toutes les armateurs non-exploitants allemands ne partagent pas la même position. Ainsi le premier d'entre eux, Niederelbe (NSB) avec ses 102 porte-conteneurs totalisant une capacité de 446 825 EVP n'a-t-il que deux porte-conteneurs en commande. Selon le responsable d'Alphaliner, NSB n'est pas ni un armateur non-exploitant, ni une maison d'émission mais plutôt un gestionnaire de navires appartenant à des KG.
Par la capacité de sa flotte, Peter Döhle occupe le 5ème rang des armateurs non-exploitants mondiaux avec 80 unités pour 248 590 EVP. Son carnet de commande représente 59 % de cette capacité avec seulement 20 porte-conteneurs. En clair, il passera d'une taille moyenne de 3 107 EVP à 7 358 EVP.