Au-delà du plus sombre pessimisme

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Est-ce la lumière de la sortie du tunnel que nous apercevons au loin ou celle du phare pour nous guider dans les méandres de la sortie de crise ? La question reste en suspens et sans réponses. Il est difficile de croire que les premiers indices d'un redressement des économies chinoise et américaine seront suffisants pour rebondir. Aucune filière n'a été épargnée par la crise. Et les transports maritimes ont aussi essuyé des tempêtes ces derniers mois. La conteneurisation a vécu des semaines difficiles.

En 2008, le trafic conteneurisé mondial est estimé aux environs de 152 M EVP. Au cours des 20 dernières années, et plus précisément depuis 1990 à 2008, le trafic a augmenté de 430 %, soit une moyenne annuelle de 9,5 %. Parallèlement, le trafic portuaire conteneurisé est passé de 88 MEVP à 530 MEVP, soit une croissance de 500 % sur 18 ans ou encore une augmentation annuelle moyenne de 10,5 %. L'année qui s'achève montre donc une rupture par rapport à ces vingt dernières années.

Dans son étude économique annuelle sur la conteneurisation, le consultant britannique Drewry estime que « 2009 a été la plus mauvaise année jamais enregistrée dans cette filière ». Un constat bien sombre dont les prévisions ne sont guère mieux. En effet, en 2009, Drewry prévoit une diminution de 10,3 % de la demande globale. En 2010, la croissance ne devrait pas dépasser 1 %.

Une diminution de 15 % sur Europe Asie

Les relations maritimes Europe-Asie ont enregistré de 2006 à 2008, une croissance continue. Sur les huit premiers mois de 2009, les relations Europe-Asie ont perdu plus de 2 M EVP dans les deux sens (eastbound et westbound compris), soit une diminution de 15 %. Une donnée qui va porter à conséquence pour le trafic portuaire. Le consultant britannique prévoit jusqu'à une perte de 27 MEVP dans les ports concernés par cette relation. Cet exemple ne prend pas en compte les impondérables de l'économie maritime et notamment pas les hausses du prix du baril. Dressée en été, l'étude de Drewry n'a pu observer les premiers effets de la saison haute en Transpacifique. Il reste que le ratio entre l'offre et la demande s'établit pour 2009 aux alentours de 83,5 points, quand, au premier trimestre 2007, cette donnée atteignait 102 points, soit une demande plus forte que l'offre. La dégradation de ce chiffre n'est pas finie selon Drewry. En 2010, ce ratio ne devrait pas être supérieur à 76,9 points. Au total, compte tenu de la crise économique, Drewry estime que les pertes économiques pour le secteur de la conteneurisation devraient franchir des sommets avec un « trou noir de 20 Md$ ».

Dans ce contexte, les armements ont appliqué des stratégies diverses. Ils ont opté de mettre à l'ancre des navires ou, réduire les vitesses des navires, encore, annuler les commandes des navires. Des armements comme ZIM, CMA CGM ou encore APL ont revu leurs carnets de commandes avec les chantiers du monde entier. Le lien de cause à effet ne s'est pas fait attendre et bon nombre de chantiers ont commencé à se retrouver avec plusieurs navires sur les bras sans trouver de nouveaux acquéreurs. Cette crise économique de 2008 a aussi soufflé sur les conditions sociales de bon nombre de sociétés. Drewry note qu'une partie du « personnel avec une grande expérience de ce milieu » se retrouve au chômage. Les difficultés économiques des sociétés ont amené les dirigeants à se séparer d'une partie de leurs salariés, « un phénomène plutôt négatif », pour le consultant britannique.

Pas de rentabilité saine

Au cours des cinquante années d'existence du transport maritime conteneurisé, considérant que les premiers transports se sont réalisés en 1956, ce marché a démontré « que de nombreuses sociétés ont pu croître avec des périodes de boom économique. En revanche, elles n'ont pas su faire preuve d'une rentabilité forte et saine. »

Le transport conteneurisé a pour corollaire des coûts fixes élevés. Dans ces conditions, les armements sont toujours face à des difficultés pour accepter des baisses de taux de fret pour assurer un niveau de remplissage minimum. Selon le consultant britannique, la décision des armateurs d'accepter ces baisses de taux de fret pour continuer à préserver leur part de marché est à double tranchant. Ils peuvent aussi être alors contraints de transporter des boîtes ne couvrant même pas leurs coûts variables. Et dans la même veine, les chargeurs ne sont pas toujours à la recherche des prix les plus bas. « Ils recherchent avant tout de la compétitivité et donc une stabilité des taux », indique Drewry. Début 2009, un dirigeant de Mærsk Line déclarait à Reuters que les « lignes Asie Europe sont celles qui sont les plus concurrentielles parce que la plupart des nouveaux navires sont les plus larges et les mieux adaptés à cette liaison. Nous y sommes forts et nous souhaitons conserver nos positions peu importe ce que nous devrons faire. » Six mois plus tard, en juin, le même dirigeant déclarait auprès de Bloomberg qu'accepter des taux de fret bas créerait une spirale descendante encore plus forte. « Nous allons réduire nos coûts et améliorer nos relations avec les clients plutôt que d'entrer dans une concurrence féroce et prendre des boîtes à nos concurrents. » Une position qui a radicalement changé en raison de l'importance de la crise. Ainsi, chaque armement a cherché à réduire ses coûts sur des postes : réduction de vitesse pour consommer moins de fioul, augmentations des escales pour rentabiliser au mieux les lignes, parfois réduction de personnels dans certaines agences. Mærsk n'est pas le seul dans ce cas et les grands armements ont tous eu leur lot pendant ces mois.

Il reste des niches et l'adage « small is beautiful » prend désormais tout son sens, selon Drewry. À titre d'exemple, Drewry cite les cas de ACL opérant des trafics en roulier sur l'Amérique du nord ou encore de Nile Dutch sur l'Afrique de l'ouest. Deux armements qui tirent leur épingle du jeu dans ce contexte difficile de crise.

Aujourd'hui, la crise semble être derrière nous. Déjà en juin, le directeur général de l'armement PIL (Pacific International Line), SS Teo, déclarait que « le fond a été touché pour le monde du transport conteneurisé. Le retour à la croissance va prendre du temps. Les augmentations et restaurations de taux de fret seront couronnées de succès dans les prochains mois. » Une analyse qui ne s'avère pas toujours exacte. Les hausses des taux de fret ne sont pas si importantes que les armements l'ont demandé Des signes d'une reprise se font jour, notamment en Amérique du Nord. Même en France, les derniers chiffres publiés montrent un retour à la croissance, faible mais qui vient enrayer les mois de décroissance. En Asie, et notamment en Chine, les industriels reviennent sur le marché international pour acheter des matières premières. Tout semble reparti. Les chiffres publiés L'ELAA (European Liner Affair Association, association regroupant les armements de lignes) dans sa dernière édition des statistiques, à savoir à fin septembre, montrent un tassement de la décroissance au troisième trimestre. Ainsi, les exportations européennes vers l'Asie sont en hausse de 10 % par rapport à 2008. À la lecture de ces données économiques, il apparaît que sur les trois premiers trimestres de l'année, les trafics conteneurisés ont baissé mais avec une atténuation de la courbe au cours du mois de septembre. Quant aux taux de fret, ils sont en hausse depuis le mois d'avril et de mai selon les lignes, indique l'association d'armateurs. Ces signes de reprise ne doivent pas cacher la réalité. Des navires de grande taille, à l'image du CMA-CGM-Christophe-Colomb, entrent sur le marché. Ces unités de 13 000 EVP viennent encore déséquilibrer un marché en pleine convalescence. Des navires demeurent à l'ancre et attendent un retour à l'activité. Si la reprise est au rendez-vous, l'arrivée de nouvelles cales sur le marché est un handicap à surmonter. Les demandes adressées par certains armateurs dans le vrac d'une régulation de la flotte par les professionnels devraient se décliner dans le monde de la conteneurisation.

Pour les économistes, les principales craintes viennent des gouvernements. Un retour au protectionnisme ne permettrait pas de résoudre la crise ni de relayer la croissance. Depuis sa naissance en 1956, la conteneurisation a vécu des heures de croissance. Cette crise a posé de nombreuses interrogations sur la gestion à tenir pour les prochaines années.

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