Protection contre la piraterie et le terrorisme maritime

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La gendarmerie maritime et le Groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIN) ont présenté leurs points de vues et missions au cours du colloque « Sûreté Maritime & Portuaire », tenu à Nantes le 22 octobre.

La piraterie maritime est potentiellement mortelle, mais le risque statistique est faible avec 0,5 % de navires attaqués dans le golfe d'Aden en 2008, a indiqué le colonel Dominique Duval, No 2 du commandement de la gendarmerie maritime. « Le principe de précaution impose la dimension humaine, dit-il, sans négliger les enjeux politiques et les conséquences économiques ». Selon lui, il faudrait 45 frégates et 8 avions de patrouille maritime pour couvrir cette zone à risques, qui représente cinq fois la surface de la France avec 500 bateaux rapides sur place et dont 10 sont effectivement des pillards. Le rayon de dangerosité d'un navire attaqué est de 200 m, capacité du lance-roquettes RPG7 qui perce des blindages de 26 mm à 70 mm. Le dispositif de protection embarquée consiste à détecter, alerter, dissuader et repousser l'agresseur si nécessaire. Quant aux pirates neutralisés en haute mer, l'article II de la convention de Bruxelles oblige à porter assistance à toute personne en détresse, même ennemie. « Les responsabilités du commandant du navire sont énormes », souligne le colonel Duval, l'emploi des armes nécessite un savoir-faire complexe qui doit rester réservé à des spécialistes militaires ou privés ». L'État étant partenaire de la sécurité des entreprises, les équipes de protection embarquées, comme dans le cas des thoniers français au large des Seychelles, interviennent sur ordre du chef d'état-major des Armées et selon des règles d'engagement strictes.

Le plan Piratemer

La menace en mer se présente sous deux formes, à savoir le terrorisme et la piraterie crapuleuse, a expliqué un officier du GIGN. L'action de ce dernier se situe essentiellement sur le segment terroriste et la libération d'otages pour la piraterie.

Dans les deux cas, la prévention et la riposte nécessitent des moyens militaires. Cette opération de police, dénommée « plan Piratemer » est placée, en France, sous l'autorité du Premier ministre, qu'il peut déléguer à un ministre, et son représentant en mer, le préfet maritime. Le plan définit des mesures de vigilance et d'alerte («alerte piratemer ») et de riposte («intervention piratemer »). Il vise à préserver l'intégrité des passagers et des membres de l'équipage pris en otages, à respecter les recommandations du droit international et de l'ISPS et à manifester de la fermeté vis-à-vis des pirates et des terroristes. Il s'applique : dans les eaux intérieures ou territoriales quelle que soit la nationalité des navires ; en haute mer avec autorisation de l'État concerné pour les navires étrangers ; en zone économique exclusive pour les navires battant pavillon français et les intérêts français menacés ; dans les eaux territoriales de certains pays avec leur accord.

Le terrorisme maritime, susceptible de se produire surtout dans le bassin méditerranéen et la zone Atlantique, est devenu d'une violence inouïe. Il peut prendre quatre formes : prise d'otages massive, comme le détournement de l'Achille-Lauro en 1985 ; emploi d'un méthanier comme bombe cinétique ; exploitation de la cargaison dangereuse d'un navire-citerne ; navire banal « torpille » avec des terroristes prêts au suicide. En cas de crise, l'autorité politique met en oeuvre une cellule gouvernementale. Sur zone, le commandement se compose de l'autorité administrative, d'un état-major tactique pour les unités de fusiliers marins et commandos (Alfusco) et du GIGN et enfin d'une cellule pour les négociations. La gestion de la crise nécessite des moyens importants de projection aérienne et navale jusqu'à 10 000 km, des capacités d'acquisition du renseignement et enfin des vecteurs aériens, nautiques et sous-marins pour les commandos de Marine et le GIGN. Comme la crise risque de durer, il faut prévoir un soutien médical, un effectif d'une centaine de commandos et de quoi assurer notamment le suivi judiciaire.

Selon le GIGN, une crise suit un cycle. L'événement entraîne immédiatement des conséquences médiatique, économique, politique et environnementale. Piratemer est déclenché et des négociations sont engagées avec les terroristes maritimes. Une solution aboutit ou non. S'ensuivent le recueil et le secours aux victimes ainsi que les procédures judiciaires. Une fois la situation redevenue normale, ont lieu le « debriefing » et le retour d'expérience en vue d'une veille opérationnelle, avec entraînements interarmées et recherche et développement de nouveaux moyens techniques.

La piraterie crapuleuse, fréquente hier dans le détroit de Malacca et aujourd'hui dans les golfes de Guinée et d'Aden, répond à une logique économique et financière. La population locale, pauvre, en tire les enseignements et s'enrichit avec des outils et des modes d'action adaptés.

Pour y parer, le plan Piratemer met régulièrement à jour la documentation sur les navires marchands avec l'aide des armateurs, anticipe des modes d'action et entreprend des recherches avec les sociétés d'audit de sûreté. Un détournement de navire par des pirates a immédiatement un impact économique. Un jour de retard peut coûter en effet jusqu'à 1 M$, sans compter la rançon pour la libération du navire et de son équipage. Si l'État intervient, un arbitrage a lieu entre le versement direct de la rançon et la prolongation de la crise. En outre, la mobilisation des moyens dépend de la distance et de la taille de la cible. La base militaire de Djibouti présente un atout majeur, en complément des forces américaine (CTF151), européenne (Atalante) et de l'Otan dans le golfe d'Aden. Cette stratégie offensive pourrait amener les pirates à modifier leur tactique, comme le débarquement des otages à terre où il sera plus difficile de les récupérer.

Le GIGN recommande des mesures de sûreté passive : éviter les facteurs de tentation (argent et objets de valeur) et vigilance technique (multiplication des obstacles anti-intrusion). Enfin, il préconise l'intégration aux convois et, en cas d'attaque isolée, la navigation par embardées pour éviter l'abordage.

L'alarme automatique d'ASV

Selon les statistiques, la plupart des attaques ayant abouti à une prise d'otages ont bénéficié de l'effet de surprise. Or, il est difficile d'assurer une veille efficace pendant plusieurs semaines, de jour comme de nuit, à bord des grands navires marchands. De plus, leurs dimensions et la géométrie des superstructures et de la cargaison rendent très difficile une vision permanente des abords du navire. La société Automatic Sea Vision (ASV) a alors mis au point un système d'alarme automatique permettant de gagner de précieuses minutes avant l'attaque. Son représentant Philippe Waquet estime que ce système dote les navires d'une capacité d'alerte totale, de jour comme de nuit. Des caméras thermiques infrarouges détectent les agresseurs à plusieurs km et mettent en oeuvre deux dispositifs : pointage automatique d'un projecteur éblouissant et déclenchement d'une sirène d'alarme qui annulent l'effet de surprise, atout principal des pirates. L'équipage a le temps de se mettre à l'abri et de prévenir les forces navales sur zone. Enfin, il peut modifier le cap et la vitesse du navire, pointer les canons à eau et déclencher les dispositifs de protection comme les barrières et le confinement. Cela implique une formation préalable et un entraînement régulier de l'équipage. « On peut donc affirmer que ces moyens d'alerte permettront d'éviter d'avoir à envisager l'embarquement et l'utilisation d'armes à bord des navires de commerce », conclut Philippe Waquet.

Un arsenal juridique contre la piraterie

À l'occasion du 3ème colloque international sur la sûreté maritime et portuaire, Tullio Treves, professeur de droit international à l'université de Milan, a rappelé l'arsenal juridique dont disposent les États pour lutter contre la piraterie. En premier lieu, la Convention des Nations Unies sur le droit de la Mer, dite Convention Montego Bay de 1982, défini la piraterie, dans son article 101, comme « toute action illégale de violence ou de détention, commise à titre privé par l'équipage ou les passagers d'un navire ou d'un avion (en haute mer à l'encontre de personnes ou de propriété à bord d'un navire ou d'un avion. » Cette définition, a précisé le professeur, ne s'adresse que pour les actes en haute mer et entre deux navires. L'article 105 de la même convention stipule que tout État qui capture un navire pirate peut le juger selon ses lois ou déferrer les occupants auprès d'autres juridictions. Ce texte a été complété en juin et décembre 2008, par des résolutions du conseil de sécurité de l'ONU. Elles viennent compléter les règles de la convention de Montego Bay. Elles permettent aux navires d'intervenir dans les eaux territoriales de la Somalie et autorise la poursuite dans ces eaux des navires.

Si ces textes limitent l'intervention dans les eaux territoriales au cas de la Somalie, Condolezza Rice, secrétaire d'État de l'administration Bush a rappelé en décembre que « la communauté internationale dispose de tous les éléments pour poursuivre en justice les pirates. » La solution est bien évidemment juridique. Ainsi, un cas pratique s'est posé en septembre. Le 17, des pirates ont été capturés par un navire danois. Que faire de ces personnes. Soit les danois remettaient les pirates aux autorités locales et ils étaient passibles de la peine de mort. Une situation que la loi danoise rejette. Il n'est pas possible d'extrader une personne du Danemark dès lors qu'elle est passible de la peine de mort. Les juger au Danemark et les renvoyer en Somalie exécuter leurs peines ? Aucune garantie sur le respect des droits de l'homme n'a été apporté par le gouvernement somalien. La solution a donc été de les relâcher sur une plage somalienne. Un cas similaire s'est présenté quleques jours plu stard de pirates capturés par une unité britannique. Le ministère des affaires étrangères a demandé la libération des pirates pour éviter toute violation des droits de l'homme. Une partie de la réponse à ce problème vient d'une convention signée entre l'Union européenne et le Kenya qui s'engage, dans le respect de certains droits, à juger et faire exécuter sur son territoire, les pirates capturés. Une autre partie de la réponse est politique. La volonté des gouvernements de vouloir une réponse effective à cette situation pourrait combler les brèches juridiques.

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