Si l'activité sidérurgique montre de timides signes de reprise en Europe occidentale, les professionnels du secteur ne parlent pas encore de sortie de crise. Ainsi, Lakshmi Mittal confiait récemment au Financial Times que la reprise dans la sidérurgie serait « lente et progressive ». Et les redémarrages de hauts-fourneaux en Lorraine, à Gand, Brème ou encore Fos, laissent sceptiques les professionnels du transport notamment dans le secteur fluvial. Ces derniers ont vu leurs trafics chuter considérablement, à l'image de la Somef (Société d'opérations maritimes et fluviales), filiale de la CFNR et d'ArcelorMittal, fortement touchée par la mise en sommeil de la sidérurgie liégeoise ou encore de la société Transest en Lorraine. Selon les prévisions de la Commission centrale pour la navigation du Rhin, le trafic de minerai sur le fleuve devrait reculer de 30 à 60% en 2009, tandis que VNF soulignait que sur la Moselle, dans sa partie française, les trafics de minerai/ferrailles avaient chuté de 72 % au premier trimestre 2009.
À cette réduction des volumes s'ajoute une chute des tarifs des frets qui achève de mettre en difficulté les entreprises de batelerie. Ainsi, Johannes Merkert, président de Transest, une filiale du groupe Imperial-Reederei basée en Lorraine, pointe le risque de voir disparaître des entreprises : « Les frets ont chuté de 14¤ par tonne en décembre 2007 au moment où les prix des ferrailles étaient au plus haut, à 3¤ actuellement. Résultat : Dans certaines entreprises de batellerie, c'est quasiment la banque qui gouverne le bateau.»
Pour Georges Di Lallo, chargé des questions de transport au sein d'Eurofer, l'association des sidérurgistes européens et de la FFA (Fédération française de l'acier), «on peut affirmer qu'en France les chiffres sont meilleurs qu'au début de l'année, mais le niveau de production demeure médiocre. En résumé, nous sommes passés d'une baisse moyenne de 50 % par rapport à 2008 à une baisse de 35 %. Certes, la situation s'améliore, en partie grâce à la prime à la casse lancée par le Gouvernement, cependant l'activité demeure très en deçà des prévisions annoncées pour l'automne.» Au deuxième semestre, la production européenne d'acier devrait grimper de 4,7 %, selon les chiffres de la World Steel Association et de 15% au quatrième trimestre par rapport au trimestre précédent. En Allemagne, seul ArcelorMittal avait programmé le redémarrage de son haut-fourneau à Brème, alors que cinq autres fours demeurent en sommeil. En Belgique, les deux hauts-fourneaux de Liège demeurent à l'arrêt, tandis qu'à Gand, le second haut-fourneau du site Sidmar a repris du service cet été. Dans l'ensemble ArcelorMittal devrait avoir relancer huit unités d'ici à janvier 2010.
Rappelant qu'en France, la part modale du fluvial dans les transports liés à la sidérurgie avoisine les 3 %, contre 55 % pour le fer et 42% pour la route, Georges Di Lallo estime que les marges de progrès pour la voie d'eau restent étroites : « Certes, le canal Seine-Nord peut intéresser des groupes comme Riva, mais la part du fluvial ne dépassera pas les 4,5% dans l'Hexagone. » Selon le président de la commission transport d'Eurofer, les enjeux portent davantage sur le transport ferroviaire, où « la concurrence demeure inexistante. Veolia s'est désengagé et Euro Cargo rail (filiale de la compagnie britannique DB Schenker Rail UK, Ndlr.) rencontre ses premières difficultés. De plus, la réforme du système de wagon isolé de fret SNCF, qui représente 50% des trafics de la sidérurgie pénalise fortement le secteur. » C'est pourquoi, le responsable d'Eurofer estime que les chargeurs doivent mener une réflexion prospective pour devenir opérateur ferroviaire. Un peu à l'image de CFL Cargo, filiale commune de fret ferroviaire des Chemins de fer luxembourgeois (CFL avec 66 % du capital) et d'ArcelorMittal (avec 33 %). Enfin, évoquant les 7 Md¤ d'investissement de l'État français pour développer le fret ferroviaire, Georges Di Lallo regrette l'absence de mesures pour « relancer les installations de terminaux embranchés fer chez les chargeurs, accélérer le processus de développement de voies dédiées au fret et trouver un système de wagons polyvalents permettant de réduire les retours à vide. »
Parallèlement, dans son rapport « Transports fluviaux » d'avril 2008, l'association Eurofer souligne l'importance de développer les acheminements par voie d'eau dans le secteur de la sidérurgie. Elle cite la qualité de services, les atouts environnementaux et l'engagement de la Commission européenne à redynamiser ce mode de transport, mais pointe les problèmes structurels du secteur et le manque d'investissements dans les infrastructures. Le rapport rappelle que « les jeunes générations ne prennent plus la succession de leurs parents au sein de l'entreprise familiale et le nombre de mariniers décroît constamment, tandis que la moyenne d'âge augmente ». Elle souligne également que « l'accroissement des difficultés à investir dans de nouveaux bâteaux affaiblit le potentiel de la voie d'eau et ralentit la modernisation de la flotte. »