Courant de quai : une solution qui ne s'impose pas d'elle-même

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En une centaine de pages, AJI-Europe/EFEC Consultants fait un tour contrasté d'un vaste sujet. Si la lettre de mission n'est pas diffusée, les objectifs de l'étude remise en juin, sont les suivants : « comprendre la nature et l'intensité des différents enjeux en tenant compte du contexte français ; caractériser les avantages et les contraintes de toutes natures que » le branchement électrique des navires à quai « impliquerait sur les différents profils d'acteurs concernés et en déduire l'opportunité d'une politique de développement de ces pratiques en France ; déboucher sur une synthèse et sur des propositions concrètes destinées à alimenter le débat sur les instruments de réduction des émissions atmosphériques et sur l'amélioration de l'efficacité énergétique du transport maritime ».

Les rouliers et les ferries : les premiers clients probables

La non-utilisation des groupes électrogènes des navires dans les ports, générateurs de bruit et d'émissions nocives,passe dans un premier temps par le branchement des ferries et des purs rouliers, au moins en Europe. En effet, les ferries, gros consommateurs d'énergie, « font des escales régulières et fréquentes, accostant généralement au même quai, souvent proche des centres-villes (Göteborg et Lübeck). Certains ont toutefois des temps d'escale incompatibles avec l'utilisation du courant quai » car, par exemple, les ferries en ligne entre Calais et Douvres ne restent à quai qu'entre 20 et 40 minutes. Or, soulignent les consultants, il faut entre cinq et quinze minutes pour « brancher » le navire selon les systèmes utilisés.

Moins gourmands en énergie, les « purs » rouliers effectuent des escales généralement plus longues que les ferries.

« Pour ces deux catégories de navires, l'enjeu du courant quai est particulièrement élevé dans l'Union européenne car le cabotage maritime et les trafics de ferries sont très développés du fait de la présence de mes intérieures (Baltique, mers du Nord... et du fait des trafics vers les îles (Grande-Bretagne, Corse... » concluent les auteurs.

Les paquebots ont des besoins énergétiques tellement élevés qu'envisager, actuellement, de les brancher à quai poserait des gros problèmes d'alimentation dans certaines régions.

Pour diverses raisons, les autres types de navires sont, dans un premier temps, peu concernés par ce dispositif, au moins en Europe. Un point de vue que les ports de Californie pourraient ne pas partager.

Dix-sept propositions d'actions

AJI-Europe/EfEC Consultants soumet donc aux pouvoirs publics, dix-sept propositions d'actions (non hiérarchisées et sans calendrier) afin d'une part «d'alimenter le débat» comme demandé, et d'autre part «d'identifer les leviers à privilégier pour favoriser le développement du courant quai dans les ports français». Portant sur le court et/ou moyen et long terme, ces propositions sont organisées en six domaines d'actions dans cet ordre : l'offre d'équipements et les systèmes intégrés de courant quai; l'organisation de la fourniture de courant; l'aide à l'investissement; l'optimisation des conditions de fourniture de courant; les enjeux environnementaux à court et moyen terme/innovation technologique; et la coopération.

Rien n'est simple dans ce dossier: les tensions à délivrer sont variables (de 110 V jusqu'à 6600 V) ainsi que les fréquences (50 Hz ou 60 Hz); la forme des prises électriques est laissée à l'appréciation de celui qui voudra bien s'en occuper. Faut-il descendre un câble électrique du navire sur le quai ou monter un cable du quai sur le navire? Faut-il mieux utiliser l'électricité fournie par le réseau ou la produire soi-même? Comment coupler le navire au réseau sans faire s'effondrer le second? Peut-on faire autrement, sans branchement électrique, mais en traitant les fumées par exemple et/ou en injectant de l'eau dans les moteurs? De quoi parle-t-on exactement en termes de tonnes de polluants? Quelles conséquences sur qui ou quoi? Qui paie?

Sans surprise, les consultants recommandent donc « d'accélérer le processus d'officialisation de la norme ISO/CEI relative aux systèmes de courant quai de moyenne tension». Dans la foulée, il est question de «favoriser la constitution d'offre compétitive en matière d'équipements et de systèmes intégrés de courant quai ». Les équipementiers sont invités à s'y mettre.

Enfin, il est recommandé aux syndicats professionnels de «promouvoir l'accès à une information exhaustive et objective sur l'offre existante d'équipements et de systèmes intégrés de courant quai». Un guide d'achat présentant équipements et fournisseurs serait le bien venu.

En ce qui concerne la fourniture de l'électricité, pouvoirs publiques et organisations professionnelles sont invités à « formaliser le cadre organisationnel de l'exploitation du courant quai dans les ports »: quelles sont les différentes configurations? Qui fait quoi précisément entre les autorités portuaires, les fournisseurs d'électricité, les gestionnaires de terminaux et les armateurs en matière d'investissement et d'exploitation? Une fois cela déterminé, il serait judicieux de « favoriser la mise en place de contrats en cascade entre ces différents acteurs ».

Naturellement vient l'aspect financier du dossier. Il s'agit d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur « l'assistance financière à la réalisation d'études de faisabilité afin d'aider les ports à optimiser leurs choix technologiques », puis « d'aider au financement des investissements de courant de quai » soit par une aide publique, soit par un mécanisme de compensation, notamment, de l'armateur si ce dernier branche effectivement ses navires à quai. Bien sûr, il est également question d'obtenir de la Commission européenne quelques aides financières.

Soucieux de préserver l'avenir, les consultants recommandent de « définir les modalités optimales de tarification du service de courant quai pour les navires ». Il s'agirait de réaliser un guide des modalités envisageables pour la tarification de l'électricité pour les navires à quai.

Les fournisseurs d'électricité sont invités à «prendre des initiatives concrètes pour développer le marché du courant quai et proposer des tarifs attractifs pour le kWh «réseau» ».

Arrive (enfin) une question qui mériterait peut-être d'être traitée en priorité: « Quantifier précisément les émissions polluantes et de CO2 des navires à quai dans les ports français. En déduire le potentiel de réduction à court et moyen terme. Quantifier précisément la part relative des émissions polluantes et de CO2 des navires à quai dans le total des émissions de chaque port concerné », en distingant les différentes phases d'exploitation du navire (approche portuaire, mise à quai et opérations à quai) et les émissions des installations portuaires de celles des zones industrielles attenantes. Ports de France et Armateurs de France sont invités à mener ces études qui semblent être essentielles.

Le problème des particules d'origine marine est en passe de connaître une nouvelle actualité car c'est en 2010 que sera terminé « l'inventaire national spatialisé des émissions » de polluants atmosphériques.

«On estime que les particules produites par le transport maritime sont responsables d'environ 60 000 décès par an dans le monde. Elles représentent probablement le principal souci de santé publique causé par les émissions des navires», écrivent les auteurs de l'étude.

Les pouvoirs publics, les deux pôles de compétitivité «mer», l'Ademe, la Commission européenne et l'industrie sont invités à «stimuler la R&D relative aux solutions alternatives au courant quai». Il s'agit par exemple, d'étudier les avantages et les contraintes de l'utilisation des fiouls «propres», du traitement des émissions, voire de l'utilisation du GNL en lieu et place du fioul.

Au sujet de l'utilisation de fioul à très basse teneur en soufre (moins de 0,1% obligatoire dès 2015 pour les navires exploités dans les zones à émissions d'oxydes de soufre réduites, soit, à ce jour, la Baltique et la mer du Nord), il est recommandé «d'analyser les enjeux, les contraintes et les solutions envisageables pour effectuer la transition des raffineries vers la production de ce produit». En effet, pour arriver à produire ce combustible qui est essentiellement composé de distillats, il faudrait investir de l'ordre de 400 Md$ dans le monde. Ce que semblent exclure les raffineurs. La surcharge combustible transférée aux chargeurs n'a pas fini d'occuper les esprits.

Les ports et les armateurs français sont invités à « développer les échanges d'expériences et d'informations entre les ports français, les opérateurs portuaires et les compagnies maritimes afin de partager les meilleures solutions technologiques et organisationnelles ». Les mêmes doivent « accroître le degré d'implication des acteurs français dans les programmes de coopération internationale en cours dans le cadre de la «World Port Climate Initiative»».

Il est également question « d'évaluer les performances des ports français (entre eux et par rapport aux ports étrangers) en matière de courant quai ».

Enfin, les pouvoirs publics doivent « inciter l'OMI à s'impliquer davantage dans le domaine de la réduction des émissions polluantes des navires à quai ».

Cette étude devait faire l'objet d'une présentation officielle de la part du ministère chargé des transports et de l'environnement (direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, DGITM); idée qui n'a finalement pas été retenue. De sorte que la suite réservée à celle-ci reste à déterminer. Christian Delavelle d'AJI-Europe estime qu'il est improbable que les pouvoirs publics s'arrêtent là compte tenu des pressions nationale, européenne et mondiale qui s'exercent sur ces sujets. D'autant que la DGITM vient de désigner le consultant chargé de l'étude sur les émissions gazeuses générées par le passage portuaire de la marchandise. Elle devrait être disponible avant l'été 2010 (voir encadré).

identifier et à inventorier l'ensemble des sources d'émissions gazeuses CO2, SOx et NOx produits lors du passage portuaire des navires de commerce

Étude énergétique et environementale du passage portuaire

Le ministère de l'Ecologie cherche à «

». Ce qui permettra de construire un outil applicable aux ports français. Par la suite, il faudra «analyser les émissions de particules» et construire un «modèle pour évaluer les émissions dans les sept grands ports maritimes français» (quid des autres?). Deux points de vue sont à prendre en compte : celui du navire qui sera à analyser entre l'arrivée du pilote à bord et son débarquement à la sortie; et celui de marchandise, depuis «bord navire» jusqu'à «sur moyen d'évacuation terrestre» et inversement. Tous les types de transport maritime sont à prendre en compte (conteneurs, vracs sec et liquide, roulier et passager) ainsi que tous les émetteurs de polluants (navire de charge, remorqueur, pilotine et engins de manutention).

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