Journal de la Marine Marchande : Après une année 2008 en croissance et avec la crise économique de ces derniers mois, quel premier bilan tirez-vous à fin août ?
Jean-Pierre Chalus : Notre bilan en terme de trafic est mitigé. Certes, nous enregistrons un trafic inférieur à nos prévisions avec une baisse de 1,1% à fin août mais avec des points positifs. La structure de nos trafics demeure la même depuis plusieurs années avec trois courants dominants : les céréales à l'export, les produits pétroliers raffinés à l'import et les produits forestiers en entrée. Il est intéressant de constater que sur les huits premiers mois de l'année les deux premiers trafics sont en positif. En effet, les céréales ont augmenté de 10%, grâce à la bonne campagne céréalière. Les produits pétroliers ont affiché la même tendance positive.
À l'inverse, tous les autres trafics sont en négatif. Les produits forestiers souffrent par rapport à 2008, qui a été une excellente année. En effet, en 2008 les producteurs de pâte à papier sud américains ont énormèment déstocké. Les ports européens, dont le notre, ont donc été saturé. Aujourd'hui la pâte entre au port mais la demande ayant diminué, elle est stockée. Au final, si nous enregistrons une année en baisse comparativement à l'année dernière, nos résultats sont satisfaisants par rapport à une année classique. Dans les ports du nord de l'Europe, notamment à Flessingue, des magasins sont en cours de construction. Alors, la reprise qui s'annonce pourrait être moins soutenue que prévue.
Les grumes et autres bois connaissent un sort différent. Les trafics sont en baisse mais les modifications du trafic nous laissent de bons espoirs. Nous avons un beau coup à jouer sur ce courant. Dans ce secteur, l'inconnue de l'équation réside surtout dans le paysage industriel local. Derrière cette filière de nombreuses petites entreprises locales doivent faire face à la crise. De leur survie dépend en grande partie l'évolution de ce courant sur notre port. Nous avons connu des concentrations sur La Rochelle et une recomposition du paysage et de la filière.
JMM : À fin août vous n'avez pas atteint vos prévisions. Pensez-vous corriger cette tendance sur les derniers mois de l'année ?
J-P.C : Il est difficile de répondre à cette question tant les paramètres évoluent rapidement. Je ne suis pas sûr que nous finissions l'année sur une baisse des trafics de 1%. Le mois d'août et le début de septembre ont été plutôt bons. De plus, le secteur du bâtiment confirme une reprise de son activité. Enfin, nous nous maintenons sur les céréales et les produits pétroliers. En 2008, nous avons réalisé 7,9 Mt, un chiffre que nous devrions atteindre en 2009.
JMM : La réforme portuaire mise en place par le gouvernement donne un calendrier serré pour l'installation des nouveaux organes de décision. Avez-vous achevé cette étape ?
J-P.C : Le Grand port maritime de La Rochelle a trouvé son équilibre. Les trois principaux organes de décision que sont le directoire, le conseil de surveillance et le conseil de développement sont en place. Le premier, que je préside, est composé de trois personnes. Le président du conseil de surveillance a été nommé en la personne de Xavier Beulin. Enfin, le conseil de développement a été mis en place avec son président Michel Grenot. Ces trois piliers fonctionnent harmonieusement dans l'esprit de la réforme, à savoir avec chacun son rôle. Nous ne sommes pas en cogestion.
JMM : Le second volet de cette réforme porte sur la manutention. Le port disposait de trois mois après l'adoption du plan stratégique pour négocier avec les manutentionnaires les conditions de reprise du matériel et négocier avec les partenaires sociaux les conditions de détachement. Avez-vous réussi à tenir ce calendrier ?
J-P.C : Le plan stratégique a été approuvé le 27 mars. Le dossier est actuellement entre les mains de la Commission nationale d'évaluation. Depuis lors, nous avons été contacté par la Commission pour des compléments d'information, comme elle le fait pour tous les ports. Les 13 grues du port ont toutes trouvées preneur. Cette négociation a montré les différences entre le prix de marché, celui des experts et le montant proposé sont parfois importantes. L'aspect social a aussi occupé une large partie de ces négociations. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec le personnel. Nous leur avons présenté les conditions de détachement. Le schéma de la réforme semble leur convenir. Aujourd'hui les personnels acceptent une certaine flexibilité mais avec parfois une appréhension.
JMM : Les négociations finies, quelles sont les prochaines dates de la mise en oeuvre de la réforme ?
J-P.C : La Commission nationale d'évaluation doit donner son avis le 15 octobre. Après la réception de l'avis, le conseil de surveillance se réunira pour décider de la position à tenir face à l'avis de la Commission. Notre projet présenté prévoit un découplage en cinq lots pour trois acteurs. Notre souhait a été de donner à chaque groupe sa place dans le port en laissant s'instaurer une concurrence saine entre les acteurs. Si la Commission accepte notre proposition, nous pensons pouvoir mettre en oeuvre le réforme dans le courant du second trimestre 2010.
JMM : Le Grand port maritime de La Rochelle change de visage avec des travaux d'infrastructure de grande envergure. Avec ces nouveaux espaces portuaires, quel sera le paysage portuaire rochelais ?
J-P.C : Sur l'Anse Saint Marc, nous avons achevé les travaux. Les terre-pleins sont terminés et une convention d'autorisation d'occupation temporaire sur 11 hectares a été attribuée au consortium Eva, regroupant Maritime Khun et la Sica Atlantique. Les travaux ont été livrés aux opérateurs en juin. Depuis, ils ont déposé des dossiers de permis de construire pour réaliser les aménagements. Ce terminal devrait être opérationnel en octobre 2010, selon le calendrier prévu. Sur ce terminal de l'Anse Saint Marc, cinq hectares demeurent à commercialiser.
Par ailleurs, sur le site de la Repentie, nous allons offrir 35 hectares supplémentaires. Les travaux doivent démarrer à la fin de cette année. Parmi les projets du port il en est un concernant le trafic conteneurs. Si ce projet doit se réaliser, il sera situé sur le site de la Repentie. Il est aussi prévu d'installer sur un terminal à Chef de Baie un terminal à conteneurs. Au total, nous devrions pouvoir atteindre un trafic conteneurisé d'environ 20 000 EVP par an. Dans ce courant, nous devons savoir jouer à notre échelle avec notre hinterland qui est principalement sur la région de Poitou-Charentes.
JMM : Le texte de la réforme portuaire prévoit aussi un volet sur les pré et post acheminements. Quels sont vos projets dans ce domaine ?
J-P.C : Nous sommes devenus propriétaire du réseau ferré, comme les autres Grands ports maritimes. Nous avons injecté beaucoup d'argent dans ce réseau. Nous avons signé une convention avec la SNCF pour la gestion des infrastructures. Cet argent est destiné à améliorer le lien entre l'infrastructure portuaire et le réseau national.
Nous souhaitons créer un opérateur ferroviaire de proximité avec des partenaires. Nous avons un objectif de 10 Mt à l'horizon 2013 et 2015. Nous avons un potentiel important de trafic que nous pouvons transférer sur le ferroviaire. Pour éviter que ce trafic passe par la route, nous devons maîtriser l'action commerciale pour proposer une véritable alternative logistique ferroviaire en combinant les importations et les exportations. Nous avons un équilibre entre l'import et l'export, ce qui représente une chance pour développer ce type d'opérations.