« Plus qu'une crise structurelle, il s'agit d'un retour à une année normale du trafic »

Article réservé aux abonnés

Journal de la Marine Marchande : En 2008, le Port autonome de la Nouvelle-Calédonie a enregistré une baisse de ses trafics. Comment analysez-vous cette situation ?

Philippe Lafleur : En effet, nous avons accusé un repli de nos trafics en 2008 avec une diminution de 6 % à 4,9 Mt. Le Port autonome de la Nouvelle Calédonie demeure malgré tout le premier port ultramarin français. Ce tassement des trafics doit être analysé sur une période plus longue. Sur la dernière décennie, nous affichons une croissance continue. De 2005 à 2007, le port a connu une progression continue pour atteindre 5,28 Mt. La situation de croissance économique exceptionnelle des dernières années a marqué nos trafics. En accusant un tassement en 2008, nous sommes revenus à des niveaux équivalents à 2003. Plus qu'une crise structurelle, il s'agit d'un retour à une année normale du trafic.

Pour revenir sur cette année 2008, la baisse des trafics est essentiellement liée aux trafics de minerais. Nous avons perdu 19,9 % de ce courant. En 2008, les minerais ont totalisé 5,98 Mt contre 7,47 Mt un an plus tôt. Les exportations de minerais ont perdu 26,8 % à 3 Mt et les trafics intérieurs (entre les sites d'extraction vers les usines) perdent 11,4 % à 2,97 Mt. Ce repli des trafics intérieurs tient principalement à un élément conjoncturel. Avec la baisse du cours du nickel, la SLN (Société Le Nickel, filiale d'Eramet) a moins produit et donc moins acheminé de produits vers son usine de Doniambo.

Si le trafic intérieur et les exportations accusent un retrait, à l'importation nous constatons un gain. Avec 1,6 Mt, nous progressons de 6,7 %. Une augmentation dopée par les marchandises générales. Ce courant est révélateur de la santé de l'économie de la région. Notre bonne tenue sur ce courant démontre que l'île n'a pas subi, en 2008, les premiers effets de la crise mondiale. Une grande partie de ces trafics de marchandises générales se compose de conteneurs. En 2008, nous avons traité 86 245 EVP, soit une progression de 3,7 %, dont 52 825 EVP pleins et 33 418 EVP vides.

JMM : Ces chiffres se confirment sur les premiers mois de 2009 ?

P. L : Sur le premier trimestre de l'année, nous accusons un repli dans les mêmes conditions que les autres ports mondiaux. Selon nos premières estimations, nous perdons 15 % sur les trois premiers mois de l'année. À la différence de l'année dernière, tous les types de courants sont affectés par cette baisse. En effet, en 2008, les vracs solides en entrée, destinés aux matériaux de construction, ont tenu le cap. En 2009, ils commencent un repli. Les vracs liquides demeurent stables. Nous constatons que des projets sont suspendus mais demeurent ce qui nous permet de croire en l'avenir.

JMM : En 2003, vous avez élaboré un schéma directeur. Au travers de ce plan, vous aviez prévu de nombreux chantiers. À quel stade de réalisation en êtes-vous ?

P.L : Ce schéma directeur prévoit plusieurs travaux pour adapter le port aux exigences de nos clients. À l'origine, il était composé d'une enveloppe de 6,2 Md FCFP (51,9 M¤). Nous avons rajouté une enveloppe supplémentaire de 2,8 Md FCFP (23,4 M¤). Deux projets essentiels emportent la majorité des investissements prévus, le dragage du chenal d'accès au port et la construction d'un nouveau poste à quai. Sur les accès nautiques, nous sommes en cours de finalisation des études. L'objectif est de porter le tirant d'eau du port à 12,50 m. Cette opération signifie que nous devons draguer le chenal sur trois km de long et 200 m de large. Au final, nous allons extraire 800 000 m3 de rejets.

JMM : Que va-t-il advenir de ces boues ?

P.L : Nous touchons là le coeur du sujet. Si les professionnels portuaires demandent l'approfondissement du chenal pour adapter nos conditions nautiques aux navires de demain, la population et notamment les associations écologiques s'inquiètent de savoir ce qui va advenir de ces rejets. Nous avons deux solutions. La première serait de rejeter ces boues en mer, plus au large. La seconde prévoit un traitement à terre. Dans ce cas-là, il faut aussi prévoir un traitement de ces produits et cadencer les travaux en fonction des capacités de traitement. D'un point de vue financier, la solution de rejet en mer est bien sûr moins onéreuse. Nous examinons les solutions. Nous pensons pouvoir aboutir d'ici à la fin de l'année pour démarrer les travaux en 2010.

JMM : Concernant le poste 8, quel est le calendrier ?

P.L : Le calendrier de la réalisation de ce poste dépend en partie de notre projet de dragage. Dès lors que les opérations de dragage seront assurées, nous entamerons les travaux du poste 8. Les dernières études sur ce projet sont attendues pour le troisième trimestre de cette année.

Il faut souligner l'importance et la corrélation entre ces deux projets. En offrant de nouvelles conditions d'accès nautique et un nouveau poste pour le transbordement, nous adaptons notre port aux besoins de la clientèle. Ces deux projets représentent un investissement de 1,5 Md FCFP (12,5 M¤) à 2 Md FCFP (16,7M¤).

Avec le nouveau poste 8 nous pourrons aussi mettre en place un portique pour le déchargement. Aujourd'hui, les manutentionnaires disposent de trois grues mobiles, deux sont la propriété de Sato et une du GIE Port entre Manucal et Sofrana.

JMM : Ce schéma directeur prévoit aussi une reconfiguration du port avec de nouvelles affectations. Quel sera l'aspect du port dans les prochains mois ?

P.L : Au travers de ce schéma nous avons voulu rationaliser les espaces. En premier lieu, nous allons délocaliser la zone de cabotage, c'est-à-dire les quais utilisés par les armements qui réalisent le trafic entre les îles. Les navires sont actuellement sur le quai de la petite rade. Ils vont déménager en grande rade. La nouvelle zone des caboteurs a nécessité le remblaiement d'un million de m3. Elle sera dotée de deux appontements de 80 m chacun. Au final, elle comprendra quatre postes à quai, deux rampes et une grue. Les deux compagnies réalisant les trafics de cabotage, la Compagnie maritime des îles et la société de transport des îles s'y installeront. L'espace laissé libre en petite rade est actuellement l'objet de nombreuses discussions. La livraison de la zone des caboteurs est prévue pour les derniers mois de 2011.

Encore, la zone des Pêcheries est agrandie. À l'extrémité ouest du port, cette zone va permettre de recevoir le remorquage et le lamanage. Le quai est actuellement en construction. Sur cette extension de la zone des Pêcheries, la station d'épuration achève ses travaux.

Enfin, nous sommes en cours de reconstruction de la station de pilotage. Elle demeurera à Port Moselle mais dans un nouveau local. Celui-ci sera la propriété du port mais il sera loué aux pilotes. De plus, nous procédons à la consolidation du quai des pilotines.

Cette nouvelle configuration du port va nous permettre de gagner des terre-pleins. Nous avons besoin de zones pour entreposer les vracs. Avec la construction du poste 8 sur le Grand Quai, nous allons mordre sur des terre- pleins qui servent aux vracs. Nous devons offrir à nos clients des solutions alternatives. Nous avons procédé à une organisation de l'entreposage des conteneurs. Chaque opérateur a fait un effort pour arriver à un alignement des conteneurs. Un principe que tous les terminaux portuaires appliquent dans le monde. En 2008, nous avons donc créé une zone prioritaire de manutention des conteneurs. Sur la zone, les boîtes sont rangées suivant un alignement perpendiculaire au quai avec, en alternance, deux files de conteneurs pour une file de circulation. Les vides sont stockées aux extrémités et deux zones dédiées à l'enlèvement des pleins permettent une meilleure organisation de notre terminal.

JMM : Ces travaux vont donner un nouvel aspect au port de la Nouvelle- Calédonie. Ces travaux sont essentiellement tournés sur une redistribution des cartes des quais. Avez-vous, dans vos cartons, un projet pour coller aux demandes en logistique ?

P.L : Ce schéma directeur est avant tout une réponse aux besoins de notre clientèle. Nous allons donc construire un nouvel entrepôt pour les transitaires de la place. Les travaux démarreront cette année. Il sera réalisé en deux tranches de 4 500 m2. La première tranche a fait l'objet de nombreux intérêts par les sociétés. La seconde tranche suivra quand nous aurons une demande suffisante.

JMM : L'informatique est une composante importante de la chaîne logistique maritime. En métropole et dans les DOM TOM, les ports se dotent d'outils. Avez-vous aussi le projet de mettre sur pied un système informatique portuaire ?

P.L : Nous avons été approchés par MGI, la société marseillaise pour implanter sur le port le système AP + Ce système est avéré et nous ne pouvons que constater son efficacité. Avant de nous lancer dans un investissement de cette ampleur, nous avons déjà demandé aux opérateurs portuaires ce qu'ils en pensaient. Nous avons reçu le directeur des douanes. Nous regardons avec beaucoup d'attention ce dossier mais avant de nous lancer, nous souhaitons avoir un état des lieux. Quel est le besoin de modernisation de l'informatique portuaire ? En faisant cet état des lieux, nous pourrons aussi voir les points de blocage. Si l'état des lieux établit que ce projet concourt à l'amélioration du port alors nous y regarderons. Ensuite, viendra une phase de discussion sur les modalités de paiement de ce système.

Des chantiers en cours et à venir

Un port se doit d'évoluer continuellement pour s'adapter à la demande. Celui de Nouméa ne fait pas exception à la règle. Un certain nombre de chantiers sont en cours de réalisation et d'autres doivent arriver à un terme plus long.

Les chantiers en cours de réalisation se trouvent principalement avec la construction d'un quai de Batellerie, qui doit permettre un accès au poste de travail des services de remorquage et de lamanage. Il est prévu un quai d'une longueur de 120 mètres avec la viabilisation de la zone arrière. Le quai des pilotines, sur le bassin de Moselle, est en reconstruction pour faire face aux problèmes de corrosion rencontrés sur les poutres en béton qui soutenaient le dallage. De plus, les premiers travaux de la construction d'un hangar pour les transitaires a démarré.

Enfin, les travaux de la nouvelle zone des caboteurs, dont les remblais ont démarré en 2008 continuent. Cette zone prévoit la réalisation de deux quais, chacun équipé d'une rampe et de terre-pleins. Les travaux doivent durer jusqu'en 2011 et offrir la possibilité d'accoster deux navires simultanément. Les voiries sont en cours. Enfin, des bâtiments, à savoir deux docks encadrant la gare maritime seront construits en retrait du quai. Les terre-pleins de cette zone pourront aussi recevoir des ateliers et des équipements pour les hydrocarbures et les matières combustibles.

Dossier

Archives

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15