Clauses du B/L : les chargeurs britanniques avaient commencé à y réfléchir, les Français les ont rédigées

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L'idée était dans l'air du temps depuis au moins novembre 2006, lorsque le directeur général de la Freight Transport Association avait annoncé lors du forum annuel des chargeurs européens que les chargeurs britanniques réfléchissaient à la définition de nouvelles clauses du contrat de transport matérialisé, plus équilibrées (JMM du 1/12/2006 : p. 9 et 10). Attendues pour la fin 2006, celles-ci semblent encore appartenir au domaine du virtuel. Avec la fin officielle du système conférentiel, le 18 octobre, une fenêtre politique s'ouvrait et l'AUTF créait un groupe de travail sur ce même sujet. Les conséquences de la crise financière, puis économique sur le transport maritime de ligne ont ouvert encore plus les battants de la dite fenêtre car le rapport de force est de nouveau en faveur des chargeurs. « Nous avons quelques mois pour en profiter », soulignait Philippe Bonnevie, délégué général de l'AUTF « voire pour nous préparer au futur incertain que ne manquera pas de nous réserver une éventuelle ratification des règles de Rotterdam » (la convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectuée entièrement ou partiellement par mer).

Tout n'est pas négociable

En attendant cette période redoutée par l'AUTF, soucieuse de l'intérêt des petits chargeurs, Françoise Odier, présidente honoraire de l'AFDM (et ancienne directrice juridique d'Armateurs de France) a rappelé tout d'abord que le contrat de transport maritime matérialisé par les clauses du B/L n'était pas un contrat d'adhésion : à prendre ou à laisser. Pour autant, tout n'est pas négociable : ainsi les règles impératives résultant de conventions internationales ou du droit national le restent.

Pour contre, les dispositions opérationnelles (prix des pré et post-acheminements ; tarif maritime all in ou gate in/gate out ; mise à disposition des vides ; modalité de paiement ; etc.) et les clauses juridiques (droit applicable ; obligation d'information en cas de problème maritime ; etc.) sont négociables avec le transporteur maritime.

Faut-il encore que cela ne génère pas de nombreux contentieux.

Pour limiter le contentieux

Pour les éviter, la solution la plus efficace, celle qui consiste à utiliser le B/L spécifique négocié entre tel chargeur et telle compagnie, a été écartée car étant aujourd'hui considérée comme irréaliste, même si l'informatique facilite grandement la diffusion d'un connaissement, par exemple « Michelin » ou « Total ». La solution la plus immédiate est donc d'utiliser le connaissement de la compagnie et d'ajouter au verso, une clause de renvoi indiquant que ce transport est soumis aux conditions spécifiques définies dans l'appel d'offres du chargeur et que le transporteur a accepté. La « simple » coexistence d'un contrat spécifique signé par un représentant dûment autorisé du transporteur et par le chargeur et de B/L « standard » émis sans clause particulière serait insuffisante pour limiter le risque de contentieux, estimèrent plusieurs juristes. Cela dit, l'importance du rapport de force entre le chargeur et le transporteur peut lui aussi avoir un effet sur l'émergence ou non d'un contentieux.

Pour engager utilement la négociation avec un ou plusieurs transporteurs, il est préférable que le chargeur ait réfléchi avec soin à ses priorités « contractuelles » en matière de transport. En effet, un meilleur service avec des engagements de résultat ou d'indemnisation en cas de retard devrait, en toute logique, entraîner une hausse du taux de fret. Le service commercial est-il prêt ou non à l'accepter (vend-il au moins C & F dans la plupart des cas ?). Cela pourrait prendre un certain temps dans les grandes structures. Côté compagnie, Philippe Bonnevie estime qu'il n'est pas toujours sûr que son agent maritime ait l'autorité ou la compétence suffisante pour négocier les clauses du contrat de transport ; la présence d'un juriste spécialisé étant souhaitable. Le délégué général de l'AUTF reconnait qu'une pareille interrogation peut également se poser chez certains grands chargeurs de ligne régulière qui, depuis une douzaine d'années, ont connu des allégements de structures « significatifs ». Le recours à un commissionnaire de transport pour autre chose que l'opérationnel (booking et mise en Fob) ne facilite pas la négociation « juridique » avec le transporteur. D'où le conseil d'une juriste : exprimer clairement et par écrit vos souhaits concernant le contrat de transport afin que le commissionnaire de transport en soit totalement informé. Sa responsabilité pourrait ainsi être valablement engagée

Indemnisation du retard : clause sensible

Parmi la quinzaine de clauses proposées (en français et en anglais) par le groupe de travail de l'AUTF, celle relative à l'indemnisation pour retard est considérée comme « sensible » pour le transporteur qui pourrait bien refuser toute modification de « son » contrat de transport.

« Le chargeur convient avec le transporteur qu'en cas de retard à la livraison causant un préjudice commercial, celui-ci sera compensé par une indemnité forfaitaire égale à X e. Cette indemnité ne pourra pas dépasser le montant total du fret payé pour l'expédition.

Il y a retard de livraison lorsque les marchandises ne sont pas livrées au lieu de destination prévu dans le contrat de transport dans le délai convenu et en l'absence d'un tel accord, dans le délai qu'il serait raisonnable d'attendre d'un transporteur diligent, compte tenu des termes du contrat, des coutumes, pratiques et usages du commerce, et les circonstances du voyage. Les temps de transit spécifiés dans la réponse du transporteur à l'appel d'offres ou les horaires mis en ligne sur le site du transporteur sont considérées comme « officiels » et contractuels ».

Commentaire de l'AUTF : « À utiliser de préférence si l'on a déjà mis en place un système de KPI (Key Performance Indicator) sur les délais ou s'il existe une contrepartie tarifaire (sorte de système d'internet à la livraison) ».

à plus de 30 jours

La clause sur le délai de règlement des frets est d'application plus immédiate pour les grosses structures. En effet, en France, la loi du 5 janvier 2006 rend obligatoire le règlement à 30 jours, date de facture. En bénéficient, en particulier, les commissionnaires de transport et les agents maritimes mais pas les armateurs, souligne l'AUTF. Application : exiger que le règlement des factures soit réalisé directement à l'armateur, à Copenhague, à Genève, ou à Marseille et non pas entre les mains de ses agents maritimes français, même si ces derniers sont filiales à 100 % du transporteur maritime. Bien évidemment, la monnaie de facturation est soumise à la liberté des parties.

le service et non pas les prix

Si les « paroles verbales » illustrent un certain esprit de revanche sur les transporteurs qui, durant des décennies, se sont « abrités » derrière les règles conférence pour imposer leur contrat de transport, les documents de l'AUTF sont plus consensuels : « plutôt que de se différencier par un rabais de quelques dollars sur des taux déjà très bas, un transporteur aura intérêt à considérer les demandes contractuelles des chargeurs sous l'angle de son engagement sur sa qualité de service ». Les discours sur la stratégie du « gagnant gagnant » ont encore de beaux jours devant eux. D'autant que ce n'est pas fini. L'AUTF invite ses membres à réfléchir à l'éventuel besoin de rédiger d'autres clauses au contrat de transport de ligne régulière. Les suggestions des spécialistes du tramp sont les bienvenues. À ce jour, purement français, ce mouvement de libération du mental « chargeurs » saura-t-il mobiliser au moins les autres chargeurs européens et notamment allemands, grands consommateurs de transport maritime de ligne ?

Témoignages de chargeurs.

Les grèves qui ont, en 2008, paralysé les ports français et en particulier Fos ont laissé quelques souvenirs chez Michelin, se souvient Jean-Louis Cambon, responsable Transport : B/L accompli à Valence en lieu et place de Fos ; éventuelle suite du voyage à la charge du réceptionnaire. Dans l'appel d'offres 2009, Michelin a donc introduit quatre nouvelles clauses dont celle portant sur les performances du voyage. Celle que propose l'AUTF est la suivante « (...) En cas de difficulté pour le transporteur de réaliser sa prestation ne s'apparentant pas à la force majeure, il devra à ses frais et risques, mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires et adaptés pour remplir son obligation. S'il y avait impossibilité absolue de réaliser le contrat

a) les parties s'engagent à étudier une solution alternative ;

b) le taux de fret serait alors renégocié.

Dans tous les cas, la solution adoptée devra avoir fait l'objet d'une négociation préalable ».

Pavel Bykov, en charge de la coordination des achats de transport maritime de ligne régulière chez Total Petrochemicals, a expliqué qu'au terme d'un long processus interne, les différents services concernés ont défini 15 critères mesurables de la qualité de service, regroupés par grands thèmes : qualité du navire ; état de l'équipement mis à disposition ; obligation d'embarquement dès que le booking a été accepté ; etc. Chaque thème est affecté d'un pourcentage ; chaque critère, d'une pondération. Cela permet de « noter » chaque compagnie maritime « objectivement » et de la situer par rapport à une moyenne générale. Tous les six mois, client et fournisseurs se retrouvent pour faire le point sur des bases objectives.

Lors d'une conversation privée, Pavel Bykov a reconnu volontiers que ce système ne peut fonctionner que si le chargeur mesure, lui aussi, la qualité de ses « prestations » vis-à-vis de ses fournisseurs : qualité des instructions fournies pour rédiger le B/L ; justesse des poids chargés et de la description des marchandises, surtout si ces dernières sont classées IMDG ; respect des délais pour l'empotage des boîtes ; demande réaliste pour le jour et l'heure des positionnements, etc.

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