«Sans cesse, il faut remettre l'ouvrage sur le métier », dit le proverbe. Et Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux Transports a confirmé l'adage en demandant une nouvelle fois à Henri de Richemont de lui dresser un diagnostic et des propositions sur les autoroutes de la mer. En 2003, Dominique Bussereau, déjà secrétaire d'État aux Transports a missionné Henri de Richemont, alors sénateur, pour réfléchir sur la réforme du pavillon et un cabotage crédible. Ce premier rapport, rendu en mars 2003 n'a pas été suivi d'effet sur le cabotage. La création d'une ligne maritime d'intérêt général, comme préconisée par le rapport du sénateur, est restée lettre morte.
Cette nouvelle mission d'Henri de Richemont, menée avec Gérard Patey, ancien directeur général du Port autonome de Nantes Saint-Nazaire, a débouché sur de nouvelles conclusions par rapport au texte de 2003. La première préconisation du rapporteur est de faire évoluer les programmes européens. Il souhaite qu'une définition précise des autoroutes de la mer soit donnée répondant en cela à des critères objectifs. La modification des textes réglementaires européens doit aussi prendre en compte les liens entre les financements prévus par le programme Marco-Polo 2 et les RTE-T. Les derniers ne financent pas des infrastructures. « Lors du sommet européen des ministres des transports à La Rochelle, en septembre, Dominique Bussereau a demandé que les navires soient considérés comme des infrastructures au même titre que les routes », a indiqué Henri de Richemont.
Un écobonus européen
Quant aux fonds Marco-Polo 2, qui s'adressent aux opérateurs, ils doivent être toilettés. Inadapté au marché, selon la Commission européenne, le programme Marco-Polo 2 doit faire l'objet d'une première révision en diminuant les exigences pour lui donner un nouvel attrait. « Un changement qui ne résout pas son adaptation aux autoroutes de la mer », souligne Henri de Richemont. De plus, le rapporteur préconise la mise en place d'un écobonus européen. Ce système utilisé en Italie est peu efficace puisqu'à ce jour aucun transporteur n'a reçu de fonds de l'État. Afin d'éviter que l'État français rémunère des transporteurs d'autres États membres au titre de cet écobonus, le versement de ces sommes doit revenir à l'Union européenne. « Je suggère que le gouvernement français propose de modifier le règlement Marco-Polo 2 afin d'ajouter au dispositif existant un dispositif d'écobonus versés aux transporteurs routiers qui au lieu de traverser un ou plusieurs États membres, décident d'utiliser les autoroutes de la mer. » Cette proposition doit inciter à une massification des flux qui permettra à terme d'éviter les subventions pour les pertes d'exploitation des navires. En d'autres termes, l'armateur pourra appliquer un prix réel en fonction de ses coûts, le transporteur routier y trouvant son avantage en recevant une subvention à chaque fois qu'il emprunte le navire.
Financer un navire sur fonds publics
Cette première série vise à modifier la législation européenne pour adapter et attirer l'attention des opérateurs sur les autoroutes de la mer. La seconde série de préconisation est destinée à la création, « à partir des côtes françaises », d'une véritable autoroute de la mer. Pour ce faire, selon Henri de Richemont, le fond du problème vient de la volonté politique. Le seul outil pour créer cette autoroute de la mer est le SIEG (Service d'intérêt économique général). Une façon de financer soit l'exploitation soit la construction du navire par l'autorité publique. Une notion que le rapporteur entend au sens large puisqu'il incorpore dans la puissance publique l'État, les régions, les ports et les collectivités locales. Il propose deux alternatives. La première est de créer un SIEG et de subventionner le surcoût d'exploitation lié à l'obligation d'assurer dès le début un départ par jour avec un objectif d'un second départ quotidien dans un délai court. La puissance publique doit dès l'origine contrôler les investissements pour éviter toute dérive. Le financement des navires pourra être aidé au titre du RTE-T, tel que le rapporteur propose de le modifier, et la subvention d'équilibre ne couvrira que le surcoût d'exploitation pour un départ par jour. Le côté face de cette alternative est qu'elle ne prévoit pas la pérennité du projet. Henri de Richemont propose donc une seconde alternative, dont la pérennité est une composante essentielle. Il prône la construction par la puissance publique des navires et la création d'un SIEG pour le faire exploiter par des armateurs privés. La propriété des navires se ferait soit sous forme d'un partenariat public/privé, soit au travers d'une société d'économie mixte avec la puissance publique majoritaire. Quant au financement, il serait assuré par le recours au RTE-T, selon la formule d'Henri de Richemont, et le solde financé par la taxe sur les poids lourds, qui doit entrer en vigueur en 2011. Le produit de cette taxe n'étant pas affecté, il propose de la verser au pot commun pour financer un navire. Cette taxe est estimée rapporter environ 880 M¤ de revenus annuels. Un navire roulier revenant aux environs de 40 M¤, la construction de quatre de ces unités représente une part infime de cette taxe, selon Henri de Richemont. Ce système a déjà été utilisé sur la liaison entre Dieppe et Newhaven quand le Conseil général de Seine Maritime est intervenu pour redonner vie à une ligne transmanche dans le port cauchois.
Dernier volet des propositions d'Henri de Richemont, augmenter les contraintes sur les routes pour inciter les chargeurs à utiliser les autoroutes de la mer. Il s'agit surtout de renforcer les interdictions de rouler le weekend, l'interdiction de doubler et de limiter la vitesse des camions à 80 km/heure. Hervé Deiss