Depuis les conclusions négatives de la Commission du débat public relatives à l'extension du port1, ce très ancien dossier semble clos pour plusieurs années. La CCI de Nice Côte d'Azur devra faire avec ce qu'elle a et qui existe depuis fort longtemps. La dernière opération significative remonte à 1980 avec un redressement de quai, se souvient Laurent Monsaigon, directeur général de la CCI. En 1999, il fut procédé à une remise à niveau de la profondeur des bassins à -9,40 m au maximum. Et vers 2011, il est envisagé de réaliser un « vrai » dragage des bassins avec tous les problèmes y afférant, concernant notamment l'usage des quelque 10 000 m3 de boues.
Si la géométrie des bassins est stable dans le temps, la taille des ferries et des paquebots est, quant à elle, à la hausse. Or Nice ne peut recevoir que des ferries de 180 à 190 m, voire 217 m s'il est seul à quai. Et les gros paquebots modernes n'y rentrent pas. Il est dès lors exclu d'espérer obtenir une tête de ligne malgré la proximité de l'aéroport, le 2e de France en termes de passagers.
Faire dans la dentelle
Être un port de commerce en centre-ville avec des immeubles d'habitation plutôt de standing donnant directement sur les cheminées des ferries et des paquebots n'est pas politiquement simple. L'objectif est donc de développer la « cohabitation urbaine » explique Dominique Estève, président de la CCI : on éclaire certains monuments historiques ; on tente de réduire les inconvénients de la circulation automobile liée à la desserte de la Corse ; « bref, nous essayons de stabiliser l'existant ».
Quatre à cinq millions d'euros sont ainsi dépensés annuellement pour faire mieux accepter le port, d'une part par ses riverains immédiats, d'autre part, par la population niçoise en général. Compte tenu des trafics portuaires et de leur saisonnalité, toutes les surfaces ne sont pas constamment exploitées. Pourquoi ne pas les utiliser pour organiser des manifestations destinées au grand public ?
Le 5 et 6 avril, la CCI et d'autres structures publiques (ville, département, Douanes, Affaires maritimes ; etc.) et privées (chargeurs comme Vicat ; transporteurs maritimes) ont franchi une étape supplémentaire en organisant des journées « Port'Ouvertes » en français et en niçois. Cibles visées : le 5, l'opinion publique et ses décideurs politiques ainsi que les familles des salariés de la communauté portuaire ; le 6, les élèves du primaire et du secondaire. Visites à vocation historique depuis 1750 - date de la création du port - présentation des différentes professions portuaires, exposé sur les retombées économiques des activités portuaires se sont succédé avec, semble-t-il, une excellente réponse de la population, sans parler de la fierté éprouvée par les salariés de la place portuaire. De quoi donner à réfléchir sans, pour autant, sombrer dans un Grenelle portuaire.
Cachez ces ports que nous ne saurions voir
1. Conclusions nuancées par la mission de l'ex-CGPC associé à l'Inspection générale de l'Environnement, de décembre 2002.
« [...] À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, l'image du port se dégrade pour finalement aboutir, au XXe siècle, à la représentation du port comme territoire étranger, inconnu et non accessible. La rupture est actée, les visiteurs non professionnels n'ont plus de raisons d'être dans le port [...] Le port est peu à peu rejeté par la population locale et touristique. Dans l'imaginaire, il devient un lieu nocif et malfamé. Il est tenu pour responsable de nuisances sonores et olfactives, de la dégradation des paysages et du rivage, de la pollution... ; on le lui reconnaît plus d'aménités », écrivent Christine Bouyer, directrice du pôle littoral à Odit (agence publique d'ingénierie touristique) et Aurore Joris, chargée d'études dans ce pôle, dans un article sur la reconversion des friches portuaires publié dans la revue Espaces Tourisme et Loisirs de janvier dernier.
En juin 2006 lors de la conférence annuelle des ports européens (ESPO), le professeur Éric Van Hooydonk, juriste anversois spécialisé dans les dossiers portuaires, rappelle que depuis l'Antiquité, les ports ont mauvaise presse. Cela commence dans La République de Platon. Ce dernier recommande d'interdire l'importation d'innovations arrivant par les ports maritimes. Et se poursuit de nos jours et surtout à partir des années soixante-dix. Éric Van Hooydonk recommande donc aux autorités de mettre en avant les valeurs « douces, c'est-à-dire non socio-économiques », positives, des ports : place de refuge pour les navires et les hommes ; hospitalité ; lieu historique ; espace où se concentre l'intelligence de l'homme (construction navale ; commerce maritime ; grands travaux) ; terrain d'expérimentation pour les urbanistes et les architectes (opéra de Sydney) ; etc.
Ces valeurs « douces » constituent des actifs dormants des ports maritimes et peuvent être valorisées pour retrouver les faveurs du public, conclut le juriste belge.