Lors de ces dix dernières années d'activité, les entreprises de manutention se sont allégées de leurs effectifs dockers. Quelques années après la réforme de 1992, le dégraissage a été brusque. Il s'est effectué sans bruit. Le plan amiante a facilité le passage dans le vase communicant du Gemest ou du Gemfos. Des structures dans lesquelles les dockers ont retrouvé l'esprit d'indépendance qu'ils appréciaient dans les BCMO. Tandis que dans le même temps les entreprises allégeaient leurs charges.
Si les manutentionnaires « historiques » (voir tableau) ont su s'entendre pour créer une structure d'emploi commune et originale, c'est qu'elles étaient déjà liées capitalistiquement. Eurofos, Intramar, Socoma (ou Socoman) ou Marseille Manutention forment une galaxie commune avec Port Synergy dernier arrivé sur la place marseillaise où il a succédé à Egis port (CDC) dans le contrôle de la holding MGM. Exception qui confirme la règle, sur Fos l'indépendant Seayard ne peut que se féliciter du Gemfos, structure dont il tire profit. La spécificité marseillaise réside dans cette imbrication de participations et d'intérêts croisés.
Est-ce aussi sa faiblesse ? Depuis six ans, plus rien ne bouge sur la place. L'arrivée de Port Synergy (CMA CGM et DP World) et de Sea Invest avait fait croire à un prochain standard « international » de la manutention marseillaise. Port Synergy se contente d'attendre la mise en service de Fos 2XL dont il sera l'exploitant principal. Et le groupe flamand a essuyé des revers avec Marseille Manutention pour qui le départ d'Agrexco risque d'être fatal et ne décolle toujours pas avec Carfos.À quelques jours de remettre leur copie pour absorber portiqueurs, grutiers et engins de levage dans le cadre de la réforme, la position des manutentionnaires est difficile et contrastée.
Une scission CGT qui consacre un état de fait
Déjà fragilisés par la faiblesse structurelle des trafics, ils ont subi de manière plus redoutable l'impact de la crise. En particulier sur les bassins marseillais où aucune entreprise de manutention ne respire l'opulence. Intramar est en déficit chronique depuis des années et ne s'en sort comme toutes les autres entreprises qu'en dégraissant régulièrement les effectifs. La principale société de manutention de Marseille comptait 164 dockers en 1997, il n'en reste plus que 71 aujourd'hui. Dès lors, on comprend une part de l'inquiétude des agents du GPMM qui se refusent à être parachutés dans des structures privées et dans un contexte de déclin des bassins Est. La situation n'est pas la même à l'Ouest. Ici se concentrent les lignes des grands armements. Ici, l'avenir est assuré par Fos 2XL. Ce qui explique l'esprit beaucoup plus conciliant des portiqueurs...
La récente scission du syndicat CGT du GPMM entre bassins Ouest et Est concrétise cette divergence de perspective et d'histoire. Elle est également le résultat de la pression « amicale » de la CGT dockers qui a toujours eu cette organisation bipolaire. Les dockers, très inquiets par le taux d'inemplois croissants des bassins Est, observent une neutralité dans les faits face au prochain chambardement qui va saisir les acconiers.
Officiellement, les sociétés de manutentions ne communiquent pas sur leurs offres. Pendant longtemps, elles se sont plaintes d'être tenues à l'écart du jeu et de l'information par le GPMM. Une chose est sûre, la copie qu'elles devront remettre le 3 juillet (la date sera certainement repoussée si on en croit la direction du GPMM) portera les traces de leur embarras. Les liquidités manquent à l'appel. Comment trouver les millions nécessaires à la restructuration de leur organisation et à l'acquisition des outils ? Au pied du mur, leurs actionnaires ne sautent pas de joie devant une réforme qu'ils avaient pourtant appelée. Aussi, en privé, se montrent-ils plutôt perturbés, au mieux perplexes, devant le « gros morceau » à avaler. Le passage au commandement unique risque de ne pas être une voie royale.