Au dernier étage de l'Institut du monde arabe, à Paris, Denis Choumert, président de l'Association des utilisateurs de transport de fret, a rappelé le 16 juin, les grandes préoccupations des chargeurs français lors de leur soirée annuelle ; préoccupations très terrestres.
« Les baisses d'activité qu'enregistre à des degrés divers notre industrie se répercutent sur tous les modes de transports et peuvent, par le jeu de la loi de l'offre et de la demande, entraîner des baisses de prix sans que les donneurs d'ordre ne les recherchent parfois particulièrement. Si le fret maritime a vu ses tarifs s'écrouler, de nombreux clients du transport routier privilégient la relation durable et la continuité tarifaire avec leurs prestataires en pensant à l'après-crise », a rappelé Denis Choumert, à Patrick Vieu, directeur des services de transport, et représentant de Dominique Bussereau qui, cette année encore, était retenu par ailleurs.
Explications de Philippe Bonnevie, délégué général : « nous sommes toujours sans prise sur les évolutions tarifaires du maritime alors que dans le transport routier, le client peut nouer avec son fournissuer des relations à moyen terme et ainsi préparer l'avenir ».
Sur le dossier portuaire, Denis Choumert notait que les chargeurs « craignent que la dynamique de la réforme portuaire ne souffre de compromis et d'exceptions sans effet apparent sur le court terme mais préjudiciable sur le moyen ou long terme. (...) Quasiment absents des conseils de surveillance et relativement peu présents au sein des conseils de développement, les chargeurs insistent à nouveau sur la nécessité de mettre en place, en complément de la structure de suivi de la mise en oeuvre de la réforme que vous avez instituée, un observatoire de la performance économique des ports qui pourrait sur le long terme évaluer notamment si les attentes des clients des ports sont satisfaisantes ». L'AUTF reprend ainsi un ancien et visiblement sensible dossier : déjà la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes prévoyait que le « gouvernement dépose chaque année devant le Parlement un rapport (...) sur la répercussion sur l'ensemble des acteurs de la filière portuaire et maritime des gains de productivité tarifaires des activités de manutention et sur l'évolution de l'ensemble de la manutention dans les ports français ».
En juillet 2007, le rapport sur la modernisation des ports autonomes, dit rapport Gressier, regrettait que « quinze ans plus tard, aucune réelle évaluation de cette réforme n'ait été faite ». « Sans statistiques fiables, il ne nous est ni possible d'appréhender l'étendue des problèmes, ni de mesurer de façon adéquate les résultats obtenus », estime la directrice du groupe de données développement de la Banque mondiale.
maritime de la CNUDCI
Sachant à l'évidence ménager ses effets, Denis Choumert rappela une nouvelle fois que les chargeurs étaient opposés à la signature par la France du projet de convention sur le droit maritime international de la CNUDCI. « Ce projet de texte toujours aussi complexe demeure trop déséquilibré en défaveur des chargeurs. En outre, la liberté contractuelle quasi illimitée qu'il institue permettra la réémergence de clause de non responsabilité du transporteur ». L'AUTF enverra prochainement au ministre un mémorandum détaillant les raisons de rejeter cette convention qui apparaît comme « le dernier avatar d'une philosophie ultralibérale voulue par la précédente administration américaine, dont on connaît les effets sur l'économie mondiale ».
Le 1er juin, la National Industrial Transportation League américaine s'associait au World Shipping Council (formé par la plupart des compagnies maritimes de ligne régulière) pour dire tout le bien qu'elle pensait de ce projet de convention qui respecte enfin la liberté des parties. Le front international des chargeurs se fissure.