Le développement des mécanismes de financement privé des infrastructures en Amérique latine a contribué à une relance des investissements dans le secteur de la manutention portuaire. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Cette activité est une de celles qui se prêtent le mieux aux différents schémas de privatisation ; par ailleurs, l'Amérique latine souffre d'un gros retard en matière d'infrastructures portuaires, et il existe une tradition d'investissements des grandes entreprises dans des terminaux portuaires dédiés, principalement dans les vracs. Fait significatif, la privatisation portuaire est une des rares réformes de la période libérale des années 1990 qui n'aient pas été remises en cause.
Le Brésil est, de ce point de vue, le pays le plus avancé. L'essentiel de la manutention de conteneurs est désormais réalisé par des opérateurs privés (Brasil Santos, Libra Terminais, Multicaminais et Teconvi), et les grandes entreprises du secteur des produits de base (comme Vale, par exemple) ont leurs propres terminaux. Plus de 95 % du commerce extérieur brésilien utilise la voie maritime.
De nouveaux projets sont en cours. La société LLX, qui fait partie du groupe de l'entrepreneur Eike Batista, a lancé la construction du port d'Açu dans l'état de Rio de Janeiro, qui représente un investissement de 3,2 milliards de reals (1,1 Mde) et qui sera opérationnel en 2012. Un deuxième projet devrait être lancé prochainement par la même société à Itajai.
Nouvelles installations
Dans le reste du continent américain, on constate un regain d'intérêt des grands opérateurs internationaux. DP World a posé, en avril 2008, la première pierre du nouveau terminal du port de conteneurs du port de Callao à Lima (Pérou). La première phase du projet en concession (30 ans) prévoit la construction d'un terminal disposant de 660 m de quai et d'une superficie de 22 ha. Les nouvelles installations permettront d'accueillir des navires de 5 500 EVP, et la capacité totale prévue est de 800 000 EVP. L'investissement est estimé à 210 M$.
L'opérateur doubaïote devrait bénéficier d'une position privilégiée sur la côte Pacifique du continent sud-américain. Son objectif est de constituer un hub pour le trafic avec l'Asie, qui est en pleine expansion et devrait encore continuer à croître grâce à l'impulsion de plusieurs accords commerciaux. Le Pérou vient de signer un accord de libre-échange avec la Chine et négocie des accords similaires avec le Japon et la Corée du Sud.
DP World dispose désormais d'une bonne longueur d'avance depuis que le chinois Hutchison a jeté l'éponge en Équateur. En 2009, il a annoncé son retrait de la concession du port de Manta suite à un différend avec les autorités locales. Ce désengagement représente un grave revers pour le projet des autorités équatoriennes de faire de Manta un grand hub de trafic en profitant de sa position géographique, des conditions naturelles très favorables et de la volonté du gouvernement brésilien de financer la construction d'une grande route qui permettrait l'acheminement des produits destinés aux marchés asiatiques.
Déficit d'infrastructures
En Colombie, les différents projets de construction de ports en eaux profondes axés sur le transbordement sur la côte du Pacifique (Malaga, Tribuga et Aguadulce) n'ont pas abouti pour l'instant et risquent de rester dans les cartons faute de modèles économiques crédibles et de financements suffisants. La principale réalisation concrète sur la côte du Pacifique est le nouveau terminal de conteneurs du port de Buenaventura, un investissement de 93,3 M$ auquel participe, en tant qu'actionnaire minoritaire, l'opérateur du port de Barcelone, TCB.
La renégociation des concessions portuaires a donné une impulsion aux investissements, notamment à Buenaventura et à Carthagène (Atlantique). Cependant, les ports colombiens, à l'exception de ceux dédiés au charbon, demeurent handicapés par la mauvaise qualité des dessertes routières et ferroviaires. Le gouvernement semble avoir enfin pris conscience de la gravité de la situation et est en train de lancer plusieurs projets. Mais le déficit d'infrastructures ne se résorbera pas rapidement.