Avec ses 8 000 km de littoral, le Brésil est-il pour autant un pays maritime ? « Pour des raisons historiques et politiques, ce pays continent est resté longtemps fermé et a opté pour le tout-route », répond Jean-Pierre Bernard, consultant pour LFC Management. Hormis la loi de modernisation des ports (1993) qui a permis l'activité des opérateurs portuaires privés, et la création en 2001 de l'Antaq (Agence nationale du transport fluvial et maritime), en charge de la réglementation et du contrôle, le secteur portuaire semble avoir été mis de côté. Le président Lula a reconnu son échec pour venir à bout de ces goulets d'étranglement logistiques durant son premier mandat, et a décidé de réagir en 2007 avec la création du Secrétariat spécial aux ports (SEP).
Des priorités nombreuses
Outre la modernisation des infrastructures portuaires, le dragage est la priorité du SEP. Le système des concessions de dragage a ainsi été modifié - il s'agit désormais d'une prestation continue d'entretien durant une période de cinq ans, renouvelable une fois et ouverte aux entreprises nationales ou internationales -, et les canaux d'accès de 20 zones portuaires publiques devraient être dragués d'ici fin 2010, pour un coût d'un demi-milliard d'euros. Le SEP entend aussi professionnaliser la gestion des ports en remaniant les directions des « Companhias docas » (sociétés publiques gestionnaires des ports sous autorité fédérale), en fonction des compétences et non de la couleur politique des candidats.
Autre ambition : doper les investissements privés. Pour ce faire, le décret 6620 datant d'octobre a supprimé l'exigence d'un volume minimal de trafic pour justifier la construction d'un terminal. Le résultat escompté est de 7 Mde investis dans les cinq prochaines années. Le projet « Port sans papier » fait également partie des chantiers du SEP : visant à dématérialiser et faciliter les procédures administratives, il devrait être mené à bien cette année. Alors qu'un plan sectoriel sur le long terme faisait jusqu'à présent défaut, l'Antaq vient d'élaborer le Plan général de concessions : cette étude dessine le panorama portuaire brésilien à l'horizon 2023 et préconise la construction de cinq à dix nouveaux ports dans des zones jugées prioritaires. Reste à savoir si le SEP validera ce document (ou non) dans les prochains jours.
Sur le chapitre du cabotage, rien de nouveau. Seuls les navires battant pavillon brésilien sont autorisés à exercer ce type de navigation. « L'ouverture définitive du cabotage aux étrangers équivaudrait à tuer l'embryon de cabotage qui existe au Brésil », a récemment déclaré le secrétaire spécial aux ports, Pedro Brito. Le cabotage devra donc passer par une phase de structuration, avant d'être ouvert à la concurrence. Quant aux chantiers navals, ils semblent connaître un regain d'activité depuis 2007, en raison des financements du Fonds de la marine marchande et des commandes générées par Petrobras et sa filiale Transpetro.
De vives critiques
Les professionnels estiment que le gouvernement est sur la bonne voie. Néanmoins, ils s'impatientent et pointent du doigt un secteur portuaire sous-dimensionné et saturé, des tarifs portuaires très élevés pour des productivités encore insuffisantes, les lourdeurs administratives, l'insuffisance du cabotage, du transport fluvial et des accès terrestres, la difficile obtention des licences environnementales, les retards pris dans les différents chantiers, le manque de flexibilité du décret 6620... « C'est un véritable imbroglio entre les responsabilités de l'Antaq, du SEP et du ministère des Transports », juge Jovelino de Gomes Pires, coordinateur de la chambre de logistique intégrée de l'Association du commerce extérieur du Brésil. Le remaniement des Companhias docas est aussi à relativiser, selon Bruno Rios, reporter pour PortoGente : « À Bahia, la Codeba attend depuis six mois la nomination de son président, en raison de luttes politiques. » Le dossier des ports brésiliens est donc loin d'être clos.