Des investissements tous azimuts pour conserver sa place

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La crise économique mondiale a d'abord touché les pays développés. Partie des États-Unis pour se répandre sur l'Europe et l'Asie, elle a également commencé à toucher l'Afrique qui affichait pourtant, un an auparavant, des perspectives prometteuses. En effet, pour la première fois depuis 20 ans, le taux de croissance était identique à celui du reste des pays en développement, abstraction faite de la Chine et de l'Inde. Les difficiles choix opérés depuis des années commençaient à porter leurs fruits que ce soit pour mobiliser plus de ressources au plan intérieur, réorienter des dépenses malavisées, investir dans l'éducation et la santé de base, réformer les services publics, réduire les politiques protectionnistes, assouplir les régimes de taux d'intérêt et de change, ou encourager la concurrence. L'Afrique équatoriale bénéficiait par ailleurs d'apports de capitaux privés de près de 55 Md$. Son PIB avait progressé de 5,7 % en 2006 et de 6,1 % en 2007.

Les fruits des investissements gommés par la crise

La région faisait en outre l'objet d'une aide extérieure croissante, sous forme de nouveaux capitaux et de remises de dettes. Cette situation n'a malheureusement pas duré. Selon certains, les effets de la crise ont rapidement gommé les fruits des investissements. En mars, le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a brossé un tableau pessimiste de l'économie africaine. Il a évoqué, pour la première fois, une récession à l'échelle mondiale en 2009. Selon lui, les prochaines prévisions du FMI devraient faire « apparaître une croissance mondiale qui, pour la première fois depuis 60 ans, sera négative ». « Même si la crise a été lente à atteindre les rivages de l'Afrique, nous savons tous qu'elle arrive et que son impact sera sévère. » Pour étayer ses propos, le FMI prévoit une chute drastique des échanges commerciaux avec les pays africains, une baisse des transferts de capitaux par la diaspora et l'amenuisement des investissements étrangers et de l'aide. En termes de chiffres, la récession en Afrique se traduira par une croissance économique qui ne devrait pas dépasser les 3 % en 2009, loin des 5,4 % de croissance enregistrés en 2008. Le pire est à venir si la crise empire. Il a alors appelé les gouvernements à prendre les mesures adéquates pour éviter un scénario encore plus catastrophique.

Des trafics en baisse de 4,5 %

Les premiers signes de ralentissement des échanges économiques apparaissent dans les flux conteneurisés. Selon une étude menée par le consultant MDS Transmodal en décembre, les trafics entre l'Afrique de l'Ouest et l'Europe ont baissé de 4,5 % en 2008. En sens inverse, d'Europe vers l'Afrique de l'Ouest, le volume progresse de 5,1 %. Au total, les flux entre les deux régions ont augmenté de 1,8 %. Un résultat positif qu'Alain Cazorla, responsable des lignes sur l'Afrique, attribue aux caractères de l'économie africaine. « Le tout Asie a bien fonctionné mais n'était pas équilibré. La crise économique n'a pas les mêmes effets sur l'Afrique. La consommation dans cette région du monde est avant tout liée à la consommation indispensable pour l'approvisionnement », analyse Alain Cazorla. Les effets de la crise se reportent davantage sur les matières premières et les matériaux de construction. « C'est surtout sur les exportations que cette crise a des effets », note le responsable de MSC. Au cours des précédentes années, pendant la période de croissance économique, l'Asie commençait à prendre du poids face à l'Europe. « Le dragon se taillait la part du Lion », titrait le Journal de la Marine Marchande en 2006. Si l'Asie a pris de l'avance au cours de ces années, l'Europe n'a pas perdu de parts de marché, selon Alain Cazorla. L'Asie a participé à l'évolution de l'Afrique mais pas uniquement. Ainsi, l'Amérique du Sud prend aussi une importance dans l'évolution de la région. L'exemple le plus marquant en est le sucre. Lors de la réforme de la politique agricole commune et des mesures sur les exportations de sucre, l'Europe n'a plus approvisionné le marché africain. Ce dernier s'est alors rapproché de l'Amérique du Sud. « Si l'Europe reste toujours présente en Afrique, la caractéristique récente de cette économie est son ouverture sur la mondialisation », indique Alain Cazorla.

Des perspectives qui n'altèrent en rien la confiance du responsable de l'armement. « Je reste confiant. Nous allons connaître une période difficile mais l'Afrique demeure un continent d'approvisionnement avant tout. En cela, c'est une chance qui lui permettra d'éviter des effets trop dévastateurs. » De plus, la crise se répercute pour une large part sur les trafics conteneurisés. En cela l'Afrique n'est pas épargnée. Les événements récents à l'image des décisions de DP World au Sénégal, à Dakar en attestent. Après des débuts difficiles, l'opérateur a réussi à se redresser. Au Ghana, le port ne dispose pas de moyens suffisants pour répondre à la demande. Au Nigeria, l'infrastructure ne permet pas de répondre aux attentes d'une population en croissance démographique. « Avec 140 millions d'habitants, ce pays a besoin de ports efficaces pour faire face aux besoins locaux », note Alain Cazorla.

MSC investit à San Pedro

Face à ce manque les armements commencent à investir localement pour pouvoir disposer de leurs propres moyens de manutention. Un concept démarré par le groupe Delmas, lorsqu'il était encore dans le giron du groupe Bolloré. La manutention en Afrique est restée dans les mains de Vincent Bolloré alors que l'armement a été cédé au groupe CMA CGM. Aujourd'hui l'Afrique des ports est devenue un marché à investir. Après le groupe de Vincent Bolloré, ce fut Progosa puis DP World et des armements comme Maersk Line et Zim à prendre place. Le nouvel arrivant dans la manutention régionale est l'armement de Genève, MSC. Il a décidé d'opérer les premiers investissements sur le port de San Pedro, en Côte d'Ivoire. La stratégie de l'armement vise à s'implanter localement en coopération avec une société locale, en l'occurrence Getma. « Nous mettons des moyens en propre sur la région. Nous l'avons déjà fait sur Lomé et Las Palmas, nous le déclinons aujourd'hui sur San Pedro. » Des mesures qui doivent permettre de résorber la congestion chronique dont souffrent les ports africains depuis plusieurs années. Une alternative ? La véritable réponse vient surtout de la mise en place des moyens nouveaux mis en place dans les ports par les opérateurs, selon le responsable de MSC.

Après avoir investi dans de nouvelles lignes dédiées et dans les ports, MSC se tourne maintenant vers des services de feedering dédiés. Une façon de répondre à la demande des populations africaines en desservant l'ensemble des ports de la région. Le système de MSC repose sur des services directs entre l'Europe et l'Afrique de l'Ouest mais aussi sur des plates-formes logistiques comme Las Palmas ou Valence en Espagne. « Ces deux ports nous permettent de créer des connexions avec le monde entier sur la région. Les services de feedering viendront compléter ce dispositif. »

Desservir l'Afrique signifie aussi de disposer de moyens terrestres pour accéder aux marchés enclavés. Un point essentiel qui occupe une large part des débats lors des réunions de l'AGPAOC (Assemblée générale des ports d'Afrique occidentale et centrale). Lors de la dernière réunion, en mai 2008, le sujet a largement été abordé. Le directeur général du port de Cotonou, Jérôme Dandjinou, a expliqué lors de cette assemblée que le développement économique passe avant tout par la fluidité des échanges commerciaux. « La mise en place d'un système de transport efficace est donc un impératif de développement qui nécessite des ports maritimes performants, des routes en bon état dépourvues de barrages, des lignes de chemin de fer fonctionnelles et des postes frontaliers réduisant au maximum les formalités administratives et douanières. En Afrique, l'efficacité du système de transport terrestre combiné (rail/route) permettra de réduire les coûts de transport des produits et de les rendre compétitifs sur le marché international », a rapporté le site Internet Trafic mag après la réunion de l'AGPAOC de mai 2008. Une position que partage Alain Cazorla.

sur le continent

Il constate des évolutions positives sur le continent. Des grands projets prennent forme. Le chemin de fer devient efficace, notamment en Côte d'Ivoire, selon le responsable de MSC. Des lignes existent au Sénégal avec plus ou moins d'efficacité et des investissements étrangers sont prévus. Ce défi à relever sur les transports terrestres en Afrique de l'Ouest doit permettre une meilleure intégration économique des pays enclavés. Des enjeux importants pour l'Afrique même s'ils ne sont pas les principaux fournisseurs de marchés. « L'évolution récente montre que ces pays changent leurs dispositifs logistiques. L'exemple le plus marquant est le Mali. Il passait avant par le port d'Abidjan. Aujourd'hui les exportateurs et importateurs maliens diversifient leurs routes vers les ports. » Pour répondre à cette nouvelle donne les armements doivent disposer d'une desserte intérieure efficace. Après avoir misé sur les services dédiés et les ports, la prochaine conquête africaine pourrait bien se faire par le routier et le ferroviaire.

Hervé Deiss

MSC, désormais armement africain

MSC est devenu un véritable armement global. Après avoir su prendre position sur les continents, il est maintenant en pleine croissance sur l'Afrique de l'Ouest. « Nous sommes arrivés sur le continent dans un marché dominant. Aujourd'hui nous alignons 17 navires sur l'Afrique de l'Ouest », indique Alain Cazorla. Il dispose d'une couverture large, soit par des services dédiés, soit en transbordement par les ports de Valence, Las Palmas ou bientôt San Pedro, en mettant des moyens propres sur la région. « Nous sommes des jeunes pionniers de l'Afrique, mais aujourd'hui MSC est aussi africain que les autres armements. » Avec un trafic d'environ 1 MEVP entre l'Europe et la région, MSC se place dans le tiercé de tête derrière de grands groupes comme Maersk Line et CMA CGM.

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