Le texte de la loi sur la réforme portuaire, adopté par le Parlement le 4 juillet, a établi un calendrier des négociations à mener pour aboutir à la mise en place du nouveau système français. La première étape, délimitée au 31 octobre, visait à la signature d'un accord-cadre national. Il est destiné à créer une « boîte à outils » dans laquelle les différents ports viennent piocher pour bâtir leur accord paritaire local et leur projet stratégique. Les Grands ports maritimes créés, les premières instances de gouvernance mises en place, il appartient désormais aux responsables de chaque place de construire ensemble les projets stratégiques. « Pour une fois nous aurons des plans à plusieurs années des ports », a indiqué un responsable syndical. De nombreuses réunions ont eu lieu entre les différentes parties. Même les ports considérés comme « les plus sages » ont parfois grincé des dents, à l'image de Rouen. Dans les ports du Havre et de Marseille, la tension a parfois été poussée à l'extrême.
À l'évidence, l'ensemble des projets stratégiques devrait aboutir avant la date limite du 9 avril. La seconde phase terminée, il faudra ensuite franchir une nouvelle marche pour déterminer les conditions de cession des matériels.
Les plans stratégiques avancent parfois difficilement. Pour la FNPD-CGT, « l'état des lieux est simple : seul le transfert des outillages publics vers les opérateurs privés est à l'ordre du jour dans le cadre des projets stratégiques. » Le syndicat va plus loin et parle de « forfaiture ». Il s'inquiète de la position des opérateurs privés qui refuseraient selon la FNPD CGT la reprise des personnels, « ou en quantité homéopathique et qui par contre souhaiteraient reprendre l'outillage dans des conditions parfois jugées sévèrement par Bruxelles (aides publiques déguisées). » Finalement, pour le syndicat, ces projets dénotent une volonté de vouloir être annonciateurs de plans sociaux. La FNPD CGT conclut alors que si « les projets stratégiques sont adoptés en force par les conseils de développement puis de surveillance, en tournant le dos aux termes de la loi, c'est-à-dire des garanties formelles pour l'emploi de tous les personnels et l'assurance que leur rémunération sera assurée conformément à l'accord-cadre du 30 octobre, les personnels en situation de légitime défense et d'alerte sociale utiliseront tous les moyens légaux pour empêcher cette escroquerie. »
La radicalisation du débat de ces projets stratégiques s'est dévoilée à Nantes Saint-Nazaire. Dans le port ligérien, les négociations menées les 18 et 19 mars ont abouties à un accord. Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux Transports a refusé d'y donner son aval. Le président du directoire du Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire, François Marendet, a donné sa démission. Yves Gauthier, ancien directeur du port autonome de Bordeaux assure les fonctions de président du directoire par intérim. Localement cette décision fait grand bruit. Le syndicat CGT ne cache pas sa colère. Il trouve « cette décision scandaleuse et dénonce la dictature gouvernementale pour appliquer la loi du 4 juillet 2008 ».
Au niveau national, les négociations continuent leur chemin sans faire de vagues. Ainsi, celles sur la nouvelle convention collective nationale et l'accord- cadre relatif à la pénibilité avancent, selon les deux organisations patronales, l'Unim et l'UPF. Un optimisme rejeté par la FNPD CGT. « L'Unim et l'UPF n'affichent pas la volonté d'atteindre les objectifs de négociation », dénoncent les responsables du syndicat.
Pour sa part, le gouvernement souhaite maintenir le cap de la réforme, « indispensable à la compétitivité des ports français. » Le secrétaire d'État a d'ailleurs prévu de se rendre au Moyen-Orient et en Asie dans le courant du mois d'avril pour exposer les atouts de cette réforme auprès des principaux utilisateurs des ports français. « Il ne s'agit pas de vendre la réforme mais d'expliquer à nos clients le système logistique constitué des ports, des pré et post-acheminements ferroviaires et fluviaux que cette réforme institue », nous a précisé un responsable du cabinet de Dominique Bussereau.