Depuis quelques mois, le directeur général du Cesam (Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports), tente de susciter l’intérêt pour une idée aussi simple que complexe: connaître son exposition au risque maritime à chaque instant. Les grands chargeurs mondiaux sont assurés pour la perte de leurs marchandises jusqu’à un certain plafond. Comment savent-ils si au niveau mondial, ils s’en rapprochent ou non? Les assureurs « facultés » et « coque » peuvent se voir présenter des demandes d’indemnisation particulièrement élevées en cas d’accident majeur sur un 14 000 EVP; navire dont tout le monde sait qu’il n’existe aucun moyen de le décharger comme l’a été le MSC-Napoli, échoué sur une plage britannique.
Les réassureurs peuvent également avoir un intérêt à savoir jusqu’à quelle hauteur leurs clients sont engagés. Or selon Patrice Gilbert, il n’est pas certain que chacun connaisse précisément son exposition aux risques maritimes. Accessoirement, cette imprécision dans l’exposition aux risques peut être en contradiction avec la loi américaine sur l’information que des entreprises cotées en bourse doivent à leurs actionnaires concernant les risques encourus (depuis la crise des subprimes, cependant, il semble bien qu’être en contradiction avec la loi américaine soit en passe de devenir la norme, ndlr).
La solution à ce problème mondial passe, toujours selon Patrice Gilbert, par la constitution d’une immense banque de données grâce à laquelle, à tout instant, on saura où se trouve chaque conteneur maritime, ce qu’il contient et qui en est responsable.
Convaincre une poignée de sages
Devant l’enthousiasme contenu suscité par son projet en France, le directeur général du Cesam l’a affiné. Il s’agira de trouver une poignée de quinze à vingt entreprises pleines de sagesse qui, sur une base volontaire, accepteront de réfléchir au problème: quelles informations met-on dans la base? Sous quelle forme? Quelle protection des données? Qui a accès à quoi? Qui gère quotidiennement la base? Qui en assure la régulation? etc.
Si ces premiers pionniers aboutissent à un projet relativement étudié, Patrice Gilbert compte sur un effet d’entraînement pour rallier les indécis, voire même les opposants.
De nombreuses objections sont susceptibles de se présenter: les armées, par exemple, peuvent ne pas être enthousiastes à l’idée d’indiquer ce qu’elles font transporter sur des navires civils; les compagnies maritimes, elles-mêmes, ne tiennent peut-être pas à ce qu’il soit possible de savoir ce qu’elles transportent réellement. Des informations qui remontent au Cesam laissent cependant penser qu’elles ont une idée perfectible des flux qu’elles sont censées gérer. Les États eux-mêmes peuvent être réticents car les systèmes imposés par les États-Unis se multiplient pour déterminer, au nom de la sûreté du territoire américain, qui charge quoi et comment, à destination des USA. Ce qui ne serait pas sans conséquence possible sur la concurrence économique.
« La transparence crée la vertu », répond, serein, Gilbert Patrice. Il devrait poursuivre sa démarche militante lors du « Rendez-Vous de l’Assurance Transports », qui se tiendra à Cannes fin avril, et rendre hommage à Jules Verne pour qui « rien ne s’est fait de grand qui ne soit une espérance exagérée ».
Le Cesam à portes ouvertes
À la suite de décisions audacieuses de certains de ses grands « principaux », le Cesam a été amené à abandonner la fonction de conseil technique avant souscription du risque navire pour se concentrer sur la gestion des flux financiers et des sinistres.
Concrètement, ce GIE hors TVA, souligne son directeur général Patrice Gilbert, encaisse les primes que lui envoient les courtiers, les répartit selon les différents coassureurs corps concernés, verse les indemnités dues selon les instructions de l’apériteur, l’assureur chef de file. Il agit donc comme une chambre de compensation. Pour ce faire, le Cesam a mis en place un logiciel spécialisé, optiflux, qui permet à chacune des parties d’avoir accès à ses comptes et à ses comptes seulement. En assurance « faculté », la gestion financière est confiée au Cesam au cas par cas.
En outre, compte tenu du volume d’affaires qui transite par le Cesam, ce dernier met à la disposition de ses adhérents, son réseau d’experts en assurance corps et facultés, dans le monde entier. Chaque expert est invité à renseigner régulièrement les assureurs sur la situation dans son pays. Ainsi aux Antilles, pour rester dans l’actualité récente, les experts n’ont pas chômé. Si durant les premiers jours des blocages, il était possible de faire « jouer la force majeure » en assurance « facultés », plus d’une semaine après, un chargeur ne pouvait plus l’invoquer pour se faire indemniser.
En cas de gros sinistres « facultés » type porte-conteneurs sévèrement échoué, le Cesam peut prendre la main pour gérer le dossier en lieu et place de plusieurs de ses adhérents.
Sa trentaine de membres dispose chacun d’un compte qui doit rester constamment créditeur afin de permettre le règlement des sinistres.
Last but not least, il fait également dans l’événementiel et organise, fin avril, « le Rendez-Vous de l’Assurance Transports ».
Le gigantisme, croissance des flux, des moyens et des risques: quels enjeux?
Tels seront les thèmes abordés lors du « Rendez-Vous de l’Assurance Transports » organisé par le Cesam à Cannes les 28 et 29 avril prochain. Après un rappel du contexte économique, trois questions seront débattues lors de la première journée: la tendance vers le gigantisme va-t-elle se confirmer? Quel plan d’action en cas d’événement majeur? Comment la chaîne logistique s’adapte-t-elle?
La seconde journée sera « questionnante »: trois heures seront consacrées à savoir si le droit maritime doit évoluer? L’après-midi du 29 sera dédiée aux moyens de contrôle de l’accumulation des valeurs.
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