Interrogé par l’agence de presse Reuters, dans son village de Garowe, dans le Puntland, le pirtate revient sur son parcours.
« Je suis né à Eyl, où je pratiquais la pêche. C’est après l’effondrement du pouvoir central que j’ai été contraint de détourner des navires étrangers. Personne ne surveillait les mers. On ne pouvait pas pêcher dans de bonnes conditions, parce que les navires qui pêchent illégalement le long des côtes somaliennes détruisaient nos petites embarcations et notre matériel. C’est ça qui nous a forcé à devenir pirate ».
Son premier butin, d’un montant inespéré, vient d’un pays…arabe!
« La première fois que j’ai été impliqué dans un acte de piraterie, c’était en 2003. Le navire devait venir d’Arabie, l’équipage était composé de 18 Yéménites. C’était un gros bateau de pêche, qui avait détruit à plusieurs reprises nos navires. On l’a cerné de nuit avec nos bateaux et on en a pris le contrôle en pointant nos armes sur lui. À cette époque, on ignorait tout des méthodes modernes, des échelles, des harpons, tout ça. Alors, on s’est approché le plus près possible et on a grimpé à bord. On l’avait depuis deux semaines quand des médiateurs somaliens et arabes nous ont approchés pour négocier. Ils nous ont convaincus d’accepter 50 000 $. Bon Dieu! C’était une somme colossale pour nous! Ça nous a donné des idées et ça nous a ouvert l’appétit. Deux de mes amis ont eu peur des conséquences et ont renoncé. Nous, on ne se rendait pas trop compte de ce qu’on faisait, on était seulement un peu inquiet de la suite des événements ».
Le prix de la vie de nabab
Aujourd’hui, Yassim Dheere est riche et même quasiment rentier. Il ne veut plus mettre sa vie en péril, mais le risque demeure.
« Finalement, ma vie a totalement changé. J’ai amassé plus d’argent que je n’aurais jamais imaginé. Sur un coup, j’ai eu 250 000 $. C’est fou l’argent que je me suis fait, je vous dirai pas combien. Avec ça, je me paye des voitures, des armes et des bateaux. J’en profite aussi pour prendre du bon temps. Ce nouveau travail m’a causé aussi des problèmes. Ma vie est en danger, certains de mes collègues sont morts, quelquefois lors de chavirages. L’expérience la pire que j’ai vécue, c’est quand un bâtiment de la Marine américaine nous a attaqués, alors que nous chassions un navire. Il nous a tiré dessus et a capturé certains d’entre nous. Moi et mes collègues, grâce à nos hors-bord, on a pu s’échapper, alors que les balles sifflaient tout autour. J’ai été emprisonné une fois à Garowe. Des membres de ma famille ont pris d’assaut la prison, ont tué deux gardiens et, dans l’échange de coups de feu, j’ai pu prendre la fuite avec d’autres détenus.
Aujourd’hui, je reste à Eyl. J’ai des hommes qui font le boulot pour moi. Je suis un financier, je récupère l’argent. Je n’ai pas été en mer pour un piratage depuis des mois. Mon groupe prend la mer, moi je gère les finances. Je fournis les gars en hors-bord, en armes, tout ce dont ils ont besoin.
Quand on prend la mer, on sait qu’on peut gagner ou perdre. Et on se méfie terriblement des bâtiments de guerre. On a changé de stratégie maintenant, on modifie notre manière d’attaquer dans l’océan Indien en utilisant du matériel moderne, comme le GPS pour détecter les navires de guerre. Aujourd’hui, une nouvelle génération de jeunes pirates, très actifs, émerge, tous attirés par l’appât du gain.
Rétablir l’État de droit
Même vu d’en face, le problème de la piraterie sera résolu quand la Somalie sera u à nouveau un État de droit, comme les autres.
« Si les Nations unies donnent leur feu vert à un droit de suite à terre en Somalie, cela ne fera que provoquer la mort de nombreux Somaliens innocents. Ils ne peuvent pas nous différencier des Somaliens ordinaires, on s’habille pareil. La piraterie, elle ne s’arrêtera pas tant qu’on n’aura pas un vrai gouvernement en Somalie ».