En Somalie, c’est un problème à court, moyen et long termes

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Ces aspects de la piraterie dans le golfe d’Aden ont été exposés par Anne-Sophie Avé, déléguée générale d’Armateurs de France, lors d’un déjeuner-débat organisé par l’Association des auditeurs de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (AA-IHEDN) à Paris le 27 janvier.

Sur zone, tout bateau de pêche devient suspect s’il ne traîne pas de chalut ou si l’équipage porte des gilets de sauvetage d’un navire marchand volé. Les pirates ont organisé des relais. Ils utilisent les outils existant dans les ports: le système d’informations AIS (destiné notamment à éviter de faire se croiser un pétrolier et un méthanier), la vision radar et la mise à disposition des renseignements sur le navire (cargaison et destination). Tout cela est utile pour passer d’une opportunité à une situation programmée: aborder le navire marchand au bon moment, prévoir des effectifs suffisants et la relève des gens sur place car les négociations durent longtemps. Les rançons obtenues, de l’ordre de 2 M$ et même 3 M$, représentent des sommes colossales pour la Somalie! Leur paiement perpétue la piraterie, mais la vie de l’équipage est en jeu s’il n’est pas effectué. Depuis l’affaire du voilier Le-Ponant en 2008, l’aide de l’État est assurée. « Autour, il y a la Marine nationale et le Quai d’Orsay (ministère des Affaires étrangères), qui aident énormément, a déclaré Anne-Sophie Avé, la mobilisation des médias a aussi beaucoup aidé. Dans le cas du Ponant, il a suffi d’une semaine pour le libérer avec son équipage, alors que la durée moyenne d’une prise d’otages est de deux mois! »

Prévention et protection

Divers moyens de prévention existent, comme le canon à sons. Mais ne constitue-t-il pas une nuisance pour l’équipage et est-il vraiment dissuasif? En tout cas, un intrus qui insiste est certainement hostile. Certains équipages mettent du fil de fer barbelé autour de la coque. La lance à incendie a pu repousser des attaques.

Selon les témoignages d’anciens otages, les pirates n’ont pas le pied marin et ne sortent pas par mauvais temps ou quand il y a de la houle. Une contre-attaque consiste, pour le navire visé, à se mettre face à la houle et à accélérer. Quand il y a des creux de 4 ou 5 m les « speedboats » sont trop secoués pour le suivre.

En outre, les pirates n’aiment pas attaquer de nuit, car c’est plus risqué. Enfin, ils n’agressent pas les convois, mais seulement les navires isolés.

La présence d’hommes armés à bord n’est pas souhaitée. « Les vigiles privés ne sont pas des militaires et ne sont pas soumis aux règles d’engagement des militaires, poursuit Anne-Sophie Avé, il est hors de question que la marine marchande devienne le terreau fertile pour ce business. Non merci, on a une Marine nationale avec des gens compétents et capables de conseiller sur la conduite à tenir quand les pirates sont à bord et qu’il y a prise d’otages ».

La flotte européenne, déployée dans le golfe d’Aden depuis décembre dans le cadre de l’opération Atalante, se révèle un moyen de prévention efficace. Les armateurs ont profité de la présidence française de l’Union européenne. « Si l’opinion publique est saisie, les choses avancent », indique la déléguée générale, car la communauté internationale prend conscience de la situation. Les attaques se faisant sans distinction de pavillon, il se trouve que les mesures françaises de prévention sont plus efficaces. L’action au niveau de l’ONU donne la possibilité de se soustraire à la demande, au cas par cas, de poursuite dans les eaux territoriales somaliennes.

Atalante dispose d’un état-major, d’une cellule d’organisation de convois et permet d’intervenir en amont en localisant le navire mère et en identifiant les pirates. Ceux-ci, une fois appréhendés, doivent être jugés mais selon quelles règles? En France, la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense s’en occupe. Il existe déjà un accord avec le Kenya. Mais, selon la convention de Vienne, il n’est pas possible d’extrader des justiciables qui risquent la peine de mort. « Il ne faut pas perdre de vue les droits de l’Homme. Il s’agit d’un problème politique à régler avec la Somalie, continue Anne-Sophie Avé, Armateurs de France a envoyé quelqu’un à Northwood (siège de l’état-major d’Atalante placé sous commandement britannique) pour avoir un point de contact. La piraterie concerne les États. On joue le jeu autant que faire se peut pour que le dispositif mis en place soit le plus efficace possible ».

Autrefois, un conseiller maritime avait été détaché au ministère des Affaires étrangères pour coordonner les opérations avec une mission d’ambassadeur à l’OMI. Depuis septembre 2006, un ambassadeur est chargé de la coordination de la lutte contre la piraterie avec la Chine et l’Inde et participe aux réunions de négociations dans le cadre de l’ONU. « Les professionnels se débrouillent pour faire entendre leur voix, avec le risque d’instrumentalisation » souligne Anne-Sophie Avé.

Le prix à payer

La piraterie dans le golfe d’Aden ne représente pas seulement un fardeau financier. Le coût du transport n’entre que pour 1 % dans celui du produit. En revanche, celui de la piraterie se négocie sous la forme de la rançon à apporter aux pirates, à laquelle il faut ajouter les billets d’avion de… deux personnes pour raison de sécurité. Il existe une assurance particulière en matière de piraterie dont la prime, variable, peut être multipliée par dix! Il y a aussi le coût de l’immobilisation du navire, le traumatisme de l’équipage et la baisse de l’attractivité du métier. « Or étrangement, on a eu l’impression d’un impact positif lorsqu’on a vu le commandant Marchesseau (capitaine du Ponant) sortir en souriant de l’avion après sa libération, a indiqué la déléguée générale, il y a eu 50 % de candidatures en plus pour les écoles de marine marchande. Il a redoré le blason de la marine marchande ». Enfin, l’accord ITF double le salaire des équipages lors du transit dans le golfe d’Aden.

Pour Amateurs de France, la solution à long terme du problème de la piraterie au large de la Somalie est politique et diplomatique.

Définition de la piraterie

La convention de Genève de 1958 définit la piraterie comme tout acte illicite de violence, de détention ou de dépréciation commis à titre privé pour des buts personnels par l’équipage ou les passagers d’un navire privé.

Un acte de piraterie se caractérise par quatre conditions cumulatives:

– il doit avoir lieu en haute mer, donc au minimum au-delà de la limite des 12 milles des eaux territoriales;

– il doit être commis avec « violence », comme par exemple monter à bord par la force ou sans y être invité;

– il doit être effectué à des fins privées comme le vol ou la demande de rançon;

– le bateau « pirate » doit être civil.

Piraterie et terrorisme

La piraterie et le terrorisme n’ont aucun lien ni en droit, ni dans les faits. Aucune définition du terrorisme ne figure dans le droit international ou n’est acceptée par l’ONU. Toutefois, un consensus situe le terrorisme entre un acte de guerre en temps de paix et un crime de guerre commis par un organisme non étatique. De plus, aucun lien n’a encore été établi entre les réseaux terroristes et les pirates maritimes. Les profils, motivations et façons de procéder des pirates diffèrent de ceux des terroristes. L’International Maritime Bureau de Londres, qui fait autorité en la matière, n’a pas non plus établi de lien entre le financement des réseaux terroristes et les rançons qu’ont obtenues les pirates. Ces dernières constituent une ressource économique parallèle dans les pays d’origine des pirates, qui s’en servent aussi pour améliorer leurs moyens d’actions (appareils GPS, armement, bateaux rapides). La lutte contre la piraterie et celle contre le terrorisme nécessitent toutes deux le renforcement des contrôles et de la surveillance maritimes, le recours aux moyens militaires et la coopération entre États. Mais, souligne Armateurs de France, « l’amalgame entre ces deux fléaux est aussi dangereux que de confondre criminel de guerre et voleur à main armée. La France est et doit rester vigilante dans les instances multilatérales, en particulier à l’ONU, au maintien de cette distinction très claire ».

Piraterie et droit international

Tout État, concerné ou non, est habilité à poursuivre et réprimer les actes de piraterie et leurs auteurs, à saisir leur navire et appréhender les personnes se trouvant à bord. En conséquence, tout bâtiment militaire ou de police a l’autorité et l’obligation de poursuivre et d’intervenir, si c’est possible, dans l’intérêt de la sûreté maritime. Comme pour les crimes commis contre l’humanité, les actes de piraterie créent une « compétence universelle » des États. Il en résulte un droit de poursuite et d’intervention ainsi que l’obligation de coopération et d’extradition des pirates vers l’État chargé de les juger.

Suite à l’instruction interministérielle du 27 juin 2001, les armateurs français et la Marine nationale ont signé un protocole de coopération et d’échanges d’informations, dénommé contrôle naval volontaire. Ce dernier couvre toutes les zones considérées comme « à risques » dans l’océan Indien, au-dessus du 5e parallèle Nord et de la sortie du canal de Suez à la mer de Chine du Sud. Cet espace de surveillance peut être déplacé et étendu en fonction des nouvelles zones d’intensification des risques.

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