Le 10 mars, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé la liquidation immédiate de l’Union Naval Marseille (UNM). Le naufrage du dernier vestige de la réparation industrielle française en Méditerranée entraîne avec lui 130 salariés et 300 autres appartenant de la sous-traitance. Tout un symbole, à peine la décision annoncée, le Girolata quittait Marseille pour rejoindre l’Union Naval Barcelona, l’autre filiale du groupe espagnol Boluda, où le navire de la Méridionale allait subir un arrêt technique.
Le tribunal de commerce a donc suivi la demande et les arguments de la direction de l’UNM. « Malgré les arguments invoqués par les salariés, il ressort des pièces versées aux débats que le carnet de commandes est quasiment nul et ne permettrait pas d’assurer l’activité de l’entreprise sans générer de nouvelles dettes », énonce t-il dans sa décision. « L’UNM se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » et 6 M€ de dettes. Les pièces comptables sont imparables. Ce qui n’empêche pas la CGT d’accuser la direction d’avoir organisé sa propre faillite pour fuir un droit social trop contraignant.
Leur avocat, Me Cirillo avance que les créances auraient pu combler le trou: 3,5 M€ de réparations non réglées (dont 0,8 M€ des navires appartenant au groupe Boluda, le Mar-B et le Veronica-B, plus 2,5 M€ pour les travaux sur le Corse, toujours en cale sèche sur les chantiers de la société, et « 200 000 e de TVA non récupérée auprès du Trésor public ».
La bataille des chiffres sonne comme une défaite pour le port de Marseille où tous les acteurs, patrons comme syndicats, s’accordent à dire qu’il s’agit d’une activité stratégique. Les deux camps s’accusent mutuellement de la responsabilité de ce départ. « La stratégie de la CGT conduit à faire fuir les entreprises », dénonce Stéphane Brousse, président de l’UPE13. Tandis que le syndicat ouvrier voit dans ce nouvel épisode d’une longue crise navale, « une manœuvre concertée pour éliminer la CGT du port ».
Au-delà des combats d’arrière-garde idéologiques, il faut sans doute rajouter les réalités de la crise à la raison du repli de Boluda des formes marseillaises. Le groupe espagnol qui a acquis le remorquage des Abeilles en 2007 pour 270 M€, traverse en effet une mauvaise passe après des années d’expansion à deux chiffres. En Espagne, il est en train de resserrer les boulons de son édifice (remorquage, off-shore, transport maritime, construction et réparation navales, transitaire et consignation maritime) qui comprend 85 sociétés, 4 000 salariés et une flotte de 340 unités. Il vient d’emprunter 393 M€ auprès d’un conglomérat de banques espagnoles pour son désendettement. Et d’hypothéquer les terrains portuaires, son berceau historique, que Boluda possédait à Valencia.