Magdalena Alvarez-Arza, ministre espagnol des Infrastructures s’était spécialement déplacée à Paris pour signer avec Dominique Bussereau cette « déclaration commune ». Cette « feuille de route » dont le texte n’a pas été rendu public, dresse les actions à mener dans les prochaines semaines pour un objectif de mise en service avant la fin de l’année. Il faut donc que soit signé un second accord intergouvernemental autorisant notamment les États à s’engager financièrement et validant les conventions de mise en œuvre et d’exploitation avec les sociétés exploitantes, c’est-à-dire les transporteurs maritimes.
Les aides nationales doivent également être notifiées à la Commission européenne.
Les gagnants sont…
Les fuites parues dans la presse espagnole en novembre 2007, laissaient entendre que la BAI, Grimaldi-LD Lines associé à CMA CGM et Acciona avaient fait acte de candidature parmi quelques autres non-identifiés. Celle d’Acciona paraissait la plus crédible aux yeux des professionnels espagnols car elle était basée sur un fond de commerce existant… en 2007.
Officiellement donc, ont été retenues la candidature d’Acciona (roll non-accompagné entre Nantes/Vigo et Le Havre/Vigo) et celle proposée par le Cercle pour l’Optimodalité et soutenue par l’association Louis Dreyfus Armateur-Grimaldi (roll accompagné entre Nantes et Gijon). Le pouvoir politique espère donc qu’au début 2010, huit départs hebdomadaires seront proposés au départ des ports français dès la première année pour arriver à 14. Durant cinq ans pour amorcer la pompe, les gouvernements espagnol et français verseront chacun annuellement 15 M € à chaque exploitant dans le cadre d’une convention d’une durée de sept ans, fixant les droits et devoirs de chacun.
L’objectif est de transférer sur la mer l’équivalent de 100 000 poids lourds par an et par autoroute, a précisé le ministère français.
Où est le fret?
Depuis au moins le sommet franco-espagnol de juillet 2001, l’Espagne et la France partagent officiellement et « totalement » tant les idées générales sur le développement du transport maritime à courte distance que les actions « concrètes » proposées telles que l’expérimentation sur des lignes nouvelles des possibilités réelles du mode maritime. Ce consensus fort se solde donc par un espoir de démarrage, neuf ans plus tard, au moment même où Acciona Trasmediterranea qui n’était pas représentée lors de la signature de la déclaration, dégrade son service au départ de Montoir-de-Bretagne (JMM du 27/2; p. 32). En effet, ici comme en Méditerranée, le fonds de cale assuré par les flux import-export de PSA a considérablement baissé. « En fin 2008, nous chargions à bloc le roulier à chaque rotation, 150 remorques », explique un opérateur portuaire. « Aujourd’hui, l’usine espagnole de PSA est en arrêt technique »; le navire attend à quai.
Interrogé sur la pertinence de démarrer un service ro-ro ex nihilo au moment où les échanges intracommunautaires se rétractent, Philippe Louis-Dreyfus note que « s’il faut attendre que la demande soit là et que les gouvernements soient prêts à financer, on ne commencera probablement jamais rien. Nous travaillons sur le moyen terme ». Et le moyen terme n’est pas toujours couronné de succès. Le p.d.g. et principal actionnaire de LDA confirme que l’aventure Toulon-Civitavechia s’est terminée au bout de quatre ans et de plus de 10 M € de pertes nettes à partager entre les deux partenaires.
Le 26 février, le navire est reparti plein de Toulon car les dockers locaux ont empêché son déchargement. Terminé pour le service. Mauvaises augures?
Offre Grimaldi-LD Lines
L’objectif est bien de démarrer à la rentrée 2009 avec un roulier mixte de 2 200 ml disposant d’une vitesse de service de 23 nœuds et d’une capacité de 500 passagers au grand maximum, répond Christophe Santoni, directeur général de LD Lines SAS. Ce navire n’est pas encore désigné. À terme et selon la vitesse de montée en charge, un second navire est prévu pour arriver à un transfert modal de 100 000 ensembles routiers (PL) en année pleine moyennant 30 M€ d’aides bi-nationales par année.
Reconnaissant que démarrer un service en pleine crise économique n’est idéal, Christophe Santoni retourne l’argument: c’est en période de crise qu’il est le plus facile d’innover car les clients sont « forcés » de trouver des solutions plus économiques. Et le service GLD (Grimaldi Louis-Dreyfus) la propose: le camion embarque à 21 h. Le chauffeur se restaure et se repose à bord. Il reprend sa conduite à 11 h. à Nantes après avoir parcouru l’équivalent de 1 000 km. Le tout pour moins de 500 € contre 1 000 € si l’on retient un coût total d’un € au km parcouru.
Le titre de transport maritime sera au nom de GLD. La commercialisation sera assurée par les équipes LD Lines et Grimaldi toutes deux installées en Espagne même si la compagnie italienne est plus puissante surtout du côté Méditerranée.
Est-il raisonnable d’imaginer une service ro-ro Portugal-France qui passerait devant l’Espagne sans s’arrêter? « Pour du « roll accompagné », l’idéal, selon nous, tourne autour de 11 h. de mer », répond Christophe Santoni, directeur général de LD Lines, « 14 h étant déjà la limite supérieure. Entre le Portugal et la France, il faudra nécessairement plus de 14 h. et nous estimons que cela n’est pas jouable ».
Au sujet d’une offre en 45′ pallet wide, le directeur général. répond qu’il surveille toujours une éventuelle concurrence au semi-remorque mais que GLD n’a pas pour vocation de bouleverser les habitudes du transporteur routier espagnol. Ce dernier est équipé de remorques routières. Il est peu probable que d’une manière générale il soit prêt à investir tout de suite dans autre chose.
À moyen terme, estime Christophe Santoni, il n’y aura pas de transfert modal durable si les pouvoirs publiques laissent « faire le marché ». En clair, il conviendrait d’associer des mesures incitatives (comme les aides à l’exploitant maritime ou, moins onéreuses pour le contribuable, au PL chargé; ndlr) et des mesures rendant le « tout route » plus cher et plus difficile. L’idée de considérer le navire comme étant une infrastructure est bien accueillie par les compagnies maritimes, probablement moins par le contribuable.