L’histoire mouvementée d’un pari insensé

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Surnommé « la compagnie des choux-fleurs » à ses débuts, l’armement Bretagne-Angleterre-Irlande (BAI) a démarré ses activités en dépit d’a priori négatifs qualifiant l’aventure de pari insensé et fou. Le 2 janvier 1973, le Kerisnel appareille de Roscoff pour Plymouth avec à son bord ses trois premiers camions. Si le courant commercial s’affirme tout doucement (près de 9 700 camions transportés en 1974), les demandes de passagers se font pressante. Mais le Kerisnel n’offre que 12 cabines…

1974: une page se tourne déjà

Transportant 83 000 passagers et 8 500 camions, le Penn-ar-Bed et tournera la première page de l’histoire de la compagnie. La BAI profite du passage du Tour de France sur son car ferry pour médiatiser la nouvelle appellation commerciale de l’armement: Brittany Ferries. Alexis Gourvennec mobilise ses « commandos paysans » pour empêcher le Mary-Poppins de la T.T.Line allemande d’accoster à Saint-Malo. En 1976 l’Armorique entre en flotte. Puis viennent le Cornouailles en 1977 et le Prince-of-Brittany en 1978, ainsi que l’ouverture de deux nouvelles lignes: Plymouth-Santander et Roscoff-Cork. En 1978, même si la BAI totalise 526 000 passagers et 12 000 camions, elle accumule deux années de déficit et affiche un capital insuffisant pour affronter les difficultés d’une croissance indispensable à sa survie.

1982: les collectivités publiques s’impliquent

Jouant de la fibre régionale, Alexis Gourvennec réussit à convaincre les politiques de venir à l’aide de son armement qui rencontre du sacré gros temps. Naît alors, en octobre 1982, la Sabemen (Société anonyme bretonne d’économie mixte et d’équipement naval) qui devient propriétaire des navires qu’elle loue à la compagnie. Ainsi dopé, l’armement repart de plus belle et prend livraison du Quiberon. Le bilan 1982 affiche 735 000 passagers, 25 000 camions et un CA de 390 MF. Trois ans plus tard, ce dernier chiffre a pratiquement doublé et, en 1985, la compagnie rachète Truckline Ferries, une compagnie de Cherbourg transportant annuellement 50 000 camions sur la Manche. Cette participation des collectivités publiques dans le capital de la compagnie fait des émules. Les Normands mettent en place, en 1986, la Senacal et acquièrent le Duc de Normandie qui inaugure le 6 juin la ligne Caen-Portsmouth, alors que la même année s’ouvre une ligne passagers saisonnière entre Cherbourg et Poole. En 1989, alors que le fret se développe sur la ligne Caen-Portsmouth avec le Normandie-Shipper et que la ligne Cherbourg-Poole se renforce avec le Tregastel, l’arrivée du Bretagne, le tout premier jumbo-ferry de la compagnie, marque un autre tournant. Née en 1991, la Senamanche, une nouvelle société d’économie mixte, devient propriétaire du Barfleur. Avec les navires qui suivent (Normandie en 1992 et le Val-de-Loire en 1993), la BAI s’est dotée de quatre superbes unités qui imposent à la concurrence des standards de confort, de services et de sécurité. La compagnie devient la référence et, en 1994, elle transporte la moitié des 6 millions de passagers et des 390 000 camions qui ont traversé le Channel entre Dieppe et Roscoff.

1993-1996: le creux de la dépression

Faiblesse de la Livre Sterling, baisse du pouvoir d’achat de la clientèle britannique, guerre des tarifs, concurrence sans merci, opérations abusives de ventes hors taxes et régression du trafic global des passagers s’accumulent pour faire tanguer très dangereusement le navire BAI. Un plan d’entreprise de trois ans est décidé, les salaires sont bloqués, les congés réduits, l’armement licencie, se déleste de quelques unités et abandonne même la ligne Saint-Malo/Poole. C’est le temps où, la peur au ventre, tout le monde se serre les coudes jusqu’à un hypothétique retour à meilleure fortune fixé à 10 ans.

Les années 2000: le baromètre remonte

Gérant au plus près son organisation, la BAI reprend des couleurs et, au bout de trois ans d’effort, rembourse ses dettes. Pari réussi. La concurrence s’est essoufflée et la livre sterling est bien remontée. En 2000, La BAI signe un accord avec Condor Ferries pour la commercialisation de la ligne rapide Cherbourg-Poole. En 2003, le Mt-St Michel entre en ligne à Caen et le Pont-Aven arrive en 2004 à Roscoff. En 2005, le Duc-de-Normandie est retiré de la flotte, suivi en 2006 par le Val-de- Loire. La même année la BAI affrète provisoirement le Pont-L’Abbé tout en commandant deux unités neuves, le Cotentin, un fréteur pur, et l’Armorique, un car ferry mixte. En 2009, l’histoire se répète: faiblesse de la livre sterling, perte de pouvoir d’achat de la clientèle anglaise, marasme économique mondial. Un nouveau défi à relever.

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