Commandé après le Normandie mais livré un peu avant, le Barfleur est avant tout un transbordeur qui visait le marché du fret entre Cherbourg et Poole. Misant beaucoup sur la réputation de Truckline Ferries (rachetée en 1985 par la BAI) auprès des chauffeurs routiers britanniques, la direction de la compagnie bretonne en avait conservé l’appellation et les couleurs. C’est pour des raisons de politique commerciale qu’elle a changé d’avis par la suite. « Avec les années, le Barfleur s’est trouvé très sollicité par les passagers qui, achetant un billet Brittany Ferries, s’étonnaient de se retrouver à bord d’un transbordeur de la Truckline, allant jusqu’à se demander s’il ne s’agissait pas d’un prestataire sous-loué! C’est pour rester au même niveau d’image et de notoriété que nous avons décidé de le repeindre aux couleurs de Brittany Ferries », rappelle la direction. Pour le reste, le Barfleur reste un transbordeur aux capacités garage extrêmement optimisées (1 475 m de roulage). Long de 158 m et large de 24 m, il jauge 20 133 UMS et atteint 19,5 nœuds. Plutôt porté sur le fret (547 voitures ou 75 camions), il n’en offre pas moins une capacité de 1 200 passagers sur un même pont et offre 268 couchettes et deux types de restauration.
« Avec ses quatre moteurs Wärtsilä d’une puissance totale de 16 800 chevaux, ce navire est globalement peu motorisé, commente Pierre Denneulin. Mais il est très efficace d’un point de vue propulsion grâce à des hélices très optimisées. Sa salle des machines est très complexe et spectaculairement compacte. Conçu pour le port de Poole, il a un tirant d’eau limité. Mais il a gagné en vitesse en s’allongeant. » Le Barfleur a en effet été jumboïsé lors de sa construction.
Dépoussiérer des concepts vieillissants
À l’origine, le Barfleur devait être un navire quasi identique au Normandie. Mais, pour des raisons budgétaires, la compagnie avait été contrainte de réduire ses ambitions. Ce qui n’a pas été sans poser de problème aux services hôteliers qui ont dû plancher sur un système de restauration adéquat différent de ce qui se pratiquait à bord des autres navires de la flotte. « C’est le premier self-service efficace et de qualité que nous avons mis au point, sachant que nous n’avions que 45 minutes le matin pour servir le petit-déjeuner à 1 200 personnes », explique le commissaire Jean-François Raoul.
Aujourd’hui le Barfleur s’essouffle un peu. « Il doit subir quelques travaux de maintenance et de mise à niveau aux standards Brittany Ferries pour rester homogène avec les navires les plus récemment entrés en flotte », admet la direction. Les services hôteliers planchent ainsi à nouveau sur un mode de restauration. Mettant à profit l’expérience acquise sur le Normandie-Express, ils tentent de remettre le Barfleur au goût du jour. Il s’agit d’abord de « prendre les 20 % de produits qui font 80 % des recettes, comme l’avoue un responsable. Il faut un peu se faire violence pour bien répondre aux véritables attentes de la clientèle et ne pas répéter ce qu’on a l’habitude de faire. Ce n’est pas toujours facile car, chez Brittany Ferries, la restauration est une image de marque très forte. Mais il est nécessaire de dépoussiérer des concepts qui datent un peu. Il faut également se pencher sur la clientèle scolaire d’aujourd’hui qui sera celle des adultes de demain. Elle doit donc garder un bon souvenir des traversées. » Testés grandeur nature à bord du Normandie-Express, mis en œuvre à bord de l’Armorique, dupliqués sur le Bretagne et appliqués au Barfleur, ces nouveaux concepts se veulent innovants selon les responsables des services hôteliers.
Quant à la décoration, elle détonne au premier abord sur ce transbordeur principalement axé sur le fret. « Un pari impossible dans ce navire assez basique finalement » résume son responsable, Erwann Rougé, qui a eu pour seule consigne de n’y faire « que du moderne et de l’abstrait… »